09 juillet 2006

Chronique des nécessaires inventions

Qui n'a jamais rêvé, une fois dans sa vie, de contempler une bétonnière de camping ? Ou un piège à mouches élégant et multicolore ? A moins que votre désir secret ne soit de voir tourner une girouette fabriquée par madame Poulidor elle-même, avec une roue d'un vélo de son mari, grand collectionneur de bicyclettes comme tout le monde le sait... Grâce à la compagnie OPUS (Office des phabricants d'univers singuliers), ces plaisirs raffinés sont désormais à la portée du plus grand nombre. Sillonant les campagnes de France, l'exposition itinérante du patrimoine inventif amateur apporte les lumières de la civilisation jusque dans les contrées les plus reculées. Pensez-donc, ils n'hésitent pas à s'aventurer en Limousin ou dans le Morvan. Certains bressans prétendent même les avoir aperçu à Louhans. Mais rien n'est moins sûr. On ne peut pas se fier à ces gens là. Car le bressan est fourbe et inventif. Il est réduit à cet état lamentable par la grande misère de son pays, où l'on se marie entre parents sans craindre les effets de la consanguinité et où, pour survivre, on a deux métiers. Vétérinaire et boucher par exemple.

C'est du moins ce qu'affirme monsieur Bourdet, éminent spécialiste de la question, et je ne me permettrais pas de mettre en doute la parole d'un homme aussi sage. Il est assisté du bourru mais fidèle monsieur Chon. Un emploi-Sarkozy. Un vieillard en phase de pré-délinquance, victorieusement réinséré dans la société. Avec son aide, il présente toute une galerie d'objets glanés dans les greniers ou offerts par de généreux donateurs amis de la science. Car la science fait rage. Les déneigeuses sont "rémanentes"; les baleines se transforment en fontaine d'intérieur, et les molécules du goût de bouchon ne pèsent pas lourd face à l'ingéniosité du buveur frustré.


A chaque objet, son histoire, son anecdote, qu'il serait indélicat de reproduire intégralement ici. Monsieur Bourdet le fait avec un talent d'historien entomologiste de la trouvaille, et ses qualités de conteur surpassent de loin les miennes. Car on sent l'homme de l'art derrière le scientifique distingué. Qui mieux que lui pourrait raconter les tenants et les aboutissants de ce pur produit du terroir bressan : la machine à déférrer les chats ?

Comme cela a été évoqué plus haut, mais je constate avec peine que certains ne suivent pas, les bressans sont inventifs. Non par quelque génie local, mais par obligation devant la dureté de la vie. Leurs enfants dégénérés (mais si, les mariages consanguins... ah vraiment, vous ne faites aucun effort), dans ce pays sans distraction, ont pour principal amusement de ferrer les chats. Ils capturent un chat, ils le ferrent avec des petits fers adaptés à ses pattes, et ils le regardent ensuite galoper en faisant des étincelles -car le chat ferré galope- sur les chemins pavés de la bresse, dans les dernières lueurs du soleil couchant...

On voit par là que le sadisme n'exclue pas une certaine poésie.


Monsieur Carnet, boucher réputé et vétérinaire honoraire de Vic-des-Prés, a inventé cette ingénieuse machine, dont le fonctionnement répond si bien à l'esprit bressan. L'animal est sanglé dans l'appareil, les oreilles coincées par les petites pinces de gauche (ça fait mal, mais il est important pour la suite qu'il ne puisse pas s'échapper), et les parties sensibles serrées par un système tout simple, une vis qu'il suffit de tourner.

Le chat, sous l'effet de la douleur, se met à ruer à violement de ses pattes arrières ferrées, et il ne reste au boucher qu'à placer une pièce de viande de charolaise de réforme à portée des coups du chat, pour attendrir cette carne que personne à l'exception des bressans n'accepterait de payer un tel prix.

Quand le chat est fatigué, et la viande bien attendrie, le boucher déplace son stylo vers sa poche de chemise -car c'est là la véritable différence entre un boucher et un vétérinaire : l'emplacement du stylo- sort une petite pince, et libère enfin la pauvre bête de ses entraves.

***

Petit musée fictif et itinérant des arts singuliers, le Conservatoire des curiosités se situe effectivement à la frontière du théatre et du musée imaginaire. Si les objets sont bien réels, leurs inventeurs n'en demeurent pas moins imaginaires et autodidactes. Il était présenté à Dijon au jardin de l'Arquebuse (j'ai déjà parlé de ce lieu mélancolique) dans le cadre du festival "Carte libre" ; la ville de Dijon aime les festivals, j'en reparlerai dans mes prochains billets.

Je n'ai évoqué ici qu'une petite partie des objets et des présentations, c'est un point de vue partiel sur le spectacle qui, hormis la bétonnière de camping et la déneigeuse rémanente, montre, entre autre choses, une machine à botter le cul des drôles et un canon à souris. Mais les objets en eux mêmes ne seraient rien sans les comédiens qui les font vivre.

Chantres de l'humour absurde, n'hésitant pas à vanner les spectateurs pour peu que ceux-ci rentrent dans le jeu, le prince-sans-rire Bourdet et son acolyte anonyme Chon offrent (parce que au tarif de 3€ c'est vraiment offert) une heure de rire bienfaisant. Encore faut-il tolérer l'humour noir et comprendre l'ironie, ce qui n'est pas donné à tout le monde. Il paraît que des bressans se seraient plaints. Ces gens là ne sont décidemment pas fréquentables.

5 commentaires:

  1. hum... j'accroche pas sur le texte, l'heure tardive pitêt... Bouah! ça m'a épuisé ces gosses à la maison aujourd'hui lol
    bizz

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  2. Salut toi ! ;-)
    J'ignorais que tu en avais plusieurs ! Tu m'as caché des trucs (hihi!)
    Bizzz, toi !

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  3. De commentaire en comentaire, je finis par arriver ici - avec quelques mois de retard.
    Voilà qui me rappelle furieusement le "Catalogue d'objets introuvables" de Jacques Carelman (Régent du collège de 'Pataphysique, membre fondateur de l'oupeinpo avec Jack Vanarsky )...
    On peut y trouver divers projets tels que :
    le sablier de poignet, la casserole de camping gonflable, les compas préréglés, etc.

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  4. EN tous cas à te lire, je serais vraiment curieuse de découvrir cette expo... c'est authentique !

    PS : ben oui ! elle m'avait échappé cette chronique ! (smiley que tu connais ! ;-))

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  5. @ Delph : Comme quoi il faut toujours être en forme pour bien profiter des chroniques de Sammy...
    (autre smiley que tu connais, dans l'autre sens)

    @ Christelle : tu nous fera bien un petit article sur ce catalogue ? ;-)

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