16 juillet 2006

Festival #01 - L'art de ne rien faire


La cour de Flore a dû voir bien des choses, mais ça, je pense que c'est la première fois. Deux journées consacrées à l'art délicat de la farniente, au savant problème du laisser aller, bref, aux différentes manières de ne rien faire.

Les préparatifs avaient déjà attiré les curieux, il était donc normal que les participants soient nombreux, et entièrement plongés dans cette activité, habituellement peu usitée dans cette cour de prestige acollée à la mairie : se poser les fesses dans un transat et regarder passer le temps, jouer à la pétanque sous des fenêtres ouvragées, résoudre un sudoku ou des mots croisés ou tout simplement discuter aimablement au milieu d'un champ de tournesol artificiels.

Car l'art de ne rien faire ne saurait se passer d'accessoires, et les organisateurs avaient bien faits les choses. Au milieu d'une légère odeur de gazon -d'autant moins synthétique qu'il avait déjà eu le temps de jaunir- on se demande quelques instant où l'on se trouve exactement. Pour un peu on entendrait les mouettes et le bruit des vagues.

J'observe, ravi, ce spectacle à la frontière de l'irréel, qui ne semble pas déstabiliser outre mesure les joyeux estivants qui ont établis ici leurs quartiers pour la journée. La brave mamie qui s'arrête à ma hauteur, par contre, a un peu plus de mal. C'est, disons, un problème conceptuel...
- (étonnée) : Qu'est ce que c'est ?
- (moi, désignant une affiche) : C'est "L'art de ne rien faire" !
- Mais ils font quoi ?
- Eh bien... rien ! C'est ça l'idée !
- Je ne comprends pas... un si beau lieu, faire ça....
- (moi, emphatique) : Justement ! C'est du détournement de lieu ! Regardez ces fenêtres sculptées, ce cadre Grand Siècle, il fallait oser poser du gazon au milieu !
- (dubitative) : Mais ça sert à quoi ?
- ...
Elle s'éloigne, souriante et obstinée, absolument pas convaincue par ma rhétorique, pensant sans doute que ce monde est décidemment de plus en plus fou.
Elle n'a pas vraiment tort au fond.
Soyons joyeusement fous dans un monde fou à pleurer...
***

Ainsi se termine le festival #01
Je n'ai pas tout vu, mais je n'ai pas raté grand chose. A l'heure du bilan, je pense pouvoir dire qu'il s'agit d'une réussite. Les gens étaient là, les spectacles ont plus, n'étant ni trop convenus, ni trop avant-gardistes, avec un petit bémol toutefois pour Shadow blues, qui, à trop vouloir faire dans l'intellectualisme, a bien failli jouer devant des gradins vides...

Seule petite chose qui ne se passe pas dans un des hauts lieux de la capitale bourguignonne : l'exposition virtuelle Karapika à Dijon. Hormis un "prologue" qui se déroulait à l'Hôtel de Vogüe, toute l'histoire se déroulera sur internet. Je vous donne le lien, c'est... spécial. La mamie déroutée par l'invasion des tongs dans le palais ducal ne sera plus la seule à être dubitative...
***

Quittant la cour engazonnée pour quelques heures encore, je monte le grand escalier de pierre blanche menant au Salon Apollon, pour l'exposition photographique "Dijon vu par Yves Guillot"
Difficile de décrire une petite cinquantaine de photos en quelques lignes, il eut fallu prendre des notes. J'ai quand même été conforté dans mes marottes personnelles en constatant que l'artiste avait choisi des points de vue décalés, des détails tels que des lampadaires ou des portes cochères, entrecoupés toutefois de détails pris sur tel ou tel monument dijonnais.

Bon. Encore quelques années d'entrainement et je monte mon expo.
Ce sera joyeusement fou.
***

En attendant ce grand événement, je pars en vacances ! Je lirai vos commentaires -débordant d'enthousiasme, je n'en doute pas- à mon retour, mais j'espère quand même trouver le moyen d'accéder à internet d'ici là...

15 juillet 2006

Festival #01 - Shadow blues (chronique de l'ennui profond)

Ca partait pourtant d'un bon sentiment. Un spectacle qui devait mélanger des lectures de Tanizaki (Eloge de l'ombre, Le tatouage), de la musique orientale, des projections et du théatre. Seulement voilà, c'était soit trop long, soit trop lent, soit les deux à la fois, mais ce fut bien pénible.

Dans la cour de Bar aménagée en jardin japonais, plusieurs histoires s'entremêlent entre passé et présent, orient et occident, lecture et mise en abyme du cinéma dans le théatre.

Le prétexte principal est le tournage d'un film sur Le tatouage de Tanizaki, lequel est entrecoupé d'interventions tantôt conférencières, tantôt oniriques, et rythmées par une envoutante musique orientale. Certaines scènes se jouent sous nos yeux, d'autres sur l'écran au fond de la cour.

De même que le cinéma rencontre le théatre, l'orient rencontre l'occident à travers les lectures de l'Eloge de l'ombre. Certains passages sont fascinants, et mettent en avant tout ce qui oppose les cultures japonaise et occidentale. L'opposition est peut-être trop insistante d'ailleurs, il faut replacer ce livre dans son contexte, et se souvenir que le Japon qu'il décrit appartenait déjà au passé en 1933. En voulant en savoir plus sur l'auteur et son oeuvre, j'ai trouvé ce commentaire d'un bloggeur réputé qui reprend une grande partie des thèmes évoqués pendant le spectacle, et correspond assez bien au sentiment que j'ai éprouvé.


Pour autant, à travers la musique, la danse, les paroles, le spectacle peut-être vu comme une initiation à la culture japonaise, avec une couche supplémentaire dans ce mélange, apportée par un texte contemporain, écrit pour l'occasion si j'ai bien compris, Retour à Kobé, histoire d'une rencontre dans ce jardin où se tourne le film, entre l'acteur japonais et une jeune femme occidentale. Nouvelle occasion de reprendre les thèmes déjà évoqués, avec une seconde mise en abyme, après le cinéma dans le théatre, c'est le théatre dans le théatre...

Les histoires et les strates n'en finissent plus de se répondre et se faire écho ; malgré tout, l'ensemble souffre (fait souffrir le spectateur ?) de longueurs proprement soporifiques. Les comédiens, pour autant que j'en puisse juger, sont bons, mais tombent parfois dans un jeu pompeux, presque prétentieux.

Petit à petit, à la faveur des temps morts, les gradins se vident, les spectateurs s'esquivent par masse, tout une grappe partant à la suite d'un courageux fuyard... L'homme assis non loin de moi est carrément parti en courant... J'ai bien failli en faire autant d'ailleurs, mais la curiosité a été la plus forte, j'ai stoïquement supporté un ennui profond...
Il ferait volontiers de la terre un débris
Et dans un baillement avalerait le monde

14 juillet 2006

1602 jours (Intermède 02)

Entre fanfare et tongs, patientant jusqu'à l'heure du spectacle, je croise une affiche dans le hall de la mairie. Elle rappelle qu'Ingrid Bettancourt est détenue en Colombie.

Combien de temps ? Je viens de chercher : 1602 jours aujourd'hui.

J'ai fait cette photo comme un hommage, je ne sais pas si elle a atteint son objectif.

Combien de temps captive ?

Intermède... en attendant la suite


Jeudi soir, 22h. La semaine est terminée, je suis de facto en vacances.
Je suis à nouveau sur la Place de la Libération ; venu pour voir le spectacle du jour, Shadow blues. Une affiche sur la porte menant à la cour de Bar m'indique néanmoins qu'il me faudra attendre jusqu'à 22h30.

Bah, tant pis, flânons un peu.

Je refais un tour de Palais, l'accès à la cour de Flore étant bloqué pour les préparatifs de Tongs #01 ou L'art de ne rien faire. J'y reviendrais. La cour Grand Siècle, recouverte de pelouse, est méconnaissable, et des techniciens s'affairent : il y a des lumières à régler, des guirlandes de tongs à accrocher (si, si), milles détails urgents ; quelques spots commencent à tourner en tout sens, les tongs s'agitent au gré du vent et les bordel, fait chier putain et autres écoutes moi connard fusent dans l'air tranquille. On voit par là que le langage des techniciens est hermétique pour le profane.

Je m'accoude à une barrière métallique, contemple un instant tout ceci et, me souvenant des conseils d'Estelle (voir le billet précédent), j'adresse un large sourire à la semi-pochtronne avachie à ma droite.
- C'est sympa ce gazon, non ?
- C'est du gazon synthétique !
- Ah non, regardez : ce sont des rouleaux qui sont posés par terre, mais c'est du vrai gazon
- Grmblfb [borborygme incompréhensible] C'est du synthétiiiique !!!
Je décide prudemment de m'éloigner avant qu'elle ne me morde...

Nouveau tour de piste... Quelques photos supplémentaires de ces fontaines qui sont au centre de toutes les attentions -sauf pour les gamins qui ont très vite compris l'aspect ludique de la chose- et soudain je comprend que si l'horaire du spectacle a été décalé, c'est pour cause de défilé. D'abord un mouvement de foule imperceptible, puis une moto de la police municipale. Une vibration de tambours s'approche, arrivant par la place Saint Michel.
Eh bien, allons donc voir...
Cette photo n'est pas floue, c'est de l'art... nuance !

La troupe de souffleurs de clairon et de vieillards portant drapeau s'achemine jusqu'à la cour d'honneur, trajet durant lequel je m'amuse à regarder la facilité avec laquelle les badauds -tous antimilitaristes convaincus n'en doutons pas- adoptent un pas cadencé au son martial de la fanfare.

Ils s'installent, le maire et quelques officiels à dorures sont là ; le concert va pouvoir commencer. Ceux qui ont l'habitude de me lire doivent déjà savoir à quoi je pensais alors...

Pour entendre un de ces concerts, riches de cuivre,
Dont les soldats parfois inondent nos jardins,
Et qui, dans ces soirs d'or où l'on se sent revivre,
Versent quelque héroïsme au coeur des citadins.


Eh bien, nul héroïsme ne s'est déversé en mon coeur. Je partage l'ironie de Baudelaire en la matière ; ce genre de musique ne me touche pas beaucoup, et la disco du Magic Mirror la veille m'a fait plus d'effet, c'est tout dire...

C'est délibérement que j'ai saisi ces quelques instants en noir et blanc : j'ai essayé de mettre en avant le caractère non pas tant intemporel, mais répétitif de la chose...
C'est pourtant fort bête d'être joyeux, à date fixe, par décret du gouvernement. Le peuple est un troupeau imbécile, tantôt stupidement patient, et tantôt férocement révolté. On lui dit "Amuse toi" Il s'amuse.
Et ce n'est pas moi qui le dit, c'est Maupassant...

22h30, les tubas expirent leurs dernières notes, la porte s'ouvre sur la cour de Bar, le spectacle va commencer...
[à suivre]

***

Et zou, la séquence culturelle :

Festival #01 - La boum cardinalice (chronique des rencontres fortuites)

Comment décrire un délire total qui fait pleurer de rire pendant deux heures ? Je vais néanmoins m'y risquer.

Sous le chapiteau en bois du Magic Mirror, Calixte de Nigremont accueille ses spectateurs en vrai maître de cérémonie mondain et raffiné. D'une voix entre Léon Zitrone au sommet de sa gloire et Zaza prise d'un accès de virilité, il commente l'entrée des malheureux retardataires à la façon d'une description de bal mondain, "Monsieur l'ambassadeur de Papouasie orientale auprès le Saint-Siège, accompagné de sa charmante épouse" etc. Un rasta est félicité de sa contribution au quota capillaire, les entrants se voient attribuer des titres de comte et comtesse, marquis et marquise ; monseigneur et son enfant de choeur, monsieur le ministre des affaires culturelles, son altesse sérénissime et sa première camériste... C'est inénarrable.

Les qualificatifs fusent avec une facilité et une aisance époustouflante, et un sens du détail qui fait mouche. Je dois essuyer des larmes de rire alors que le spectacle proprement dit n'a pas réellement commencé.


- Oh, mais je vois que monsieur est très ému !
- Oulala, oui !
- Mais monsieur est tout seul ? Voulez-vous que je vous trouve une compagnie ?
- Une altesse alors ?
- Une altesse, mais il n'y a que de ça ce soir !
Une jeune femme entre quelque minutes plus tard et cherche une place libre du bout des yeux : Oh, mais vous êtes êtes seule ; que dis-je, vous étiez seule... Il la prend par le bras, lui fait faire le tour de la pièce et nous présente cérémonieusement. Merci monseigneur.

Car Calixte de Nigremont sera bientôt un prince de l'Eglise. Il va être fait cardinal. Si il nous a tous convié ce soir, c'est pour participer à la répétition de la cérémonie de remise du chapeau, qui aura lieu dans une semaine, retransmise en direct et en mondovision sur TF1...

Et tout ce qui suit est plus ou moins la succession des tableaux de cette grandiose et émouvante cérémonie. Tableaux où le public -pardon, les VIP- est amené à participer ; attendre recueilli à genoux l'entrée de son éminence, entonner un chant d'allégresse, danser... Et entendre une centaine de personnes entonner "Dominique, nique, nique..." ou "L'Internationale", ça fait quelque chose... Rire notamment...


Il y a de fait une bonne part d'improvisation, qui atteint son paroxysme quand il demande à des spectateurs de venir jouer, tantôt la reine de Saba et le roi Salomon, tantôt un groupe de terroristes bolcheviques. Car il faut créer le suspens chez la France d'en bas au moment où elle va se chercher une bière dans son frigo. N'oubliez pas que nous sommes sur TF1.


Entrecoupée de digressions (décidement je l'aime...) et de confessions laissant entrevoir le tragique derrière le faste et l'élégance (et jamais tragique ne fut aussi drôle), la répétition est un succès. J'ai les zygomatiques contractés, je frôle la paralysie faciale. Calixte de Nigremont, chantre de l'élégance surannée et de l'imparfait du subjonctif, s'éclipse sous les applaudissements d'une foule qui ce soir, ne rêvera que de choses grandes et magnifiques, de cavaliers de la garde nationale entrant en fanfare dans une cathédrale, de robe pourpre et de chants d'allégresse.

***

Mais la soirée ne s'arrête pas là. La demoiselle à côté de moi à l'air bien sympathique, nous engageons la conversation. Voici comment je fis la connaissance d'Estelle, avec qui j'ai pu partager des idées et (quelques...) bières. Bref, ce fut fort agréable. Merci au cardinal Calixte.


Un sac minuscule avec un monceau de choses dedans, tout le matériel de camping à l'arrière de la voiture, des connaissances exotiques parmi le monde de la nuit et une philosophie de la vie qui se résume en quelques mots : Un sourire ne coûte rien ; la vie est courte

Me déposant à quelques centaines de mètres de chez moi, elle lance ces derniers mots :
"Profites de la vie !"

Il est des rencontres fortuites qui semblent avoir été programmées comme des rendez-vous.

***

A propos...

13 juillet 2006

Festival #01 - Insaisissable

Mozart est-il soluble dans l'électronique ?

Le propos du spectacle "Insaisissable" était de faire travailler ensemble un quatuor à cordes, un groupe de musique électronique et une danseuse. En prenant comme prétexte le 250ème anniversaire de la naissance de Mozart. Pourquoi "Insaisissable" ? D'abord parce que le quatuor se nomme le quatuor Insaisi, et parce que le génie est par nature insaisissable... pour ma part, je ne suis pas très sûr d'avoir tout saisi...

Cette deuxième soirée festivalière se déroulait dans le cloître du couvent des bernardines, qu'il m'a fallu repérer sur un plan de Dijon afin de ne point me perdre (on ne se moque pas) ; occasion de découvrir un nouveau coin de cette grande petite ville.

Le quatuor est assis au centre du cloître, sur une petite plate-forme dissimulant l'habituel bassin, et recouverte d'un film doré ressemblant à s'y méprendre à une couverture de survie... Les électro-musiciens (belle formule, non ?) occupent les angles, debout derrière leurs établis high-tech.


Une estrade habillée d'un tissu noir et garnie de larges coussins de même couleur, fait le tour de la cour à cinquante centimètres du sol ; c'est là que nous nous assîmes. Nous étions donc au centre de l'action, entre les musiciens classiques et les musiciens modernes. Sans doute pour empêcher quelque nouvelle querelle, allez savoir...

La première partie, où seul intervint le quatuor, fut proprement féérique, normal, c'est du Mozart... Des ballons attachés au sol entre le public et le quatuor semblent s'agiter en rythme, la nuit finit de tomber et le monde semble n'être plus qu'une harmonie heureuse dominée par le chant mélancolique du violoncelle...

Celui-ci introduira un ultime morceau, puis se taira pour laisser entrer en piste les électroniques et vibrantes volutes du second quatuor, faisant passer le spectacle à la vitesse supérieure. Après la douceur apaisante, place aux trépidations excitantes ; c'est comme un alcool fort après un vin sucré.

Ce type, c'est le Mozart de la batterie...

Le changement est certes vif, mais pas brutal. Pour le moment, les accords électroniques se tiennent à un canevas presque classique, suivent la trame imposée par le quatuor, tout en lui imprimant leur rythme et leur volonté, de plus en plus fort, de plus vite, de plus en plus prenant.

C'est à ce moment là que la danseuse entre en scène, passant au milieu du public, tournant entre les arcades du déambulatoire, apportant son interpretation visuelle et corporelle à une musique qui s'éloigne de plus en plus de Mozart. Je suis subjugué. Elle passe tout près de moi, je n'ose prendre une photo de peur de la déranger dans son effort, je respecte le travail de l'artiste.



La partie électronique était aussi intéressante que la partie classique, mais c'est pourtant cela qui me pose problème : les deux groupes de musiciens n'ont pas joués ensemble, mais l'un après l'autre. Comme deux concerts de styles différents collés l'un à l'autre. Cela donne l'impression que malgré ce qui était annoncé, les deux styles ne pouvent que cohabiter, mais pas se mélanger. Dommage. Dommage aussi pour les groupes, qui ont attendus à tour de rôle de pouvoir jouer.

Le spectacle se termine sur le Requiem, qui est une des plus belles choses qui soient au monde. Quelques mesures du choeur, je me dis que la fusion des deux musiques va enfin se produire... eh non, le final sera totalement électronique. Bon son, très bon même, mais je n'ai pas toujours vu (hum, entendu) le rapport avec Mozart...

***

Je fais un détour par la place de la Libération en rentrant ; je vais voir ces fameuses fontaines sèches de nuit pour changer. Il faut reconnaître que si les défauts constatés une nuit précédente sont toujours là, ça a quand même de la gueule...


Jeudi , deux heures du matin... je termine cette chronique en rentrant du spectacle qui fournira le prétexte de mon prochain commentaire : La boum cardinalice. J'ai encore mal aux zygomatiques...

11 juillet 2006

Festival #01 - 3600 secondes

Le spectacle 3600'' ouvre le festival #01 (Dièse 1) , qui va animer les nuits dijonnaises toute cette semaine. Votre blogueur-reporter sera sur place, prenant sur ses heures de sommeil pour vous rapporter l'information ! (mais quelle mauvaise foi...) Mon planning est donc très chargé : j'ai décidé de tout voir, mais aussi de tout rapporter...

Cette représentation-performance a donné le ton de ce festival je pense. On en reparlera samedi. La nuit était chaude et claire, le public nombreux et attentif. Assis à même les pavés neufs de la place de la Libération (il faut bien qu'ils soient rentabilisés...), nous sommes partis en voyage ; en voyage dans le temps...
Et si la vie ne durait qu'un heure ? Et si une heure durait toute la vie ?
Et si vous pouviez recommencer une heure ratée autrefois, pour la remplir de tout ce que vous aimez ? Vous feriez quoi ? Laquelle parmi toutes serait choisie ?
Et si vous aviez une heure ?
Peut-être la dernière.
Que feriez-vous ?
De part et d'autre de l'axe médian de la place, deux écrans aussi géants que circulaires ; le spectacle n'a pas encore commencé, ils font défiler en boucle L'horloge de Baudelaire et un poème de Shakespeare portant lui aussi sur le temps qui passe. Nous sommes sagement disposés en deux demi-cercle de chaque côté des écrans. Une voix nous invite à nous rapprocher de l'espace central, et tout le monde se précipite jusque aux pieds même des structures. Au bout de quelques minutes, deux lumières oranges et aveuglantes partant de chacune d'elles séparent la foule en deux, et des techniciens relient les deux écrans en installant des passerelles. Si c'est pas du fait exprès ça...

Une minute est passée.

Trois mille six cents fois par heure, la Seconde
Chuchote : Souviens-toi ! - Rapide, avec sa voix
D'insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,
Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !

Le spectacle joue sur la représentation que l'on peut se faire du temps. Temps qui s'étire parfois à l'infini, où les secondes semblent des heures, ou au contraire qui file si vite que tout semble nous échapper. Les comédiens évoquent différentes situations où le passage du temps nous est particulièrement sensible ; les embouteillages, les caisses de supermarché, tout ces temps de l'attente que l'on refuse d'accepter.

Une minute est passée.

Comment peut-on se comporter face à cette fuite inéluctable ? Quelle attitude adopter ? Qui, de celui qui a opté pour la sérénité, ou de celui qui s'agite en tout sens, a fait le bon choix ? Les comédiens vont et viennent sur le pont entre les deux écrans, entre passé et futur, entre deux visions du temps, alternant les phases rapides et les période d'immobilité.


Les écrans affichent tantôt un compte à rebours, tantôt un décompte ; celui-ci peut s'accéler, se ralentir, ou s'arrêter. D'autres images s'affichent : parfois ce qui semble être un tunnel routier sans fin, et à un autre moment le visage de deux comédiens, chacun à une extrêmité du pont, de ce trait d'union, pour un dialogue dans le temps, entre un père et son fils ; deux époques, deux lieux, deux langues.

Une minute est passée.

Magnifique performance des corps tendus, crispés dans l'immobilité ou lancés dans une course sans fin, exprimant au rythme de la musique et des interventions sonores autant de sentiments que les tirades, dialogues et déclamations.


Le temps est ce que nous en faisons... libre à nous de le remplir jusqu'à l'excès ou de le laisser filer. Qu'importe ? Souviens-toi que le Temps est un joueur avide/Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c'est la loi. Baudelaire l'avait bien compris : c'est le seul ennemi. Contre lui, point de salut, hormis l'ivresse.

Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or !
Qu'avez-vous fait, mortels folâtres, du temps qui vous a été imparti ?

La minute baudelairienne :
Les photos les moins ratées de ce spectacle se trouvent sur Picasa web album ; pas facile de prendre des photos assis par terre dans le noir...

09 juillet 2006

Chronique des nécessaires inventions

Qui n'a jamais rêvé, une fois dans sa vie, de contempler une bétonnière de camping ? Ou un piège à mouches élégant et multicolore ? A moins que votre désir secret ne soit de voir tourner une girouette fabriquée par madame Poulidor elle-même, avec une roue d'un vélo de son mari, grand collectionneur de bicyclettes comme tout le monde le sait... Grâce à la compagnie OPUS (Office des phabricants d'univers singuliers), ces plaisirs raffinés sont désormais à la portée du plus grand nombre. Sillonant les campagnes de France, l'exposition itinérante du patrimoine inventif amateur apporte les lumières de la civilisation jusque dans les contrées les plus reculées. Pensez-donc, ils n'hésitent pas à s'aventurer en Limousin ou dans le Morvan. Certains bressans prétendent même les avoir aperçu à Louhans. Mais rien n'est moins sûr. On ne peut pas se fier à ces gens là. Car le bressan est fourbe et inventif. Il est réduit à cet état lamentable par la grande misère de son pays, où l'on se marie entre parents sans craindre les effets de la consanguinité et où, pour survivre, on a deux métiers. Vétérinaire et boucher par exemple.

C'est du moins ce qu'affirme monsieur Bourdet, éminent spécialiste de la question, et je ne me permettrais pas de mettre en doute la parole d'un homme aussi sage. Il est assisté du bourru mais fidèle monsieur Chon. Un emploi-Sarkozy. Un vieillard en phase de pré-délinquance, victorieusement réinséré dans la société. Avec son aide, il présente toute une galerie d'objets glanés dans les greniers ou offerts par de généreux donateurs amis de la science. Car la science fait rage. Les déneigeuses sont "rémanentes"; les baleines se transforment en fontaine d'intérieur, et les molécules du goût de bouchon ne pèsent pas lourd face à l'ingéniosité du buveur frustré.


A chaque objet, son histoire, son anecdote, qu'il serait indélicat de reproduire intégralement ici. Monsieur Bourdet le fait avec un talent d'historien entomologiste de la trouvaille, et ses qualités de conteur surpassent de loin les miennes. Car on sent l'homme de l'art derrière le scientifique distingué. Qui mieux que lui pourrait raconter les tenants et les aboutissants de ce pur produit du terroir bressan : la machine à déférrer les chats ?

Comme cela a été évoqué plus haut, mais je constate avec peine que certains ne suivent pas, les bressans sont inventifs. Non par quelque génie local, mais par obligation devant la dureté de la vie. Leurs enfants dégénérés (mais si, les mariages consanguins... ah vraiment, vous ne faites aucun effort), dans ce pays sans distraction, ont pour principal amusement de ferrer les chats. Ils capturent un chat, ils le ferrent avec des petits fers adaptés à ses pattes, et ils le regardent ensuite galoper en faisant des étincelles -car le chat ferré galope- sur les chemins pavés de la bresse, dans les dernières lueurs du soleil couchant...

On voit par là que le sadisme n'exclue pas une certaine poésie.


Monsieur Carnet, boucher réputé et vétérinaire honoraire de Vic-des-Prés, a inventé cette ingénieuse machine, dont le fonctionnement répond si bien à l'esprit bressan. L'animal est sanglé dans l'appareil, les oreilles coincées par les petites pinces de gauche (ça fait mal, mais il est important pour la suite qu'il ne puisse pas s'échapper), et les parties sensibles serrées par un système tout simple, une vis qu'il suffit de tourner.

Le chat, sous l'effet de la douleur, se met à ruer à violement de ses pattes arrières ferrées, et il ne reste au boucher qu'à placer une pièce de viande de charolaise de réforme à portée des coups du chat, pour attendrir cette carne que personne à l'exception des bressans n'accepterait de payer un tel prix.

Quand le chat est fatigué, et la viande bien attendrie, le boucher déplace son stylo vers sa poche de chemise -car c'est là la véritable différence entre un boucher et un vétérinaire : l'emplacement du stylo- sort une petite pince, et libère enfin la pauvre bête de ses entraves.

***

Petit musée fictif et itinérant des arts singuliers, le Conservatoire des curiosités se situe effectivement à la frontière du théatre et du musée imaginaire. Si les objets sont bien réels, leurs inventeurs n'en demeurent pas moins imaginaires et autodidactes. Il était présenté à Dijon au jardin de l'Arquebuse (j'ai déjà parlé de ce lieu mélancolique) dans le cadre du festival "Carte libre" ; la ville de Dijon aime les festivals, j'en reparlerai dans mes prochains billets.

Je n'ai évoqué ici qu'une petite partie des objets et des présentations, c'est un point de vue partiel sur le spectacle qui, hormis la bétonnière de camping et la déneigeuse rémanente, montre, entre autre choses, une machine à botter le cul des drôles et un canon à souris. Mais les objets en eux mêmes ne seraient rien sans les comédiens qui les font vivre.

Chantres de l'humour absurde, n'hésitant pas à vanner les spectateurs pour peu que ceux-ci rentrent dans le jeu, le prince-sans-rire Bourdet et son acolyte anonyme Chon offrent (parce que au tarif de 3€ c'est vraiment offert) une heure de rire bienfaisant. Encore faut-il tolérer l'humour noir et comprendre l'ironie, ce qui n'est pas donné à tout le monde. Il paraît que des bressans se seraient plaints. Ces gens là ne sont décidemment pas fréquentables.

08 juillet 2006

Chronique de l'agitation des campagnes

Ce blog commençant à être mondialement connu, (voir l'image) on m'envoie désormais des propositions d'articles.
Il y a de ça quelques semaines, une collègue, que nous appellerons "Marraine Agricoll" -je suis sûr qu'elle en sera ravie- m'a envoyé un mail pour me signaler un événement d'ampleur mondiale survenu dans un petit village de Côte d'Or.
"C'est terrible.... pour qui me diras-tu ? Mais pour les voisins que je viens de rencontrer. En effet, en une semaine, des choses étranges ont débarqué à Fontaine-Française. Actuellement, seuls 10 semi-remorques ont apporté ces créatures venues d'un autre monde ... et il en reste encore 10 à venir."
Les voisins s'insurgent, les vieux s'agitent auprès de l'âtre, le maire ne sait plus où donner de la tête. Les journalistes ne vont pas tarder. Résumons-nous : il se passe enfin quelque chose, et on n'avait plus vu une telle animation depuis la victoire de Fontaine-Française par Henri IV en 1595. Au moins.

Alors ? Quel est donc cet événement qui met en émoi une bourgade jusqu'alors si paisible ? Des hordes de plombiers polonais ? Des paras en manque d'exercice ? Le dernier happening d'Optus Warhole ? Une invasion extraterrestre ? Que nenni.

Carlos Regazzoni, le seul, l'unique, le gros...

Ce qui remue ainsi les esprits, c'est l'arrivée de Carlos Regazzoni, sculpteur "ferroviaire" et néanmoins argentin chassé, non sans quelques contreparties, du hangar qu'il occupait en plein centre de Paris, et recueilli, tel un gros oiseau abandonné, par le Comte de Fontaine-Française. Car il y a un Comte à Fontaine. Un vrai, qui vit dans un château. Comme celui de L'affaire Saint-Fiacre. Espérons que tout cela ne sera pas aussi tragique que dans le roman.

Car la révolte gronde au sein de la bonne population de Fontaine. Habitués au calme reposant de la campagne de Côte d'Or, on comprend que les autochtones se montrent quelque peu agacés par cette irruption violemment artistique...

Des cavaliers de l'apocalypse, des libellules composées de ferailles au rebut et de phares recyclés, un singe, des vaches, des hommes-orchestre, des aviateurs ; toute une ménagerie fantastique fabriquée avec des extincteurs et des matériaux récupérés : bâche en plastique, tôle, tuyaux, tonneaux découpés, bref, un bric-à-brac qui vide les décharges et remplit notre imaginaire.

J'ai été émerveillé par les photos de Marraine... et je me suis promis d'aller sur place au plus vite, voir par moi-même, vivre l'événement et pouvoir dire "j'y étais", et surtout, profiter de ce que l'artiste hirsute n'ait pas encore mis une porte au hangar et un guichet à l'entrée. C'est chose faite depuis dimanche dernier. De la moto à la madone, de l'autruche au chevalier en armure, j'ai tout photographié, complétant ainsi le premier reportage de ma contributrice.

Il y a même un éléphant. Ce qui est bien normal, car, comme le disait si bien le grand Vialatte, l'éléphant est irréfutable. L'éléphant est irréfutable, Carlos Regazzoni ne l'est pas moins.
Et c'est ainsi qu'Allah est grand.


Ils sont cités dans cet article :
  • Alexandre Vialatte : Chroniques de La Montagne. Il mérite un article, je n'ose le faire.
  • L'affaire Saint-Fiacre/Simenon (meurtre dans le village d'enfance de Maigret, le Comte aurait-il assassiné sa vieille maman pour éviter la ruine ? Classique mais indémodable)

  • Enki Bilal - Quoi : tout, c'est un dieu...
    Petite préférence pour
    La trilogie Nikopol

Je viens de découvrir que La foire aux immortels
(premier tome de la série) avait le même âge que moi...

07 juillet 2006

Chronique alsacienne

La réunion est l'occupation principale du fonctionnaire un tant soit peu sérieux. Ou qui veut se faire passer pour tel. Réunion préparatoire, de suivi, de bilan, d'étape, de chantier... Certaines sont évidemment indispensables mais, à mon sens, la plupart sont inutiles et ne sont que l'illustration de cette maladie chronique que l'on nomme la réunionnite. Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés.

Et vous trouvez ça drôle ?
on clique sur l'image pour l'agrandir ;-)


En cas de crise sévère, on ne parle plus de réunion mais de séminaire. Un séminaire, c'est une réunion qui dure plusieurs jours, ou, si elle ne dure qu'une journée, c'est que l'on veut par ce titre lui conférer une solennité supérieure.

Les 29 et 30 juin, j'étais donc en séminaire. En Alsace, à Willer sur Thur, je précise pour les plus curieux. Début des festivités à 9h30, ce qui signifie être sur l'autoroute à 6h30 au plus tard. Comme dirait l'un de mes collègues dont l'humour se rapproche le plus du mien, "être fonctionnaire, ça se mérite". Voilà pourquoi je me retrouvais, après une trop courte nuit de plus, lancé à folle allure vers une destination vaguement repérée. Mais si, mon sens de l'orientation... je le ferai cet article un jour...

Première consolation : la voiture. Je retire ce que j'ai dit dans un précédent billet sur le même thème, il n'y a pas que des poubelles à notre disposition, il y a aussi de bonnes voitures. Clio II diesel super pêchue, 140 de moyenne sur tout le trajet (ne l'ébruitez pas) ; climatisation, lecteur CD. Ce qui me permet d'écouter en boucle le dernier Bernard Lavilliers, absolument superbe.




Mais d’où lui vient cette infinie douceur
Cette sensualité mélangée de pudeur
Ses belles mains quand elles se posent
Sur une épaule ou sur mon bras
Tout se métamorphose
On oublie la mort on s’en va
Et notamment ce duo avec Cesaria Evora, sensuel et mélancolique, d'où se dégage cette élégance désespérée qui sied si bien à la saudade...

Deuxième petit bonheur : la variation des paysages, des lumières et des ambiances au fil du trajet. Ces filaments de brume aux alentours de Besançon, comme diffusés par quelque mécanisme caché ; ce disque pâle d'un soleil escamoté par un ciel livide, donnant l'impression d'un trou parfaitement circulaire au milieu d'une toile blanche ; cette transformation progressive du décor...

Mais toujours ce petit agacement : qu'avions nous besoin d'aller nous perdre dans ce trou perdu ? Vais-je arriver à le trouver sans tourner en rond pendant deux heures, moi qui suis capable de me perdre à pied dans Dijon ? Soucis mesquins qui se sont envolés dès la montée du Ballon d'Alsace. Je me suis arrêté en route pour prendre des photos.

Je peux le dire : je suis arrivé en avance, et sans me perdre ! Maintenant sur place, je suis ravi d'être là. Je n'avais jamais été en Alsace, et c'est vraiment superbe. Le chalet-hôtel du Grand Ballon se trouve juste avant le sommet, à un peu moins de 1500 mètres, et le cadre est magnifique. Les autres photos sont sur Picasa Web Albums, ce n'est pas parce que c'est moi qui les ai prises que je vous encourage à aller les voir ! De toute façon, c'est l'appareil qui fait tout !

A 9h, le ciel était dégagé, et la vallée à nos pieds disparaissait sous un tapis de nuages. Mais le temps change vite en montagne. Dans l'après midi, c'est une pluie diluvienne qui a accompagné nos travaux. Et d'un coup, plus rien, comme si quelqu'un avait fermé un robinet. Ce déluge laisse place à un rideau de brouillard montant du sol à toute vitesse, tellement épais qu'on eut pû croire les fenêtres de la salle opaques. En les regardant, j'avais vraiment l'impression d'un mur blanc. Brouillard qui a plusieurs fois disparu, dispersé par un souffle de vent, pour réapparaître aussi épais qu'auparavant quelques minutes plus tard.

De là à imaginer que j'ai passé la journée à regarder par la fenêtre...
J'ai quand même rapporté quelques informations sur les référés supension, les commissions administratives consultatives et l'avenir des services déconcentrés, bref, que des choses grandes et magnifiques. Je me ferais un plaisir d'exposer tout ça en détail, mais mon âme de directeur de la publication me souffle que ce n'est pas une bonne idée... je m'abstiendrai donc.

Nous avons quand même eu le temps et les conditions météorologiques pour faire une petite ballade en fin de journée, histoire de s'en mettre plein les mirettes, de se dégourdir les jambes et de s'ouvrir l'appétit. Car il fallait bien ça pour affronter le repas alsacien qui suivait. Pas de choucroute, mais de quoi nourrir convenablement un régiment en campagne. Et je ne parle ici que du repas du soir, je n'ai pas pris le temps d'évoquer le petit déjeuner et le repas de midi, deux autres grands moments d'empiffrage. Oubliez toutes velléités de régime si vous passez par cette région. Au bout de 15 jours de ce traitement, vous serez soit obèse, soit alcoolique... Hummm... on y retourne quand ?

04 juillet 2006

Libération conditionnelle

Les dijonnais sont prompts à la badauderie et Sammy est d'une curiosité sans limites. Voilà pourquoi, comme annoncé dans mon dernier billet, je me suis retrouvé samedi soir au milieu de cette foule, pour l'inauguration de la place de la Libération "nouvelle formule"


Deux remarques à propos de cette image : c'est un panorama réalisé grâce à Stitch à partir de plusieurs photos. C'est pas transcendant, mais c'est gratuit, contrairement à un objectif grand angle (soupir...) ; en regardant bien, vous pourrez retrouver les raccords. Par ailleurs, l'effet de déformation (l'aile gauche des bâtiments parait beaucoup plus grande que l'aile droite) est dû au fait que je me trouvais à l'extrêmité ouest de la place, c'est à dire tout à fait au bout de l'aile gauche. Juché sur le mur d'enceinte du Palais des ducs, risquant de me casser la figure, pour la seule beauté de la chose. Vous voyez que je ne recule devant rien pour vous informer.

Trève de digression. Commençons par le commencement. Et dans ce genre de sauterie, tout débute par un discours du maire. Lequel, sur un ton faussement jovial, n'a pas manqué de se féliciter de ce retour de l'une des plus belles places de France aux dijonnais, a rassuré sur l'achèvement prochain des travaux dans les rues adjacentes, s'est répandu en remerciements d'usage et n'a pas manqué de distribuer les coups de griffe à la majorité municipale précédente, un premier à propos des finances de la ville, très bien gérées, "ce qui n'a pas toujours été le cas" et un autre sur la culture, à laquelle l'équipe en place accorde une réelle importance, même "si on en parle pas tous les matins, contrairement à d'autres". Applaudissements polis dans l'assistance. Espérons qu'il dormira mieux maintenant qu'il a dit ce qu'il avait sur le coeur cet homme.

François Rebsamen dans ses oeuvres
Palais des Etats de Bourgogne, Cour de Flore

Je reprends quand même des éléments intéressants de son speech. Notre maire lit sûrement mon blog, car il a répondu à mes questions. Point fort de ce réaménagement : les voitures ne passeront plus sur la place. M'en fous, je fais tout à pied... L'ensemble des travaux a coûté 3,6 millions d'euros (d'où la remarque sur les finances) ; les jets d'eau s'appellent des "fontaines sèches", parce qu'il n'y a pas de bassin. Leur position est censée rappeler le tracé des anciennes routes du castrum gallo-romain, avant leur disparition suite à la création de la place par Jules Hardouin-Mansart.

Ces fameuses fontaines sèches... Je n'ai pas le seul à avoir été intrigué. La foule se groupe autour et se questionne. Est-ce que c'est de la vrai eau ? Est ce qu'elle est froide ? Vais-je la faire rentrer dans le trou si j'appuie dessus ? Les plus petits ne sont certes pas les moins attirés, mais leurs aînés n'ont pas résisté bien longtemps à la tentation de jouer eux aussi avec l'eau.


Ce sera d'ailleurs une constante de cette fin d'après midi inaugurale et ensoleillée : les grands s'amusent comme des gamins... Attendez la suite, vous allez voir...

Partant de la place François Rude (la place du Bareuzai, vous vous souvenez ?) et de la place Darcy, des parades se sont acheminées vers la place de la Libération, drainant dans leur sillage la foule des curieux. La caractéristique commune des acteurs de cette troupe (La compagnie Malabar dixit la notice municipale) est que la plupart des acrobates sont sur des échasses téléscopiques, qui leur permettent de sauter comme des gros insectes bipèdes dépourvus d'ailes.

Le premier groupe, tout de blanc costumé, dans un style évoquant vaguement Philippe Decouflé n'était pas le plus remuant ; pantomime, mouvements aériens, impression d'échassiers fantasmatiques, seul un trublion grimaçant vient jouer le rôle du bouffon, piquant à celui-ci ses lunettes, à celui là sa casquette, faisant une bise sur le crâne dégarni d'un vidéaste amateur et bondissant dans tous les sens comme un petit diable blanc monté sur ressorts.


Le second au contraire, générait une animation certaine... C'est autour d'un char arborant une mante religieuse en figure de proue et déversant une musique trépidante, qu'un nouveau groupe d'échassiers démarrait le cortège, tantôt suivi et tantôt précédés d'un groupe de "lanceurs de rubans" au gré du rechargement de leurs machines à enrubanner...

Figurez-vous quatre ou cinq grands garnements portant un coquillage sur le dos et et un sèche cheveux géant et vrombissant à la main, lequel lance, à l'aide d'un mécanisme assez simple, léger un ruban de plastique argenté. Il flotte quelques instant, s'enroule partout, est ramassé par les gamins ravis. L'état de gamin n'étant ici point déterminé par l'âge, mais par la capacité à s'émerveiller de ces filaments scintillants dont les enrubanneurs fous ont abondamment recouvert le parcours ! Et à ce jeu, tout le monde redevient un enfant, les jeunes femmes, les vieux monsieurs respectables, les pharmaciens les plus réputés ; jusqu'aux représentants de l'ordre qui cèdent avec discrétion à ce plaisir subtil et anodin...

Vous trouverez mes photos préférées de cette manifestation sur Picasa Web Albums, ce qui complétera avantageusement ma description !

Non, ce n'est pas la gay pride de Dijon...


Pour le final, les affiches nous promettaient un spectacle pyrotechnique grandiose, mais ce que la foule compacte m'en a laissé voir ne m'a pas vraiment soulevé d'enthousiasme. Les rubans argentés étaient tellement plus joliiiiis... J'achève donc mon reportage en allant jusqu'à la place suivante, où un écran géant attend les footeux pour un match capital... Le temps de quelques secondes, j'imagine vaguement rester, puis je réalise que cette foule excitée et pré-alcoolisée me révulsera encore plus dans deux heures... Je regarde avec quelque mépris une armée de clones en maillot bleu, et avec tristesse des gamins d'à peine 15 ans, une bouteille de rosé aux trois quart vide à la main...
Petite anecdote pour finir : cette photo a bien failli être la dernière ! Ce que ces deux femmes effrayées regardent, c'est le bus qui arrive derrière moi, et que je n'ai absolument pas entendu...


Petit clin d'oeil à notre ami le bareuzai...