17 février 2009

Complotons contre le complot !

Ils ne vous font pas marrer vous, tous ceux qui voient des complots partout, et qui vous expliquent sans rire que :
- Aucun avion ne s'est écrasé contre le Pentagone le 11 septembre 2001
- Pour les tours jumelles, on aimerait bien dire que c'est pas vrai, mais il y a trop d'images qui prouvent le contraire alors on explique que de toute façon, les tours ne se sont pas écroulées à cause des avions (sous-entendu : elles étaient truffées de dynamite du sous-sol au grenier)
- Hitler n'a guère ouvert que des centres de vacances, sans plus
- Les extra-terrestres sont parmi nous
- Barack Obama est membre du grand complot mondial / manipulé par le grand complot mondial / aux ordres du grand complot mondial (choisissez l'option qui vous fait le plus rire)
- Kennedy n'a pas été tué par Lee Harvey Oswald
- Elvis Presley est toujours vivant
- La fin du monde aura lieu en 2012
- Les juifs, c'est tous des francs-maçons
- Les francs-maçons, c'est tous des juifs
- Les maçons, ça fait rien qu'à picoler
- Michaël Jackson est noir, en vrai

    En fait ce n'est pas vrai. Tous ces gens ne me font pas marrer du tout. Ils auraient plutôt tendance à me faire peur, pour être tout à fait honnête.

    World Trade Center en train d'être truffé d'explosifs du sous-sol au grenier, preuve exclusive !

    Ils me font peur parce qu'ils sont convaincus d'avoir raison, et les gens qui croient en quelque chose me font peur d'une manière générale ; mais aussi parce qu'aucun argument rationnel n'est utilisable avec eux. Ils ont raison et nous avons tort, et nous sommes au mieux naïfs, voire victime de la manipulation du grand complot mondial, au pire complices de celui-ci.

    Ils me font peur parce qu'ils choississent la solution la moins évidente, la plus tordue, celle qui privilégie la peur, le complot, les explications alambiquées, et réfutent d'un revers de main tout ce qui peut ressembler à un argument scientifique. C'est parfois par intérêt, parfois au nom d'une croyance, souvent par tournure d'esprit, pour ne pas dire autre chose.

    Tout ce développement pour attirer l'attention sur quelques sites (sérieux) qui méritent le détour :
    - Conspiracy watch, observatoire du conspirationnisme et des théories du complot 
    - Attentats du 9/11 : Mythes et légendes ; l'auteur souhaite "juste dénoncer les raccourcis scientifiques qui sont utilisés pour corroborer la théorie conspirationniste"
    Et une série d'articles publiés par Samuel Laurent sur Suivez le geek :
    - DailyMotion et le grand complot mondial
    - Le grand complot mondial, épisode 1 : Les illuminatistes
    - Episode 2 : Apocalypse 2012
    - Episode 3 : "Et ils règneront sur Terre"

      16 février 2009

      Chronique illustrée de Charles Lapicque

      C'est une chose étrange que le destin. Vous pouvez faire des choses grandes et magnifiques, laisser une trace dans la science, l'histoire de l'art voire l'histoire tout court, connaitre une relative célébrité, puis retomber dans un oubli que la vie ne vous avait fait que temporairement quitter. Avec un peu de chance, une plaque de rue viendra rappeler aux passants distraits que vous avez existé.

      C'est ce qui est arrivé à Charles Lapicque, qui a traversé le siècle dernier dans toute sa longueur en laissant quelques empreintes sur la science, et de grosses traces de couleur sur la peinture, et qui pourtant est aujourd'hui ignoré par presque tout le monde. Même Dijon a sa rue Charles Lapicque - il faut dire que son musée comporte une riche sélection de ses oeuvres. Je suis passé régulièrement vers cette rue, ce n'est que récemment que j'y ai prêté attention. Elle doit être plus ou moins rédigée ainsi : "Charles Lapicque, 1898-1988, peintre français."

      La bataille de Waterloo, 1949

      "Peintre français". C'est un peu court, mais il est impossible de résumer la vie d'un homme sur une simple plaque émaillée. Tâchons tout de même de lui rendre justice en quelques lignes. Chérie de Sammy et moi-même avons découvert Charles Lapicque a l'occasion de l'exposition rétrospective que le musée de la Poste lui consacra l'année dernière. Rien que l'affiche donnait envie d'en voir davantage.



      Le choix de l'affiche est judicieux, car elle reprend L'embarquement pour Cythère, tableau idéal pour commencer à parler de l'artiste : Lapicque, c'est beau, c'est plein de couleurs., c'est de la vie posée sur une toile, transposée, traduite par un code qui n'appartient qu'à lui :
      "Mettez du rouge, de l'orangé, du jaune pour tout ce qui est impalpable et lointain, notamment le ciel et du bleu pour tout ce qui est solide, compact, rapproché, la terre par exemple"
      Le port de Loguivy, 1939

      Il faut dire que celui qui n'était à ses débuts qu'un peintre du dimanche exceptionnellement doué est aussi docteur en physique, spécialisé dans l'optique et l'étude des couleurs. On sent qu'il maitrise son sujet. Il maitrise d'ailleurs tellement qu'à partir de 1939 il laisse tomber la science pour se consacrer à plein temps à la peinture.

      Le buveur, 1937

      J'ai pu lire ça et là qu'il appartient à l'école de Paris. Je ne sais pas pour vous, mais moi, l'école de Paris, ça ne m'évoque rien du tout. Si je devais absolument faire rentrer Lapicque dans une petite case, je dirais qu'il appartient à l'école de la vie et du grand large, à l'école de la couleur, de la liberté et du mouvement. Avec Lapicque, il faut prévoir des petites cases relativement grandes.

      Régates vent arrière, 1952

      Pour faire simple, Lapicque a commencé par faire de l'abstrait ; mais à sa façon, avec des entrelacs de couleur, des tableaux-rébus, des tableaux tout en mouvement où l'oeil suit une trajectoire d'un bout à l'autre de la toile. Au fil des années, il s'est fait de plus en plus figuratif, mais c'était toujours du Lapicque, toujours profondément original et sincère - sincère au sens de fidèle à lui-même.

      Les régates, 1946

      Charles d'Aquitaine, 1953

      Il aimait les bateaux, le sport, notamment le tennis ; il aimait la Bretagne et Venise, il aimait les tigres, éléments que l'on retrouve dans ses tableaux. Les œuvres des dernières années surtout, les plus figuratives justement, sont à la fois une explosion de couleurs et un resserrement sur ces quelques thèmes. Mais quel régal ! Ses couchers de soleil sur Venise sont des feux d'artifice, ses tigres sont des rêves borgesiens...

      La matinée d'un seigneur, 1961

      Coucher de soleil sur la Giudecca, 1955

      Il aimait aussi la vie, il a caché des juifs pendant la guerre ; les noms de Charles et Aline Lapicque ne figurent pas seulement sur une plaque d'une petite rue de Dijon, ils sont inscrits aussi sur la liste des Justes par le Yad Vashem de Jérusalem, et sur le mur des Justes à Paris, honorés par l'hommage national de janvier 2007 au Panthéon.


      Il faudrait corriger la plaque de la rue Charles Lapicque ; je propose un panneau 4x3 portant les mentions suivantes :
      Charles Lapicque, (1898-1988)
      Peintre,
      Ingénieur,
      Régatier,
      Juste parmi les nations,
      Génie de la couleur

      ***

      Pour creuser un peu de votre côté :

      • charleslapicque.fr, le site le plus complet sur Lapicque. La majeure partie des liens de cette chronique pointent vers ce site.