26 octobre 2006

Comment faire d'une pierre deux coups

Vous allez voir, c'est très simple.

Prenez une assiette propre. Versez -y des légumes congelés que vous enfournez ensuite au micro-onde.
Allumez la plaque électrique, faites cuire la viande.
A mi-cuisson, sortez les légumes du micro-onde, remuez-les un peu avant de les remettre deux minutes supplémentaires.
Sortez une nouvelle assiette propre, mettez la viande cuite dedans.
Lavez la poêle.
Sortez les légumes du micro-onde, contemplez successivement l'assiette à moitié remplie de viande, et l'assiette à moitié pleine de légumes.
Jurez, mais un peu tard, qu'on ne vous y prendra plus...

Paraskevidékatriaphobie et autres histoires

Voici déjà la troisième participation de Sammy à Paroles Plurielles, pour une consigne assez originale, mais qui, vous allez le voir, n'a pas donné lieu à un texte beaucoup plus gai. Sammy ou l'art des mots qui pleurent ? Mais non voyons. Il ne me semble pas que ces chroniques engendrent la mélancolie... Cela dit je ne m'explique pas cette propension à partir sur quelque chose de sombre ou de triste dès que je vais être un peu plus "littéraire". Il faudra que j'y réfléchisse...
Vous allez vous mettre dans la peau du sexe opposé et raconter quelque chose, de drôle ou de tragique, peu importe. Si vous êtes UN participant, votre texte se placera du point de vue de la femme ou de la fillette. Si vous êtes UNE participante, votre texte se placera du point de vue de l'homme ou du garçon.

De plus, il y a des mots absolument interdit : valise, départ, vacances, femme, mari, fils, fille, attente, retard, et lunettes...

Pas d'incipit cette fois, pas de phrase finale imposée non plus...ouf!

***

Paraskevidékatriaphobie

Ca fait combien d'heures qu'on est là ? J'ai froid, je n'ai pas eu le temps de m'habiller quand ils sont venus nous chercher. Prenez le strict nécessaire qu'ils nous ont dit. Juste un bagage par personne. Mais on a pas eu le temps de réfléchir. Et maintenant on est là. Et j'ai froid. Au moins, le petit a son écharpe. Mais pourquoi on est là ? Maintenant que j'y repense, ça fait un an que ça va mal. Je me souviens. C'était un vendredi 13. C'est étrange comme on peut retenir ce genre de détails. C'est ce jour là que tout a commencé, juste après cette loi. D'abord il a perdu son poste, ensuite on nous a pris la maison.

Il a sa gabardine, c'est bien. Il rentrait du travail quand ils sont arrivés. Si on peut appeller ça un travail. On a pas eu le temps de réfléchir. Pas eu le temps de trier le peu qu'il nous restait. A coup de crosse qu'ils nous ont fait sortir du hangar. A coup de crosse ! Jamais je n'ai eu aussi peur. Heureusement on est tous ensemble. Cette femme, là bas, n'a pas cette chance. Il me semble que je l'ai déjà vue. A force de vivre entassés, c'est normal.

Qu'est ce qu'il m'a dit tout à l'heure ? Quand je lui ai parlé du vendredi 13 ? Il a rigolé. Je suis... quoi déjà ? Parakevitriaphobe. Non, c'est pas ça. Mais c'est un mot comme ça. Je ne sais pas comment il fait pour me faire rire dans une situation pareille. Mais je vois bien qu'il a peur lui aussi. Il a peur de cette attente, de cette gare. Et ce froid ! Je dois avoir l'air ridicule habillée comme ça, et à moitié démaquillée. Tout le monde me regarde. Non. Tout le monde regarde par terre en fait. Bien des hommes ça. Hier ça gueulait. Et on va se révolter. Et on va pas se laisser faire. Et ils n'ont pas le droit de faire ça. Et là ils regardent leurs chaussures. Ils font ça depuis qu'ils ont tué le vieux tout à l'heure.

Et la gamine se cache derrière son père. Comme ma soeur quand on était gosses. C'est comme si tout recommençait. J'espère qu'elle a pu partir. Même avec son musicien, l'autre crétin avec son violoncelle. Je ne l'aime pas ce type. Mais tant pis, le principal est qu'elle soit loin. Ce que j'ai froid. Je tremble... Ou alors j'ai peur. Je ne sais pas. Il faut que je me calme. Pour les enfants. Ca va s'arranger. Oui, je suis sûr que ça va s'arranger. De toute façon, ça ne peut pas être pire...

***

C'est sur ces quelques phrases que votre bloggueur préféré vous abandonne pour une petite dizaine de jours, s'octroyant de biens méritées vacances. Si, si, contrairement à une idée largement répandue, les fonctionnaires ça bosse.

Rassurez-vous, j'ai quelques chroniques sur le feu, qui n'attendent qu'une crise de courage pour sortir de l'état brouillonnesque :
  • Une visite de l'église de Talant, au son des grandes orgues et en compagnie de Sammy
  • Un commentaire du film Indigènes
  • Les graffitis à messages des murs de mon quartier (chose promise...)
  • et tout ce qui me passera par la tête d'ici là !
Bref, encore des choses grandes et magnifiques !

Eloge du fonctionnaire

Le fonctionnaire remonte à la plus haute Antiquité. On en trouvait déjà du temps de Pline l'Ancien, du moins c'est ce qu'affirme Pline le jeune, qui n'était pas le fils, mais le neveu du précédent. A l'instar des glaciers, des nuages et des clés de 12, les fonctionnaires ont la beauté et le caractère sacré des choses immuables. Encore peut-on trouver quelque utilité à une clé de 12, j'ai vu certains scribouillards particulièrement ingénieux s'en servir comme presse-papier. Mais de telles choses sont rares.

La véritable raison de l'existence du fonctionnaire, son essence même, c'est de justifier celle de l'usager. Lequel n'est là que pour nourrir, chauffer, loger et engraisser le fonctionnaire. On voit par là que la nature est bien faite ; peut-être pourrait-on déceler l'oeuvre d'un dessein intelligent derrière une telle perfection, car ceci est trop beau pour être le seul fruit du hasard.

En tant que fonctionnaire distingué, je me targue de faire montre d'une grande connaissance de ce milieu pas si différent que ça de la vie normale après tout. Ne sommes nous pas aussi des humains ? Nous dormons aussi bien que vous, nous buvons et nous mangeons, nous rions et nous passons des heures à discuter avec nos amis ! Sommes nous si différent que ça du reste des travailleurs parce que nous ne faisons pas toutes ces choses aux mêmes heures qu'eux ? Un peu de tolérance que diable !

***

Petit texte écrit en 5 minutes ; c'est pas ma faute, c'est Oncle Dan qui m'a donné l'idée !

25 octobre 2006

Activité écologique

Reçu ce matin le rapport d'activité du Ministère de l'écologie et du développement durable.
50 pages en couleurs
6 exemplaires
Imprimé sur une cochonnerie de papier recyclé (j'y reviendrai si vous avez des questions)

Pas très écocitoyen/écoresponsable/développement durable tout ça...

22 octobre 2006

La pensée du chef...

...qui m'a affirmé il y a quelques semaines : "Un comptable, c'est quelqu'un qui fait des calculs faux, mais à la virgule près."

J'ai du pot (à crayons)

Une petite photo pour Orion, juste pour lui confirmer que je partage totalement son analyse sur la classification du matériel de bureau en fonction du contenant post-alimentaire !


Par contre, les barquettes plastiques de surimi, ah non ! En plus, je n'aime pas les surimis !

21 octobre 2006

Chronique des marchés en automne

Le samedi à Dijon, c'est le jour du marché. Sammy aime beaucoup y aller, mais Sammy n'aime pas se lever. Vaste problème, cruel dilemme. Le vide béant de mon frigo m'a pourtant contraint cette semaine à faire un petit effort. Ceux qui lisent ces chroniques avec attention savent désormais dans quel quartier j'habite, et les plus avisés n'auront pas manqué de remarquer que je ne suis pas très loin du centre-ville.

Le plaisir d'aller à pied jusqu'aux halles fait donc partie du rituel du marché, et donne souvent l'occasion d'observer les petits changements qui, d'une fois sur l'autre, modifient les éléments d'un décor routinier. Peut-être écrirai-je quelque chose sur cette pensée profonde un de ces jours. Juste une photo pour vous donner un avant-goût de ce qui sera, n'en doutons pas, un récit grand et magnifique :

Et des commes ça, j'en ai quelques unes... La poésie urbaine est sans limites. C'est un matériau de choix pour les bloggueurs rêveurs en manque d'inspiration...

Mais il faut bien que paresse se passe, et me voilà bientôt en vue du marché. Ce sont de vrais halles dans le style fin XIXème siècle, et la rédaction de cette chronique maraîchère m'a permis d'apprendre qu'elles ont été construites par l'entreprise Eiffel en 1868, et sont inscrites à l'Inventaire des Monuments Historiques. Je m'en doutais un peu, mais me voilà satisfait d'avoir pu le vérifier. Cela n'a rien d'étonnant, car Gustave Eiffel est né à Dijon. Ce que l'on sait trop peu. Voilà encore une bonne chose que vous aurez apprise grâce à ce blog.
Les halles de Dijon - photo prise en mai 2005

Et se lever aux aurores un samedi (9h30) ça en vaut la peine. D'abord pour les milles trésors que l'on ramène du ventre de Dijon : chasselas en grappes jaunes et sucrées, grenadin moelleux et pommes brillantes ; pain croustillant d'une toute nouvelle boulangerie, carottes, navets. Qu'en Auvergne on appelle des raves. Juste pour pas faire comme tout le monde.

Il y a aussi le spectacle de la foule anonyme, bigarrée et bruissante, qui mêle son écho aux saveurs des étals. Je note au passage qu'octobre, saison traîtresse hésitant entre douceur et frimas, laisse mes congénères dans l'incertitude quant à la façon de se vêtir. C'est bien simple, l'habillement automnal ne comporte que deux grandes tendances : il y a ceux qui, T-shirt avachi et jogging défraichi, rêvent encore aux jours tièdes, et les autres, qui ne jurent déjà plus que par pull et écharpe.

Sur le chemin du retour, je croise cette affiche pour une pièce de théatre :


Je ne sais pas si vous pensez à la même chose que moi en lisant le titre ? Parce que "Comment le savoir vient aux jeunes filles", ça me fait immédiatement penser à La Fontaine et à Comment l'esprit vient aux filles. Sans doute est-ce fait exprès. Si vous ne le connaissez pas, prenez donc le temps d'aller lire ce conte... Ceux qui en sont resté à La cigale et la fourmi vont être surpris. C'est le genre de fables que l'on ne fait pas apprendre aux gosses ça...

***

Bibli-ogre :
  • Contes et nouvelles en vers / Jean de La Fontaine ; disponible en Folio (pas cher), dans la Pléiade (cher) et chez Diane de Selliers (hors de prix) Si le coeur vous en dit, vous pouvez même acheter une édition d'époque (emprunt sur 15 ans)

20 octobre 2006

L'ombre de la guillotine

Je viens de lire ce texte et je veux juste le dire ici. Parce que c'est un anniversaire, parce que Maître Eolas en parle avec grand talent, et parce que c'est encore à l'ordre du jour...

"Car l'ombre de la guillotine servait principalement à l'Etat pour se cacher derrière."

Intelligence postale

Vu au boulot, dans le courrier...

Je pense qu'ils auraient du les rouler les revues, tant qu'ils y étaient...

(oui, je mets mes stylos dans des pots à confiture, et alors ?)

19 octobre 2006

Pensée à méditer

La perfection est la petite soeur gâtée de la mort.

Non, ce n'est pas de moi. D'ailleurs, tout mes remerciements à qui me trouvera l'auteur de cette bien belle phrase.

Chronique de la joie bourguignonne

Il y a de cela quelques semaines, j'ai assisté à une petite cérémonie ennuyeuse et hypocrite consacrée à l'égalité des chances et à la diversité. Il s'agissait de réunir quelques sommités régionales et un ministre afin de signer très-officiellement des "chartes de la diversité" ; chartes par lesquelles les entreprises s'engagent à embaucher des gens de toutes les couleurs, de la plupart des deux sexes, et même des jeunes. Bref, un machin de plus. Liberté, égalité, fraternité, c'est pourtant écrit au fronton de nos mairies...

Qu'est ce que je faisais là ? Franchement, je n'en savais trop rien moi-même. Le directeur ne pouvant être présent, il s'était fait remplacer par un chef de service, qui a demandé à la personne en charge du dossier d'y aller à sa place. Laquelle m'a proposé de l'accompagner. "Tu prendras des photos." Je n'invente rien. Ca s'est vraiment passé comme ça.

Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances

Autour de l'auteur du gone du Chaâba, étaient rassemblés le préfet (bien mieux habillé que pour les journées du patrimoine), son directeur de cabinet, une grappe de journalistes, le représentant du Medef, les chefs d'entreprise de la région et des étudiants de l'ESC, partenaire de cette pantalonnade. Tous bien habillés, bien chics, bien blancs. Super diversifiés dans leur genre. Devant un si beau gratin il était prévisible que je me sente un peu nouille.

Le discours d'Azouz Begag était plutôt sympa -même si j'ai eu l'impression pendant un moment qu'il essayait de nous vendre son dernier livre- car joué et vécu comme son texte par un comédien. Avec des poses, des mimiques, des clins d'oeil au public. Il faudra que j'achète un de ses livres. Un jour. (j'ai assez de réserves pour passer l'hiver) Mais tout cela était malgré tout conventionnel. Convenu et artificiel. Seuls des applaudissements polis sont venus saluer la performance de l'artiste et nul ban bourguignon n'a clos les festivités. Mais il faut dire que le cadre ne s'y prêtait pas vraiment.

***

Car lorsque les bourguignons sont contents, ils font un ban bourguignon. Ca surprend au début mais on finit par s'y habituer. J'avais déjà évoqué cette tradition de fin de banquet il y a un peu plus d'un mois, en vous promettant des explications plus complètes. Il est maintenant temps pour moi de vous les fournir.

Les paroles et la chorégraphie se décomposent de la manière suivante :
- Première période : lala lala lalalalalère (en tournant les mains comme lorsque en maternelle on mime les marionettes)
- Seconde période : lalala lalala la la la (cette partie doit être chantée en frappant en cadence dans ses mains)

Je vous accorde que c'est technique. Heureusement. Dans le cas contraire, le premier venu pourrait se prétendre bourguignon. Les contrefaçons circuleraient sur internet, des personnes peu scrupuleuses vendraient pour du ban bourguignon de vulgaires gesticulations désordonnées. Ce serait la fin de la vraie culture bourguignonne. Mais je vois déjà des sourires ironiques chez certains de mes sceptiques lecteurs. Vous avez bien raison. Il ne faut jamais tenir pour vrai ce que l'on a pas éprouvé par soi-même. Alors, à défaut de pouvoir vous faire un ban bourguignon, voici une vidéo d'un rassemblement de bourguignons se livrant à cet exercice dans une synchronisation parfaite. Eloignez les enfants, les vieillards et les femmes enceintes de l'écran. Les images qui suivent sont susceptibles de provoquer de violentes crises d'hilarité.



La vidéo a été extraite par mes soins de ce site ravissant, champêtre et folklorique consacré aux arts et traditions populaires du Morvan. Tout un programme.

***

Le bourguignon, par nature pugnace et ambitieux, contrairement à l'auvergnat qui n'est que têtu et avare, propage sa culture bien au delà des limites de son territoire historique. L'impérialisme bourguignon est quelque chose d'assez impressionant, il faut bien le reconnaître. C'est ce qui explique que l'on retrouve, non sans émotion, des variantes ou des tentatives de ban bourguignon un peu partout dans le monde. Il en va ainsi de ces irakiens offrant un ban bourguignon à leurs libérateurs.


Mais c'est dès le berceau qu'il apprend les gestes précis et ancestraux de la tradition, que les mères transmettent à leurs fils depuis des générations. La technique nécessite en-effet de longues années d'apprentissage, et rares sont ceux qui peuvent prétendre à apprendre tout seuls cet art millénaire.



Une version fallacieuse et trompeuse, circulant de bouches malintentionnées en oreilles perfides, tend à faire croire que le rituel ne serait que le résultat d'un jeu de potaches avinés du XIXème siècle, qui exerçaient leurs méfaits à deux pas de chez moi. N'en croyez rien, tout ceci n'est que pure médisance. Je vous livre tout de même cette version afin que vous puissiez vous gaussez comme il se doit devant une hypothèse aussi peu envisageable :
Le ban bourguignon

Cette petite phrase musicale chantée et frappée en rythme et l’expression de la joie en Bourgogne.

Elle est née dans un café du quartier dijonnais « Le Bas de Montchapet ». Là se retrouvaient de joyeux lurons dont le frère du sculpteur dijonnais Paul Gasq ainsi que Monsieur Lapostolle, directeur du philarmonique de Dijon. Ils composèrent ensemble cette phrase musicale un soir fort bien arrosé, et sous l’effet de la gaieté, accompagnèrent la musique chantée de gestes, deux bouteilles ou deux verres dans les mains, les faisant tourner et les entrechoquant en rythme. Très vite ce ban se répand à Dijon puis en Bourgogne, exécuté cette fois-ci à main nue …
Les compagnons du Bareuzai
Tout ceci n'est pas bien sérieux.


Et ce n'est pas Jean-Louis Borloo qui me dira le contraire...

***

  • Les images viennent de je ne sais plus où, c'est monsieur Google qui me les a données.
  • Je remercie Azouz Begag et Jean-Louis Borloo pour leur sympathique participation à cette petite farce (je ne manquerai pas de vous tenir au courant si ils répondent !)
  • J'espère que les joyeux enfants du Morvan ne m'en voudront pas trop de mon ton moqueur ; je place leur étendard en bas de cette page pour me faire pardonner.

Avec le sanglier sur le mât, il est terrible...

16 octobre 2006

De l'eau, du sable, du gravier et du ciment

Mais aussi de la feraille pour que ça tienne, un rateau, une règle, des taloches et des truelles, le roi béton occupe son monde. JY sera sûrement ravi d'apprendre l'existence de cette exposition, de même que je suis certain que cette précision étymologique sera à son goût ;-)

15 octobre 2006

Code de la route et code de conduite, chronique essentiellement littéraire

Pour fêter dignement le retour de l'eau chaude dans ma vie, je décidai vendredi soir de m'en aller dépenser l'argent économisé pendant 10 jours, en le plaçant dans les deux seules choses véritablement importantes que le commerce puisse nous offrir : la bouffe et les livres. La quête de nourriture ne présente pas d'intérêt particulier, si ce n'est l'habituel regard ironique et attendri qu'il me permet de poser sur mes compagnons de caddie. J'ai quand même eu l'occasion de vérifier une hypothèse que je gardais par devers moi depuis quelques temps : les caissières partagent mon point de vue sur la frénésie dont certains clients sont pris à l'approche du tapis roulant.

L'anecdote qui donne son titre à cette note n'est pas très importante. Anodine. Sans gravité. Juste agaçante. Elle s'est produite quelques instants plus tôt, comme j'entrais sur le parking du centre commercial. Une voiture entame une marche arrière pour quitter sa place. Bon, je n'aurai pas à tourner trois heures. Mais... elle recule dans le mauvais sens ! La première allée, moins large que les autres, est en-effet à sens unique. Agitation frénétique de l'index droit. De gauche à droite et de droite à gauche. Manoeuvre corrélative de la tête, même sens. Peine perdue. Madâme veut passer. Berline, cinquantaine élégante, lèvres pincées, sourire méprisant. Elle s'arrête à ma hauteur. Ma vitre est baissée, la sienne non. Je ne suis même pas énervé. Simplement, elle n'a pas le droit de passer, c'est à sens unique. Je le lui dis. Je lis sur ses lèvres à deux reprises la même réponse : c'est pas grave. Sourire méprisant, lèvres pincées, cinquantenaire fière de sa berline, madâme est passée.

Evénement anodin et sans gravité. Juste agaçant. J'ai déjà eu affaire à des chauffards, des vrais, de véritables meurtriers de la route ; il m'est arrivé -comme tout le monde hélas- de manquer me faire tuer par quelques uns de ces spécimens particuliers. Mais est-ce faire preuve d'étroitesse d'esprit que de demander aux autres, les conducteurs dit ordinaires, de respecter le minimum vital en terme de sécurité routière ? Mais il me semble que le problème se situe au-delà du thème de la voiture. C'est une question de posture : ce n'est pas grave ; j'ai le droit ; je fais ce que je veux ; tant pis pour les autres...


Le véritable but de cette expédition n'était pourtant pas le Carrefour et ses alignements désordonnés de petits pois et de bouteilles d'eau minérale, mais la plus récente grande surface à vocation culturelle ouverte de l'autre côté du parking.

Je vous dirai peut-être un jour le charme des petites librairies de quartier -les seules dignes de ce titre- et en quoi il est indispensable de les privilégier plutôt que les grandes enseignes. Certains d'entre vous se souviendront alors de ce texte (les lecteurs sont impitoyables) et me feront remarquer que je ne respecte pas ma propre consigne. Que je n'applique pas mon code de conduite. C'est que l'on ne fait pas toujours ce qu'on veut, que je suis aussi paresseux que tout le monde, et que le besoin urgent de posséder certains livres pousse à de telles extrêmités. Ecrivant ceci je me souviens que la première édition de ce qui s'appelle aujourd'hui fort sobrement "Lire en fête" s'intitulait "La fureur de lire", ça avait quand même une autre classe.

C'est donc poussé par une véritable fureur de lire que j'investis les allées larges et bien éclairées de ce magasin de livres ; ces gens là vendent des livres de la même manière que j'ai vendu des chaussures. Avec des têtes de gondole, des PLV (1), des affiches qui pendent du plafond. Comme la Fnac, comme Virgin. C'est malheureusement très agréable, surtout en cette fin de journée où les allées se vident. Mais allez demander à un vendeur un renseignement autre que l'emplacement de la caisse ou la localisation du Nothomb annuel. Demandez-lui, par exemple, quel Corto Maltese vient après Les Celtiques, quel est le roman le plus connu de Fred Vargas ou bien si il connait Kressmann Taylor. Essayez. Si vous avez du temps à perdre bien sûr.

De toute façon je ne me sers jamais des vendeurs. Je n'ai pas de temps à perdre alors qu'il est urgent de flâner dans les rayons. Mon premier objectif s'aligne d'ailleurs en pleines étagères dès l'entrée : le nouvel opus des inédits des histoires du Petit Nicolas. Est-il nécessaire que je vous présente ce monument ? Il me semble que tout le monde connait le Petit Nicolas. Non, non, pas celui là. Le vrai. Celui de Sempé et Goscinny. Je vous en parlerai peut-être un jour.

Je lui ai demandé à Clotaire comment ça se faisait qu'il ait un porte-bagages sur son vélo de courses et il m'a répondu que, justement, c'est pour ça que c'était un vélo de courses, le porte-bagages lui servait à faire des courses pour sa maman.
Et Jonathan Littell, c'est bon , ça vous dit quelque chose ? Ou alors c'est que vous le faites exprès ! D'après les pronostics des milieux autorisés à penser (2), ce monsieur, qui connait un succès foudroyant avec Les bienveillantes, doit, la chose est nécessaire, obtenir le Goncourt. Qu'il l'ait ou pas, il a déjà vendu plus d'exemplaires de son livre que bien des primés déprimés. Mais pour un américain qui écrit directement en français, et avec ce style là, le Goncourt serait peut-etre le lot de consolation pour n'avoir pas été naturalisé. Ce style là, mais quel style ! J'ai lu la première phrase, puis toute la page, puis les dix suivantes. Je pense que c'est le genre d'écriture où l'on accroche tout de suite ou jamais. J'ai accroché. J'en reparlerai.


Je suis venu essentiellement pour acheter le tome III des oeuvres de Melville dans la Pléiade. J'ai un vieux compte à régler avec son Moby-Dick, et c'était l'occasion. Une occasion un peu chère sans doute, mais j'ai des goûts de luxe. Chacun ses vices. Seulement voilà, mon chemin croise le recoin où sont confinés les policiers et la SF -je ne comprendrai jamais ni ce mariage forcé, ni cette ségrégation- et je me dois d'aller voir si l'un des derniers Vargas encore non lu est présent. Ah zut. Il est là. Me voilà donc lesté d'un quatrième titre, Debout les morts, une histoire où les hêtres poussent en une nuit sous les fenêtres des cantatrices. En gros. Je me résouds à reposer la monumentale biographie de Baudelaire par Jean Ziegler et Claude Pichois (3) ; ce sera pour une autre fois. Il faut savoir rester raisonnable. Courons vite vers la sortie afin de ne pas succomber à de nouvelles tentations !


Je me demande si j'ai économisé assez d'eau chaude du coup...

***

(1) Publicité sur le lieu de vente
(2) Pierre Assouline par exemple
(3) en recherchant cette illustration, j'apprend qu'il est mort ! Et pas aujourd'hui, mais en 2004 !

13 octobre 2006

Deuxième intermède littéraire

Comme prévu, je me prend au jeu des Paroles Plurielles... Voici donc ma deuxième participation à cet espace de création littéraire en ligne. Nouvelle image, nouvelle consigne, nouvelle histoire... Je m'excuse auprès de ceux qui voulaient à tout prix la suite de l'histoire du violoncelliste ! Je n'ai même pas eu le temps d'y penser... Un jour, peut-être. Eh ! Pourquoi ne m'envoyez-vous pas vos suggestions ?

Pour l'instant, je me cantonne aux consignes de Coumarine, que je remercie de ses compliments qui me font toujours tout drôle quand je les lis. Si, si. Ca me donne vraiment envie de continuer.

Dans la forme qui vous convient (poésie, prose poétique ou prose) vous écrivez un texte à couleur surréaliste comme la photo nous y invite... C'est une photo piquée sur le blog photo de notre ami Alainx.

Incipit :
Au matin, le verre était vide.

***

Au matin, le verre était vide, et ta main dans la mienne était déjà si froide. Ta main dans la mienne comme l'oiseau prisonnier. Au matin, tu dormais, ma belle abandonnée, couchée sur le côté où je t'avais laissé. Ma belle abandonnée au sommeil apaisé. Le verre était vidé, tout était achevé. Tu dormais innocente, dans la pénombre bleue où glissent des clartés. Tu dormais, innocente, attendant un signal qui jamais ne viendrait, espérant un fanal qui ne luirait jamais.

La mer sur les rochers fracassait sa chanson, l'écume des années jamais ne t'atteindra. La mer douloureuse peut chanter sa chanson ! Criant dans les embruns, j'ai libéré l'oiseau qui ne palpitait plus. Au bout de la jetée j'ai libéré ton âme, par ton corps enchaînée. Courant dans les embruns, j'ai donnée à la mer ta tête aux yeux si bleus, qui troublait ton sommeil.

Le verre était vide au matin, tu l'avais bu heureuse, tes cheveux dans les yeux, souriant à la vie. Le bleu de tes yeux envahissait l'espace, l'oiseau criait sa peine, comment ne pas l'entendre ? La peine des oiseaux est bien trop douloureuse. L'oiseau emprisonné voulait la liberté. L'oiseau emprisonné maintenant peut voler.

10 octobre 2006

Chronique des réalités virtuelles et des cow-boys du TGV

Ces chroniques traitant des choses les plus diverses, mais privilégiant ce qui est grand et magnifique, je n'hésiterai pas une seconde à parler de jeux vidéos. Car ainsi que je l'évoquais dans ma toute première chronique, alors que ne savais même pas si ce blog survivrait à sa première semaine d'existence (en fait, il n'a pas survécu, mais c'est une histoire que je vous conterai un autre jour), un ordinateur, ça peut aussi servir à jouer. Que le fonctionnaire qui n'a jamais taquiné le démineur me jette la première souris par la tête.

Le monde du jeu vidéo est un univers étrange et déroutant, où les petites filles peuvent faire peur, tandis que les héros prennent l'apparence de vilaines créatures pleines de poils. Ou de tentacules. Certains ont même trois yeux verts. Ne cherchez pas, c'est comme ça. C'est surtout un domaine où la France s'illustre. Halte à la morosité ! On est bon quelque part ! Et la série des Splinter Cell est un exemple de réussite vidéo-ludique. J'ai découvert le premier opus de ce jeu par hasard, en cherchant une boîte de petit pois que jamais je ne trouvai, au rayon jeux de mon Carrefour habituel. C'était en 2004. Depuis, j'ai épuisé les multiples possibilités du jeu en de multiples parties, j'ai acquis les suites dès leur sortie, et je suis devenu modérateur sur le forum officiel. Pour faire simple, le rôle du modérateur est d'empêcher ceux que la passion transporte un peu trop loin de transformer un paisible espace d'échange en champ de bataille virtuel. Je compte sur mon collègue pour donner, dans un commentaire croustillant, son avis éclairé sur la question.

De par cette place importante qui est la notre -des joueurs comme les autres qui prennent sur leur temps de sommeil pour relire les écrits de leurs petits camarades- nous étions tout désignés pour être des invités "VIP" au Festival du jeu vidéo qui se tenait ce week-end à Montreuil. Pour bien faire, nous sommes venus avec une quinzaine de membres du forum dans nos bagages. Et des appareils photos. Et des questions. Et une furieuse envie de jouer avant tout le monde au nouvel épisode de la saga.
Pour les photos, nous avons été servis. Chacun à notre tour, nous avons endossé l'uniforme du prisonnier américain en prenant la pose et un air méchant. Car le héros fera un passage en prison au cours d'une mission, et son image menottes aux poignets, avec la combinaison orange et l'affichette d'identification, est la plus répandue parmi celles de la publicité entourant le jeu. Pour les questions, nous avons séquestré pendant plus d'une heure Thomas, un développeur dont il faut louer la compétence autant que la patience. Il nous en a dit autant qu'il était autorisé à nous en dire, et a un peu calmé la curiosité de cette bande de joueurs avides qui l'entourait. Parce que pour ce qui est de tester le jeu... ça n'a pas été tout à fait ça.

Dans un hall d'exposition surchauffé par l'accumulation de PC mal ventilés, de consoles en détresse et d'une foule compressée, il s'est avéré presque impossible de jouer. Les ordinateurs refusant obstinément de se laisser installer le jeu si longtemps désiré, les consoles lançant une grève tournante en plantant à tour de rôle, et la foule occupant un espace que nous nous estimions dévolu. Les gentils membres de l'équipe d'Ubisoft étaient au bord de la liquéfaction...


Sammy s'avérant un piètre joueur sur console, il se consola en interviewant la chargée de relations presse, qui lui confia que, la veille au soir, tout marchait... Je ne sais que trop bien de quelle manière un événement, aussi soigneusement préparé fut-il, a de fortes chances de ne pas se passer exactement de la façon souhaitée le jour J. C'est ce qui fait le charme des métiers de la communication...

Malgré ce bémol, compensé par quelques brimborions dont les joueurs sont souvent friands (posters, cartables et autres affiches à l'effigie de leur personnage préféré) et surtout par la séance en compagnie du développeur, qui a permis de toucher du doigt la réalité concrète d'un métier, et de donner matière à commentaires à une communauté plus si virtuelle que ça. Car le côté véritablement agréable de cette journée fut quand même de voir "pour de vrai" des gens habituellement cachés derrière un pseudonyme.

J'ai ainsi fait le voyage avec un co-forumeur de Beaune, à qui je racontai les observations rigoureuses et délirantes d'un confrère blogueur dans le TGV, et qui me narra en retour ses expériences de chimie amusante dans son garage. Bref, un échange fructueux.

Et le retour fut des plus épiques. Après avoir failli louper le train que nous avions pourtant attendu une heure (c'est du grand Sammy ça), nous nous sommes retrouvés dans un TGV archi bondé, où même nos places pourtant dûment attribuées, billets à l'appui, étaient occupées. Hésitant un instant à jeter les intrus par une fenêtre, nous nous sommes finalement rabattus sur le compartiment à vélos. Sammy était ravi. La grande aventure pour une poignée d'euros ! Comme de vrais cow-boys de films, assis par terre, près des bêtes (le vélo n'est-il pas le fier destrier des macadam cow-boys des temps modernes ?) et les bottes appuyées sur la cloison vibrant au rythme de la machine.

La réalité au ras du sol ne vaut-elle pas mieux que l'aventure virtuelle ?

08 octobre 2006

Ce n'est pas que de l'eau...

On approche petit à petit du cap de la semaine sans chauffe eau, de par l'indigence d'une société de réparation même pas fichue d'envoyer un devis par fax... Je me suis donc vu dans l'obligation d'aller à la piscine pour me laver ; je veux dire, prendre une vraie douche avec de l'eau chaude.

Sammy ne serait pas tout à fait Sammy si il faisait les choses simplement... je suis arrivé au guichet pour m'entendre dire que ça fermait... voilà ce que c'est que de glander tout l'après midi. J'expose donc ma situation à la préposée, comme quoi je ne viens pas tellement pour nager, mais juste pour prendre une douche, parce que je n'ai plus d'eau chaude... Elle décroche alors son téléphone et avise ses collègues à l'intérieur. Du coup je n'ai même pas payé.

Je me suis senti dans la peau dans SDF pendant quelques secondes, et je ne suis à peu près certain c'est ainsi que j'ai été vu. J'entrevois alors le véritable du sens du mot galère... moi, mon chauffe eau sera changé d'ici une semaine (y'a intérêt...), je suis rentré au chaud chez moi et je ne me pose pas vraiment la question du lendemain, pas plus que je me demande où je vais dormir ce soir...

06 octobre 2006

Chronique des auteurs en quête de personnages

Jason Johnson est un homme plein de bon sens. D'abord parce qu'il est écossais, et que les écossais sont un peu les auvergnats de sa gracieuse majesté, c'est dire à quel point ces gens là sont fortement recommandables. (N'est ce pas Lilou ?) Ensuite parce qu'il a trouvé un moyen original de subvenir à ses besoins d'écrivains, car ce métier ne nourrit que rarement son highlander. Pierre Assouline rapporte avec talent et ironie cette idée lumineuse : vendre au plus offrant les personnages de son prochain roman. Tous les personnages. Les vieilles dames prodigues, les enfants indignes, les colonel de Castille et les Blanche Moutarde. Les agents pédophiles et les prêtres assermentés, bref, toutes ces figures improbables que seule l'imagination de l'écrivain peut enfanter. Même les chiens sont à vendre. Pour que les plus humbles de de ses sponsors puissent participer.

Selon une caractéristique qui m'est propre, et que par facilité de langage je nomme le goût pour la digression, alors qu'il s'agit davantage d'une manière de penser, ceci m'a fait me souvenir d'autre chose. D'un autre auteur, français, et d'un commentaire sur son principal livre, que j'écrivis il y a près de 8 ans. (ben oui, ça passe...) Je trouve mon avis encore assez valable, voilà pourquoi je m'autorise à le ressortir du tiroir. Ne pensez pas cependant lire le texte original, je l'ai un peu dépoussiéré malgré tout. L'auteur en question, c'est Pierre Michon, le livre, ce sont ses Vies Minuscules.

C’est par ce premier livre que Pierre Michon a réussi à enfin entrer en littérature et du même coup à se trouver, s’accepter, et s’installer dans la vie. Au sens plein du terme, car c'était pour lui un choix entre la littérature et la mort. C’est l’œuvre d’un homme qui a cherché dix-huit ans durant son équilibre, accablé par sa longue incapacité à écrire, et auquel il fallu tout ce temps pour se construire, en frôlant la destruction. Vies minuscules, ou l’écriture comme catharsis.

Le récit est un autoportrait génial car indirect, une succession de huit vies au fil desquelles le narrateur s’accorde une place croissante, et où dominent deux thèmes : la recherche de la grâce et la chute. Le salut, et la déchéance. Autant de vies comme autant d’exemples de l’homme dans toute son angoisse et sa fragilité ; autant de vies entre lesquelles l’auteur est un lien parfois ténu mais essentiel.

A chacune son histoire, toujours plus ou moins la même : quête du bonheur, volonté de donner un sens à son existence et, au bout du chemin, la désillusion. L’échec, la plupart du temps la mort. Semblant devoir subir cette même fatalité, l’auteur se livre en toile de fond, d’abord presque effacé derrière ces destins qu’il s’efforce de magnifier, puis prenant plus d’importance au fur et à mesure que le récit avance dans le temps, au fur et à mesure qu’il s’approche de l’époque de son énonciation. Sa vie, ainsi relatée étapes par étapes, apparaît graduellement, à la manière d’un tableau impressionniste qui se peindrait au fil des pages ; il la décrit par petites touches d’une réalité crue, sans complaisance ni dissimulations.

Rédigée dans une langue absolument domptée et aux sonorités profondes, où chaque mot compte, cette introspection qui le réconcilie avec lui-même lui a apporté l’apaisement et le moyen d’une écriture longtemps cherchée en vain. Il n'est pas une virgule qui ne soit importante, il n'est pas une phrase qui ne soit soupesée. C'est cette exigence de perfection qui a failli le tuer, car il se voyait incapable de produire cette grandeur qu'il portait en lui. Car les livres de Michon enferment le souffle des épopées ; certes des épopées noires et désespérées, mais on entend tout de même le murmure des hommes morts et la voix du passé.

Photo Daniel Morvan/Ouest France

Car voilà le lien avec l'anecdote contée au début de cette chronique : les personnages de Michon sont réels. Ils ont eu leurs vies, il les rappelle, les transfigure souvent, à travers des pages au style impeccable. Il répugne, il me semble que ce sont ses termes, à créer des fantômes. Qu'il tire de l'oubli toute une généalogie paysanne, ou évoque la mémoire de Rimbaud, qu'il raconte la fin d'un curé de campagne qui croyait trop en la puissance du verbe ou qu'il fasse revivre les souvenirs de Faulkner, Balzac ou de l'obscur Patrick d'Irlande, c'est toujours la même force qui se dégage de ses mots.

J'ai longtemps cru que l'homme qui se cachait derrière était aussi noir et torturé que ce que ses épopées de l'échec pouvaient laisser croire. Mais la littérature l'a sauvé. Décrivant le naufrage des autres, il s'est maintenu lui-même à flot. J'ai eu la satisfaction de le rencontrer lors d'une lecture publique il y a quelques années, et j'avais été assez étonné de voir quelqu'un de tout à fait courtois, souriant et pour tout dire normal.

Il faut toujours prendre la littérature avec sérieux. Pour les auteurs, c'est une autre histoire.

***

A lire absolument :
  • Vies minuscules
  • Mythologies d'hiver
  • Abbés et Corps du roi (Prix Décembre 2002)
Mais aussi : Rimbaud le fils, La grande Beune, Le roi du bois

Pierre Michon est publié par les éditions Verdier ; la photo est extraite de cet article de Daniel Morvan.

03 octobre 2006

Chronique des débuts de semaine difficiles de Monsieur Hulot

Un matin de la semaine passée, à l'heure du café. J'arrive un peu après mes collègues, tous sont assis devant leur petite tasse. Je me dirige vers le placard pour aller chercher la mienne, qui a ceci de particulier que sa contenance est à même de satisfaire mon besoin quotidien en caféine. Car Sammy est accro au café.

Mon pied accroche au passage celui de ce qu'il faut bien appeller un étendoir à torchons, et l'envoie heurter l'évier. Bien décidé à tirer parti du potentiel comique de la chose, je ressors en marche arrière, tape dans mes deux mains jointes imitant le clap du metteur en scène, "deuxième, ça tourne !" et refais le trajet en évitant soigneusement, et d'une manière volontairement exagérée, l'étendoir maléfique. Effet comique garanti !

Un de mes collègues me dit alors : le gag que tu viens de faire, ça me rappelle un personnage de film, comment il s'appelle déjà... ? Moi : Pierre Richard ? Non, plus vieux, tu sais, avec le parapluie et l'imper. Euh... Monsieur Hulot ? Oui, c'est ça, c'est monsieur Hulot!

On aurait pu en rester là et ce rapprochement intempestif aurait été rapidement oublié si je n'avais pas fait en sorte de m'attacher un peu plus ce surnom par une nouvelle gaffe...

Les débuts de semaine sont difficiles, c'est bien connu

Ce lundi, devant recenser les personnes qui mangeront sur place lors d'une formation, j'envoie plusieurs mails, disant à toutes la même chose, à savoir qu'elles étaient inscrites sur l'une ou l'autre des sessions, à savoir le 9 ou le... 11 novembre !

Pour bien faire, je mentionne les dates dans le corps du message comme dans son intitulé, et ne me rend compte de l'erreur à aucun moment. Mais je reçois très vite quelques réponses ironiques dans le style "ah bon, on va manger avec les derniers poilus" ; voyant ma bévue, je renvoie aussitôt ce message que l'histoire retiendra, et je ne résiste pas au plaisir de le partager avec vous :
Oups... il fallait bien sûr lire le 14 novembre et non pas le 14 ! Je pense que vous aurez corrigé de vous même.
Ce lundi là était-il si difficile ? Là encore, je ne vois absolument pas le problème et j'envoie allégrement. Voici la réponse que j'ai reçue immédiatement, de la part du collègue qui m'avait déjà comparé à Monsieur Hulot, notez qu'il continue dans la même veine :
Alors là... chapeau bas.
La grande classe... digne de monsieur hulot !
Au fait, c'est quand les vacances pour se reposer ?

Les débuts de semaine sont difficiles, et le café est décidement une drogue bien indispensable...