27 juin 2012

Ma grand-mère avait les mêmes

Mes rapports avec Philippe Delerm sont ambigus. Certains de ses livres m'enchantent quand d'autres, j'en demande pardon par avance à ses fans, me lassent. Si les premiers sont très agréables à lire, les seconds donnent l'impression d'une vague répétition, d'une parodie plus ou moins volontaire, avec des phrases toujours tournées de la même façon, des tics d'écriture récurrents, et quelques adverbes qui tournent en boucle. Ils distillent un léger ennui me conduisant à ne les pas finir. Dans la première catégorie je range La première gorgée de bière, La sieste assassinée, Paris l'instant ou La tranchée d'Arenberg ; dans la seconde, Dickens, barbe à papa et autres nourritures délectables ou Le Bonheur. Tableaux et bavardages, décidément très ennuyeux malgré une bonne idée de départ.

D'autres sont dans un agréable entre-deux, on sent bien qu'il n'est pas à son meilleur, mais comme du Delerm c'est toujours vite lu et que l'on est sûr qu'il y aura de toute façon quelques bons passages, on va tout de même au bout. Ce fut le cas pour Ma grand-mère avait les mêmes, lu d'une traite il y a quelques jours, à l'occasion d'un voyage en train. 


Allez savoir pourquoi, quand je vis ce livre pour la première fois, je m'imaginai qu'il traitait des dessous de la grand-mère de l'auteur ; en fait, les dessous dont il est question sont ceux des petites phrases. Petites phrases du quotidien, mais je réalise en écrivant ces quelques lignes qu'elles dissimulent parfois la même tension que les fameuses "petites phrases" qui constituent l'essentiel du débat politique. La politesse convenue des situations stéréotypées dissimulant mal, pour Philippe Delerm, les petits agacements sous-jacents et les vacheries à peine voilées derrière les formules à l'emporte pièce.
Bien sûr, on pourrait surjouer l'amabilité du ton pour compenser la rigueur des propos, vous seriez gentil de m'en enlever un peu s'il vous plait. Mais on le sait. On est coincé. De toute manière, on en serait réduit à jouer le rôle du casse-pieds, et ce serait tellement peu dans la note, l'effervescence bon enfant du marché, la bonhomie de ce rapport humain que vous êtes venu chercher ici.
Extrait de : Y'en a plus, je laisse ?
J'aurais pu multiplier les citations, mais vous comprenez le principe : une phrase que tout le monde a pu dire  ou entendre au moins une fois, et le décorticage subséquent, presque psychanalytique, des motivations secrètes du locuteur. Quelques titres de chapitres particulièrement représentatifs : On ne vous fait pas fuir au moins ? Du côté de mon mari ; Par contre, je veux bien un stylo ; On peut le changer.

Et vous ? Y a t-il des phrases toutes faites de la vie de tous les jours qui vous agacent ?

13 juin 2012

En vrac #4

Vrac de choses trouvées sur le web ces jours derniers....

On peut tirer des généralités intéressantes sur la culture, même à partir des Télétubbies. Merci André Gunthert.
Mieux vaut regarder les Télétubbies avec ceux qu’on aime que les détester tout seul. Ou pour le dire autrement, ce n’est pas l’œuvre qui compte, mais les liens affectifs et sociaux que nous tissons avec.
Seb Sauvage est vraiment obsédé par Dwarf Fortress ; voici ce que j'ai lu dans son fameux Shaarli
En fait, c'est aussi une bonne leçon. Au lieu de gagner tout le temps à tous les jeux, on apprend à perdre. Le psychologue de comptoir que je suis oserait même dire que c'est peut-être une leçon de vie. Ou pas. En tous cas avoir des enfants en bas âge est intéressant: On les voit apprendre à gérer la frustration de l'échec, que ce soit perdre à un jeu ou ne pas réussi à fermer ses chaussures :-D [...] Parallèle (qui me semble intéressant): A l'école, on nous a toujours appris à ne résoudre que des problèmes qui ont une solution. Ce n'est pas forcément une bonne chose: Dans la vie, tout n'a pas forcément de solution (ou du moins de solution dont le coût est acceptable).
Va t-il falloir embaucher des geeks pour donner des cours de pédagogie ? Le hollandais volant s'attaque pour sa part à la philosophie, en répondant négativement à la question : le beau doit-il être utile ? Il prend pour exemple The Big Bang Theory, ce qui prouve bien que la démarche d'Olivier Pourriol est une bonne idée.
Peu importe si c’est beau, utile ou que ça plaise aux autres : vous avez fait quelque chose de brillant et avez utilisé à la fois votre imagination et vos connaissances techniques et théoriques pour réaliser quelque chose et c’est ça qui est magnifique. C’est tout le contraire de ce qu’on nous apprend à l’école !
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Belle histoire lue sur le Framablog, celle du réseau Urban eXperiment (UX), des "hackers" qui oeuvrent dans l'ombre pour préserver le patrimoine culturel délaissé par l'Etat :
Ils se disaient que l’administration serait contente de s’attribuer le mérite de la restauration, et que l’équipe prendrait le relais pour entretenir l’horloge. Ils informèrent son directeur par téléphone, et proposèrent de donner plus de détails sur place. [...] L’administration décida plus tard de poursuivre UX en justice, en allant même jusqu’à demander un an d’emprisonnement et une amende de 48 300 euros de dédommagement. Le directeur adjoint de cette époque, qui est maintenant le directeur du Panthéon, alla jusqu’à employer un horloger professionnel pour reconditionner l’horloge dans son état originel en la sabotant de nouveau. Mais l’horloger refusa de faire plus que d’enlever une pièce, la roue d’échappement, la partie même qui avait été sabotée la première fois. UX s’infiltra peu de temps après pour reprendre la roue en leur possession, afin de la mettre en lieu sûr, dans l’espoir qu’un jour une administration plus éclairée saluerait son retour.
Je vous conseille de lire l'intégralité de l'article, même si il est un peu long ; il est effarant dans ce qu'il révèle sur la quasi-absence de sécurité dans les musées, l'étroitesse d'esprit de certaines administrations (ou des personnes qui les dirigent, ce qui n'est pas tout à fait la même chose) et le choix des priorités de sauvegarde de l'État, révélateur selon eux de l'état d'une civilisation :
Kunstmann a une vision assez peu réjouissante de la civilisation contemporaine, et à ses yeux cette affaire met en évidence beaucoup de ses défauts : son fatalisme, sa complaisance, son ignorance, son étroitesse d’esprit, et sa négligence. Les autorités françaises, nous dit-il, se soucient de protéger et restaurer le patrimoine adoré par des millions de personnes (le Louvre par exemple). Mais d’autres sites moins connus sont négligés, et s’il apparaît qu’ils sont invisibles au public (souterrains par exemples), ils se désagrègent totalement, quand bien même leur restauration ne nécessiterait qu’une centaine d’euros. UX prend soin du vilain petit canard : celui qui est étrange, mal-aimé, les objets oubliés de la civilisation française.
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Réflexion édifiante sur la "pornification" de la publicité. Bref, le cul est partout, surtout dans la pub, mais tout va bien :
En passant devant les têtes de gondole bien exposées, je regarde toujours les nouveautés. Et là, j’ai ouvert un bouquin en à la couverture pas vraiment éloquante pour tomber devant la pire BD porno-scato-BDSM que j’ai jamais lue (et j’en ai lue des cochonneries, Youporn existait pas quand j’étais petit, mon gars). Une bande dessinée posée là, à l’entrée du rayon BD du Virgin Megastore de Grands Boulevards, à la disposition de n’importe quel gamin. [...] Et pendant ce temps, le gouvernement bienveillant nous protège du téléchargement illégal, de la cigarette de Gainsbourg et de la pipe de Tati. Certains gouvernements pensent même censurer le porno sur Internet. Laxisme incroyable d’un côté, répression forcenée de l’autre. Du grand n’importe quoi qui avantage les marques et les agences au détriment du “vivre ensemble” social.
Un article complémentaire pour mesurer un peu mieux l'étendue des dégâts ; voir aussi ce tumblr qui recense les sous-entendus graveleux et mêmes pas drôles des publicités.

Drôle de société.

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Et très vite, pour finir : 600 personnes aiment ça - un sport sympa pour le week-end- un village vendu pour 520000 € - les jeux vidéos sont un art visuel - cauchemar - dites non au mouvement perpétuel - empaillez votre chat de manière... intelligente - combien de temps fallait-il pour aller de Burdigala à Lutetia en char à bœufs au mois de décembre ? (réponse : 24 jours) - les ouvrages traitant d'ésotérisme représentent près d'un tiers des 50 documents les plus téléchargés dans Gallica - arbres dans des silos abandonnés - mes voisins sont nuls - adieu M. Trololo

silo: planter for a tree