27 juin 2006

Musique et autres impressions nocturnes

Il y a deux jours, une affiche collée sur la cage vitrée d'un escalier de mon immeuble -sans doute était-elle assez colorée pour attirer mon attention- annonçait une soirée musicale gratuite ayant pour point d'orgue le Pierre et le loup de Prokofiev, mais où l'on pourrait aussi entendre Mozart, Haydn et Sibelius. Je me souvins alors que l'édition estivale du magazine d'information de l'agglomération dijonnaise s'accompagnait d'un supplément consacré, sinon à la culture, du moins aux festivals de l'été, et que je l'avais feuilleté avec l'intérêt poli que l'on consacre habituellement au menu d'un repas d'enterrement, c'est dire si j'y mis de la mauvaise volonté.

Je l'ai relu depuis, il y a plein de choses intéressantes ; j'y reviendrai.

Allons pauvre âme pleurnicharde, ça te sortira. Tu pourras te changer les idées, faire quelque chose d'inhabituel, et passer pour quelqu'un de raffiné. Et tout ça gratuitement.

Les festivités étant prévues pour 20h35 au grand théatre (j'ignorais qu'il en existat un petit), je mangeais tôt et rapidement, vérifiais que j'avais bien mon appareil à la ceinture et mes lunettes sur le nez (il m'arrive de les chercher...), et pris bien entendu le chemin le plus long possible pour me rendre au lieu dit. Un de ces jours, je vous ferai un petit topo sur mon extraordinaire non-sens de l'orientation, ça va bien plus loin que le fait de ne pas se repérer. Vous allez bien rire, tiens.

C'est la première fois que je rentrais dans le théatre de Dijon. C'est un peu le décor que j'attendais : scène, fauteuils, balcons et lustre au centre d'un plafond peint d'une fresque. Et, devant la scène, un rideau aux reflets moirés. Les gens finissent d'arriver alors que je suis déjà installé. Ils bavardent, s'agitent, regardent l'heure et consultent la messagerie de leur portable. S'assoient, débattent quelques minutes, changent de place. Se prennent en photo, notamment une bonne femme qui a mitraillé toute sa petite famille à l'aide de son appareil photo triple flash à déclenchement progressif et laser anti yeux rouges. Super.

Les musiciens étaient de deux groupes : l'association des musiciens amateurs et la société philarmonique de Dijon. Je ne suis pas à même de juger les prestations des uns et des autres, n'ayant pas du tout, mais alors pas du tout l'oreille musicale... Je me suis laissé porter par la magie de l'instant, l'émotion diffuse de la musique se mêlant à ma déprime me donnant des envies passagères de pleurer.

Parmi les amateurs, un pianiste a ému toute la salle je crois. Il est arrivé sur scène, petit homme légérement voûté, s'est approché de l'instrument, et s'est tourné vers la salle pour saluer. Il est mongolien. Il a joué avec difficulté et application la Sonate au clair de lune, dont les premières mesures correspondent si bien à mon état d'esprit. La suite, criblée de blancs et de fausses notes, ne m'a pas inspiré grand chose. Mais il a été parmi les plus applaudis de la soirée. Il le mérite, et je lui donne toute mon admiration et mon respect. Il est le vrai héros de la fête.

Milieu du concert et "tête d'affiche" : le Pierre et le loup" de Prokofiev. Souvenir d'enfance, évocation des premières découvertes musicales, qui n'a pas au moins un air de ce conte en tête ? Moi c'est la clarinette annonçant le chat qui me revient sans cesse en mémoire.

Fin du concert. Je rentre en trainant le pas, remontant la rue centrale de Dijon, m'attardant sur cette place centrale -place de la Libération- qui doit être prochainement inaugurée après rénovation. Bah, ils ont mis des pavés à la place du macadam quoi... Je me fais fort d'assister à cet événement électoraliste et de vous rapporter mon éclairage acide. Pour l'instant, je constate que les trois rangées de jets d'eau surgissant d'entre les pavés ne sont pas précisement au point. Trop haut, ceux-ci éclaboussent une vaste zone alentour, bien au delà des rainures minuscules censées récupérer le liquide. L'une d'elles est si mal placé près d'un banc qu'il n'est pas envisageable de s'y asseoir... Sûrement l'architecte a t-il voulu s'inspirer de la Place des Terreaux (Lyon, je précise pour ceux qui ne sauraient pas !) mais il aurait mieux fait de s'abstenir.

Un des petits jets de la place des Terreaux, merci Google

La photo qui suit date de septembre 2005, et a été prise du haut de la tour Philippe le Bon -que vous trouverez dans mes photos sur Flickr- lors des journées du patrimoine. Il faudra que je reprenne la même cette année pour voir la différence...

La place de la Libération avant rénovation

Je ne m'attarde pas plus longtemps devant ce navrant spectacle de gaspillage des deniers publics -vous marrez pas, c'est avec vos sous qu'ils font ces conneries- tout en essayant de ne pas adopter une posture de démagogue populiste et télévisuel. (il fait partie de mes têtes de turc préférées lui...) La suite de ce passionnant reportage sur cette tentative d'irrigation des pavés dans 4 jours...

Vaguement attiré par un léger mouvement de foule et une musique allant crescendo à chaque pas, je me dirige vers la Place François Rude -on ne vous prendra jamais pour un vrai dijonnais si vous ne dîtes pas Place du Bareuzai- où se dresse une estrade sur laquelle s'ébattent joyeusement des danseurs en costume traditionnel, accompagnés d'air tout aussi bourguignons.

J'ai poussé la gentillesse jusqu'à vous trouver
les paroles et la musique !

Je reste jusqu'à la fin de ce spectacle folklorique donné par -mon guide précité me l'apprendra en rentrant- L'harmonie des cheminots de Dijon et Les Compagnons du Bareuzai, bien moins intéressé par la musique bourguignonne que par ce digne enfant de la treille, qui s'adresse aux spectateurs et aux musiciens en allemand, et s'imagine faire danser à lui tout seul toute la troupe par la seule grâce de son harmonica et de ses mouvements désordonnés.

Il prête des serments, dicte des lois sublimes / Terrasse les méchants, relève les victimes, / Et sous le firmament comme un dais suspendu / S'enivre des splendeurs de sa propre vertu.

Je repart en direction de mon vaste domaine, je pense vaguement que la France joue ce soir ; sera-t-on débarassé des footeux ? Passant devant un bar, j'avise une télévision au fond de la salle ; forçant un peu les yeux, il me semble déchiffrer France 2 - Espagne 1. Mais je ne suis pas sûr, c'est bien flou ma foi... A quelques rues de chez moi, un rugissement provenant d'une fenêtre confirme néanmoins cette impression : Ouais ! Zidaaaaaaaane ! La suite, tout le monde la connait...

La statue hautaine de Saint Bernard, sur la place du même nom, m'inspire ce début de quatrain, à jamais incomplet, j'en ai peur :
La nuit était très claire et mes idées fort sombres
Saint Bernard dans la nuit levait ses doigts d'airain...
Un volontaire pour la suite ?

C'est ainsi que se passent les nuits des joyeux mais déprimés enfants de la Bourgogne...

Ah, au fait, le bareuzai, c'est lui :
Vers sous le clodo : Baudelaire, Le vin des chiffonniers

5 commentaires:

  1. C'est comme si on y était ! hihi smiley qui se balance ;-)
    merci qui ?
    merci Sammy !

    RépondreSupprimer
  2. La nuit était très claire et mes idées fort sombres,
    Saint Bernard dans la nuit levait ses doigts d'airain...
    En sortant du fond de l'enfer où règnent les ombres,
    Il me dit : Sammy ! Point de tristesse, soit gai, serein!!!

    RépondreSupprimer
  3. Dieu que c'est mal écrit :-/ (je parle de cette chronique hein !)
    J'étais vraiment à ramasser à la petite cuillère lorsque j'ai pondu ça. Au fond du trou...

    Je ne peux plus écouter la sonate au clair de lune sans un petit pincement au coeur... il faut dire qu'il est super fort le Beethov' !

    Orion, je te remercie d'avoir avancé ces deux vers orphelins ! Je me permettrais juste une petite retouche, quelque chose de ce style : En sortant de l'enfer où s'agitent les ombres / Et me disant Sammy ! Deviens gai et serein !

    Ben oui, tu avais quelques pieds de trop dans ton alexandrin ;-)
    (et encore, avec les "e muets" tout ça, chuis jamais sûr ^^ )

    RépondreSupprimer
  4. Ben oui tu as raison, il y a treize pieds !!
    "Treize pieds à la douzaine, je te faisais un prix,
    Treize pieds porte-bonheur pour mon ami Sammy!"

    RépondreSupprimer
  5. Oh, c'est très joli, merci :-)

    RépondreSupprimer

Le formulaire qui apparaitra suite à votre commentaire est destiné à vérifier que vous êtes bien un être humain. Si vous avez quelque chose à dire, allez-y ! Si vous êtes un robot, bonne chance pour le test =)