"La nature est le plus grand et le plus merveilleux des temples du Seigneur, surtout par temps sec." Cette citation d'Arto Paasilinna, extraite du Cantique de l'apocalypse joyeuse, pourrait être placée en exergue de chacun de ses livres. Non seulement la nature tient une place importante dans ses histoires, et les quatre romans lus jusqu'alors ne dérogent pas à la règle, mais elles sont toutes entières baignées dans l'humour, comme entourée de la brume échappée d'un sauna finlandais.
Deux de ces romans pourraient être qualifiés de road-movies animaliers : à chaque fois, c'est la rencontre entre un homme et un animal qui va décider du nouveau tournant donné au destin du héros. Dans Le lièvre de Vatanen comme dans Le bestial serviteur du pasteur Huuskonen, il s'agit de personnages assez désabusés, voire légérement cyniques, qui vont saisir le prétexte offert par l'animal (un lièvre pour le premier, et rien de moins qu'un ours pour le second) pour partir à l'aventure, délaissant un mariage raté, un travail décevant, une vie devenue trop morne ou trop routinière.
Dans Petits suicides entre amis, la vie n'est pas morne, ni routinière, elle est juste insupportable : le propos du roman est de raconter le périple d'une bande de suicidaires qui affrêtent un bus de grand tourisme pour une croisière définitive.
Dans tous les cas, en s'éloignant petit à petit de notre civilisation, les protagonistes finissent par se découvrir eux-mêmes, et bien entendu, comme dans tout road-movie, achèvent cette histoire transformés. Car l'important n'est pas le chemin que l'on parcoure dans l'espace mais celui que l'on fait en soi.
Leur vagabondage peut aussi être vu comme une métaphore de la liberté : celle d'hommes libérés de toutes les attaches, motivés principalement par la recherche du bonheur, quitte à rompre avec la société. Celle-ci est observée de l'extérieur, avec ses usages, ses règlements, ses lois qui deviennent tout à coup dérisoires. Si ce rejet affiché se veut dénonciation d'une certaine bêtise humaine, Le cantique de l'apocalypse joyeuse prend davantage des allures de fantasme moyen-âgeux prônant le retour au bon sens paysan.
Dans ce dernier roman, l'humour est plus que jamais présent, la brume échappée du sauna devient un épais brouillard de loufoquerie, sur la toile blanche duquel Paasilinna s'en donne à coeur joie pour dénoncer toutes les turpitudes de l'époque. Les bourses s'effondrent, les centrales nucléaires explosent, New-York se noie dans ses ordures et les églises se bâtissent sans permis de construire, bref, l'apocalypse menace, ce qui n'empêche pas la bureaucratie de continuer à produire sa paperasse, ni les évêques de consacrer les églises envers et contre tout. Même imbibés de gnôle.
Cette uchronie joyeuse et pessimiste se veut, plus encore que ses romans précédents, un plaidoyer pour un homme plus proche de la nature et une dénonciation d'une société dominée par la folie de l'argent. Ce retour à la nature prenant ici les apparences d'une communauté autarcique dont la prospérité ira croissant, à mesure que l'état général de la planète se dégradera. Mais l'important n'est pas là : au-delà de l'utopie forestière, Paasilinna tente une fois de plus de montrer ce qui est vraiment important à ses yeux : la solidarité, le travail, la sagesse. Le bon sens paysan.
Même après la fin du monde (le 24 novembre 2023, tenez-vous prêt), il est toujours temps de se mettre au travail : "On ne resta pas à s'étonner outre mesure des caprices du soleil de la Saint-Jean. Les Ukonjärviens trouvaient qu'il y avaient plus important à faire, dans ce monde, que regarder d'où venait la lumière. Dès le lendemain, ils partirent travailler aux champs, car les semailles attendaient. Il fallait se hâter, c'était déjà le solstice d'été."
Et si il ne pleut pas, on pourra déjeuner dehors, dans le grand temple de la nature.
Vous pouvez désormais retrouver cette chronique sur Livres-Coeurs, le club des lecteurs !
Deux de ces romans pourraient être qualifiés de road-movies animaliers : à chaque fois, c'est la rencontre entre un homme et un animal qui va décider du nouveau tournant donné au destin du héros. Dans Le lièvre de Vatanen comme dans Le bestial serviteur du pasteur Huuskonen, il s'agit de personnages assez désabusés, voire légérement cyniques, qui vont saisir le prétexte offert par l'animal (un lièvre pour le premier, et rien de moins qu'un ours pour le second) pour partir à l'aventure, délaissant un mariage raté, un travail décevant, une vie devenue trop morne ou trop routinière.
Dans Petits suicides entre amis, la vie n'est pas morne, ni routinière, elle est juste insupportable : le propos du roman est de raconter le périple d'une bande de suicidaires qui affrêtent un bus de grand tourisme pour une croisière définitive.
Dans tous les cas, en s'éloignant petit à petit de notre civilisation, les protagonistes finissent par se découvrir eux-mêmes, et bien entendu, comme dans tout road-movie, achèvent cette histoire transformés. Car l'important n'est pas le chemin que l'on parcoure dans l'espace mais celui que l'on fait en soi.
Leur vagabondage peut aussi être vu comme une métaphore de la liberté : celle d'hommes libérés de toutes les attaches, motivés principalement par la recherche du bonheur, quitte à rompre avec la société. Celle-ci est observée de l'extérieur, avec ses usages, ses règlements, ses lois qui deviennent tout à coup dérisoires. Si ce rejet affiché se veut dénonciation d'une certaine bêtise humaine, Le cantique de l'apocalypse joyeuse prend davantage des allures de fantasme moyen-âgeux prônant le retour au bon sens paysan.
Dans ce dernier roman, l'humour est plus que jamais présent, la brume échappée du sauna devient un épais brouillard de loufoquerie, sur la toile blanche duquel Paasilinna s'en donne à coeur joie pour dénoncer toutes les turpitudes de l'époque. Les bourses s'effondrent, les centrales nucléaires explosent, New-York se noie dans ses ordures et les églises se bâtissent sans permis de construire, bref, l'apocalypse menace, ce qui n'empêche pas la bureaucratie de continuer à produire sa paperasse, ni les évêques de consacrer les églises envers et contre tout. Même imbibés de gnôle.
Cette uchronie joyeuse et pessimiste se veut, plus encore que ses romans précédents, un plaidoyer pour un homme plus proche de la nature et une dénonciation d'une société dominée par la folie de l'argent. Ce retour à la nature prenant ici les apparences d'une communauté autarcique dont la prospérité ira croissant, à mesure que l'état général de la planète se dégradera. Mais l'important n'est pas là : au-delà de l'utopie forestière, Paasilinna tente une fois de plus de montrer ce qui est vraiment important à ses yeux : la solidarité, le travail, la sagesse. Le bon sens paysan.
Même après la fin du monde (le 24 novembre 2023, tenez-vous prêt), il est toujours temps de se mettre au travail : "On ne resta pas à s'étonner outre mesure des caprices du soleil de la Saint-Jean. Les Ukonjärviens trouvaient qu'il y avaient plus important à faire, dans ce monde, que regarder d'où venait la lumière. Dès le lendemain, ils partirent travailler aux champs, car les semailles attendaient. Il fallait se hâter, c'était déjà le solstice d'été."
Et si il ne pleut pas, on pourra déjeuner dehors, dans le grand temple de la nature.
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