23 juillet 2009

Bon comme du bon pain ?

Jusqu'où peut-on aller au nom de l'art ? Très loin, sans aucun doute.

Kittiwat Unarrom, artiste thaï, a carrément choisi le morbide. Il confectionne avec amour des têtes coupées, des bras pendus à des crocs de bouchers, des jambes en tas, des organes aux belles couleurs anatomiques. Et tout ça en pain. Emballé sous cellophane et prêt à consommer.



C'est extrêment dérangeant. Et je crois bien que c'est le but. Même si je ne comprend pas pourquoi il fait ça. Faire réfléchir sur l'image ? (du pain en forme de cadavre, c'est toujours du pain) Juste le plaisir de provoquer ? Jouir de nos questions sans réponses et de notre malaise face à son oeuvre ?

Peut-être tout cela à la fois.





Dans un genre légèrement différent, mais tout en restant dans le même registre du cannibalisme soft, Sharon Baker, la bien nommée (je ne vous ferai pas l'affront de traduire), a réalisé une sculpture de son corps, en pain toujours, l'a fait cuire et... a invité tout le voisinage à venir le manger !




Il parait toutefois que c'était pour une bonne cause, avec bénéfices reversés à la lutte contre le cancer du sein. Mais tout de même. La mode reviendrait-elle au cannibalisme par farine interposée ?

Méfiez vous des boulangers !

20 juillet 2009

Vacances !

Je crois que ça se passe de commentaires. Reprise de l'activité bloguesque en septembre, peut-être avant si le temps le permet. Et quand je parle du temps, je ne parle pas que de la météo, mais surtout de celui qui est mesuré par l'écoulement du sablier... Songez-y quand vous serez sur la plage : tout ce sable bêtement gâché !

Photo de JL62, publiée sous une licence Creative Commons

Si mon temps me le permet donc, j'aimerais vous entretenir de XXI, magazine hors-norme et trimestriel, du Petit Nicolas, de Sherlock Holmes et de Henry David Thoreau. Rien que du grand et du magnifique.

Et des crêpes, parce que tout ça donnera forcément un peu faim.

Et de l'auditorium de Dijon, qui est un très bel endroit, mais dont les dirigeants devraient cesser sans délai la consommation d'herbes exotiques, vraiment..

Et peut-être aussi finir ma série La Patrie reconnaissante, bien qu'elle ne semble pas avoir rencontré son public, comme on dit pudiquement dans le milieu du spectacle après avoir fait un bide !

Et beaucoup plein quelques petites choses encore !

Jusqu'à la fin du mois d'août, vous retrouverez la musique libre de l'été tous les lundis, et de nouveaux articles paraitront dès le 1er septembre. Ou peut-être avant. On verra bien.

15 juillet 2009

Little people

Le photographe Slinkachu a réalisé une série intitulée "Little people", mettant en scène de petits personnages dans un cadre réel -la plupart du temps la rue- en jouant sur l'échelle de la photo pour créer un décalage entre l'aspect réaliste et la mise en scène de jouets.

via Cocktail de Web News via Cgunit

 
 



La série complète est visible sur le site de l'auteur : http://www.slinkachu.com/ sur lequel on peut en outre comparer l'image "à hauteur d'homme" et le résultat final.



12 juillet 2009

Mais qui est Ashley Leon ?

Je ne sais pas si vouss avez fait attention mais Michaël Jackson est mort (et toujours pas resuscité, mais qu'attend t-il, le bougre ?) Non, ce n'est pas cela qu'il fallait remarquer ; ce que je voulais vous montrer c'est, que dans une bonne partie des articles annonçant la mort du chanteur et le désarroi de ses fans, un nom revient régulièrement : Ashley Leon.



On ne sait d'ailleurs pas trop s'il s'agit d'un garçon ou d'une fille, ça change au gré des articles : il s'agit tantôt d'un étudiant, tantôt d'une étudiante. Les plus prudents disent "un fan" pour mettre tout le monde d'accord.

Un petit tour sur Wikio nous démontre l'étendue de cette célébrité toute relative, car tous les articles sont datés du 26/06.

Mais pourquoi ce quart d'heure de gloire virtuelle pour ce fan voué au retour à l'anonymat ? Parce que c'est lui l'auteur de la fameuse phrase "On savait qu'il était fou. Mais c'est Michael Jackson", repris par de nombreux sites et blogs, dont celui-ci.

La morale de cette anecdote sans grand intérêt ? Quand vous êtes interrogés par un journaliste, réfléchissez bien avant de donner votre vrai nom.

Ou prétendez vous appeler Ashley Leon.

08 juillet 2009

Minuit moins 5 à Longyearbyen

Longyearbyen. Je ne sais même pas comment ça se prononce. Longyearbyen. Sûrement d'une drôle de façon. Longyearbyen, vous parlez d'un nom. Longyearbyen, c'est le chef-lieu de l'archipel norvégien du Svalbard. On peut aussi dire archipel du Spitzberg, c'est joli aussi. C'est un endroit charmant, à 1.000 km du pôle Nord à peu près. La température y est très occasionnellement positive. Une canicule a fait plusieurs morts il y a quelques années de cela.[1] Pensez donc, il avait fait 21° C pendant plusieurs heures d'affilée.[2]

Longyearbyen est donc la localité rêvée pour les personnes qui craignent les chaleurs excessives. Et la foule. Car cette capitale provinciale de 2000 âmes (2075 en 2007, mais la canicule est passée par là) offre, outre le confort moderne que les plus rustres des ours blancs sont en droit d'exiger, un espace vital relativement conséquent[3], propre à satisfaire les misanthropes les plus farouches.


Longyearbyen, l'été - Wikimedia commons

Longyearbyen est à ce point idyllique que des hommes sérieux, des scientifiques à la blouse blanche et à l'air grave[4], ont décidé d'en faire le lieu de la sauvegarde de l'humanité, rien de moins. Comprenez-moi bien : il ne s'agit pas de tous déménager dans ce petit coin de vacances sur glace pour échapper aux tracas du quotidien, mais bel et bien de creuser un trou dans le permafrost pour cacher les petites graines de l'humanité. Non, pas ces petites graines là ; de vraies petites graines, celles du riz, du blé, des lentilles, du mil, du sorgho... de la pomme de terre, qui n'est pas vraiment une graine, mais les norvégiens sont des gens tolérants.

Voilà pourquoi, le 26 février 2008, alors que le jour allait bientôt se lever[5], des personnalités aussi éminentes qu'emmitouflées se sont rendues à Longyearbyen, chef-lieu de l'archipel de Svalbard, pour inaugurer la plus grande réserve de semences du monde. On avait posé sans eux la première pierre, plusieurs mois auparavant, parce que manipuler une truelle avec des moufles, ce n'est pas facile.

Mais pourquoi cette réserve, à cet endroit, par ce froid ? Est-ce bien raisonnable ?




Il semblerait que oui. Les scientifiques à air grave et blouse blanche évoqués plus haut ont longuement étudié la question, et leur conclusion est sans appel : l'humanité court à sa perte.

Plutôt que de s'avouer vaincus devant cette triste évidence, l'idée a -eurêka- germée dans un de leurs cerveaux fertiles : si l'on ne peut rien faire pour éviter l'inéluctable auto-destruction finale, et imminente, de l'espèce, faisons au moins en sorte que les survivants du cataclysme aient de quoi casser la croûte. Planquons les graines dans un frigo.

C'est ainsi que le nom de Longyearbyen s'est imposé. C'est ainsi que ce bout de terre gelée oublié du monde a hérité de son sanctuaire. Pour assurer la sauvegarde de la diversité végétale de la planète contre, comme le dit joliment l'AFP, "le changement climatique, les guerres, les catastrophes naturelles et l'incurie des hommes".

L'incurie des hommes, ça peut être une banque de semences qui perd un de ses échantillons[6] (les scientifiques sont parfois tellement distraits) ; ça peut aussi être un militaire qui fait une fausse manœuvre en admirant son dernier joujou.

Il faut dire qu'avec un stock mondial de 20590 bombes nucléaires (à peu près), le risque d'une fin digne du docteur Folamour[7] commence à devenir non négligeable. Si l'on ajoute au tableau les perturbations dues au changement climatique, les problèmes liés aux hydrocarbures (pic pétrolier, géopolitique du pétrole) ou encore les risques liés aux nouvelles technologies[8], on comprend mieux l'urgence de planquer sa graine. Scrat l’écureuil a bien raison.[9]









20590 têtes nucléaires, c'est plus qu'il n'en faut pour faire exploser plusieurs fois la planète. Les surnuméraires sont conservées pour le cas où l'ennemi trouverait refuge sur une planète de secours. Car l'ennemi est fourbe. Il faut tout prévoir.[10]

Pendant que les militaires préparent l'avenir, les scientifiques, inquiets, calculent le compte à rebours avant le feu d'artifice. Ils ont à cet effet mis au point une "horloge" conceptuelle sur laquelle minuit représente la fin du monde[11]. A chaque regain de tension, à chaque soubresaut un peu plus violent entre un prince voyou et un Etat sans rire, ils avancent l'horloge du nombre de minutes qu'ils estiment nécessaire. A l'inverse, à chaque signe de détente, dès qu'un sale gosse cacochyme accepte de se séparer de quelques unes de ses bombinettes, ou qu'un bienfaiteur de son peuple rend son dernier soupir, ils reculent de plusieurs minutes le décompte fatal.

Depuis le 17 janvier 2007, l'horloge de l'apocalypse est à 23h55.

A Longyearbyen, il parait que les ours blancs s'en foutent.

***
[1] C'est pas vrai
[2] C'est vrai
[3] Deux fois la superficie de la Belgique pour 2300 habitants, on est à l'aise
[4] Ce n'est pas totalement vrai : selon l'UNESCO, un chercheur sur quatre est une chercheuse. Seulement.
[5] Celui qui suit la nuit polaire, bien entendu
[7] Java des bombes atomiques... et 10 femmes pour un homme pour les survivants réfugiés dans une "arche de Noé"
[8] Source : Wikipedia
[9] Ca, c'est pour détendre l'atmosphère
[10] C'est sans doute ce qui explique le nombre proprement ahurissant d'essais nucléaires menés entre 1945 et 1998 : 2053.Voir l'article "La musique de l'apocalypse"
[11] L'horloge de l'apocalypse ou Doomsday clock

04 juillet 2009

Coup de grisou pour genre mineur (article mis à jour)

Qui oserait prétendre que les albums pour enfants ne sont qu'un genre mineur ? Sûrement pas moi. Ni Dame Kiki de Posuto, qui chronique régulièrement des œuvres remarquables de la littérature enfantine sur Pages à pages.

Attention, je ne parle pas des aventures de Blump le canard ou de Martine chez le dentiste. Je parle des vrais albums, pensés, conçus et édités avec sérieux, quand ce n'est pas avec passion ; par des gens qui en font profession, quand ce n'est pas profession de foi.

Ancien étudiant en métiers du livre, j'ai certes mal tourné (10 ans plus tard, je ne suis pas bibliothécaire) mais j'ai malgré tout conservé une affection particulière pour ce support, qui me pousse, chaque fois que l'occasion m'en est donnée, à regarder ces ouvrages d'un œil attendri et presque professionnel.

Et dans le registre de l'album jeunesse, on peut trouver de tout, le meilleur comme le pire. J'en veux pour exemple l'excellent album Marius, publié par les non moins excellentes éditions de l'Atelier du poisson soluble, et l'affreux Dans ma rue, commis par les pourtant pas moins bonnes éditions du Rouergue.


Marius, de Latifa Alaoui M. et Stéphane Poulin, aborde sans inutiles fioritures ni fausses pudeurs la question de l'homosexualité. Et celle du divorce, mais de façon presque accessoire.
Je m'appelle Marius, j'ai cinq ans et j'ai deux maisons.
Maintenant maman a un nouvel amoureux.
Mon papa aussi a un nouvel amoureux.
Quelques vérités sont ainsi amenées, tranquillement, sans avoir l'air d'y toucher : homosexuel, ce n'est pas un gros mot, même si il faut quand même l'expliquer à la maitresse ; deux hommes qui vivent ensemble, ce n'est pas "mal", même si mamie pense le contraire ; et ce n'est même pas héréditaire : le petit garçon, avec son épée en bois et son bandeau sur l'œil, rêve, dans sa cabane de pirates, de sa future femme pirate (avec un bandeau sur l'œil aussi, sinon on est pas un vrai pirate).



L'ensemble est joliment agrémenté de quelques trouvailles d'illustration : une poule mouillée, forcément sous un parapluie, et "je suis la puce de maman et le poussin de papa", au sens propre. Le résultat est parfait. Pas un mot de trop, pas un dessin inutile, juste ce qu'il faut et sans provocation, pour briser les tabous en douceur.


Tout le contraire de Ma rue. (Guillaume Guéraud et Anne von Karstedt)


Des éditions du Rouergue, je gardais le souvenir d'albums aux choix parfois audacieux mais jamais choquant, la plupart du temps novateurs, souvent avec une touche de poésie. Qu'est ce qui leur a pris ?

Ma rue, c'est un fleuve de sang qui serpente entre les immeubles, sortant parfois de tunnels figurant une bouche ouverte où les pierres de taille sont les dents d'une mâchoire horrible comme la gueule de l'enfer... Ce sont des corps disloqués des gens qui s'aimaient, et qui meurent sur l'asphalte sanglante ; c'est une rue avec des barreaux aux fenêtres, du fil barbelé, des panneaux indicateurs en guise de végétation.


"Ma rue aime les amoureux. Elle embrasse les corps brisés et emballe les coeur perdus. Ma rue me noue les tripes."

Bref, c'est cauchemardesque. Je n'arrive pas à comprendre que des gens sérieux, des grandes personnes sensées et raisonnables, aient conçu le projet de donner à voir une chose pareille à des enfants. Même moi, qui suis, d'après l'état civil et les impôts, plus proche du groupe des grandes personnes que de celui des pirates à cabane (et bandeau sur l'œil), j'ai eu des frissons en le feuilletant.

Jusqu'alors, je n'avais vu un tel "climat de peur et de violence" (via L'idiot du village) que dans la tétralogie du monstre, d'Enki Bilal ; là aussi, un décor blafard, un dessin minutieusement torturé, des images délirantes, mais au service d'une œuvre et d'un univers. Et d'un public un peu plus âgé que celui auquel Ma rue est censé s'adresser.

Ne vous avais-je pas prévenu ? L'album pour enfants ne relève pas d'un genre mineur.

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Pour aller plus loin :
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Petite mise à jour du 04/07/2009 :

Suite à une remarque pertinente de Chérie de Sammy, je me suis avisé que Ma rue n'était pas à proprement parler un album pour enfants, mais un "livre enfant à partir de 10 ans" (qui était dans le secteur adultes de la bibliothèque, qui plus est) Il n'empêche. J'ai décidé que ce livre/album devait faire peur, donc je n'en démordrai pas ! (oui, il m'a vraiment mis mal à l'aise)

D'ailleurs, l'auteur, Guillaume Guéraud semble s'être fait une spécialité du style "dérangeant" ; présenté comme "l'un des auteurs jeunesse les plus dérangeants de sa génération", il a obtenu le prix Sorcières[1] en 2007 pour son roman Je mourrai pas gibier, roman (très) noir pour ados.

Il est également l'auteur de romans d'anticipation comme La brigade de l'oeil, dans la droite ligne de ce que nous venons de voir.

Sans doute ai-je trop rapidement classé Ma rue, sans doute l'ai-je tout bonnement mal compris. Je me rends compte que nous avons affaire à un véritable auteur, qui impose son univers, au mépris du risque de choquer, ce qui n'est pas pour me déplaire. Même si je n'arrive pas à me défaire du sentiment de malaise que cet album m'a procuré, il est tout de même frappant que je me sois senti obligé de publier ce correctif à propos de cet album ci ; je reviendrai peut-être sur cet auteur, son univers, et la littérature jeunesse en général dans une autre chronique.

[1] Décerné par l'ALSJ, Association des librairies spécialisées jeunesse ; voyez leur blog : Citrouille et leur interview de Guillaume Guéraud

03 juillet 2009

La musique de l'apocalypse

Isao Hashimoto a réalisé une animation mettant en lumière d'une façon originale et, il faut bien le dire, artistique, les 2053 explosions de bombes nucléaires tirées entre 1945 et 1998, de Los Alamos aux essais pakistanais.

Il a utilisé un son et une couleur par pays ; associés au son spécifique signalant le changement d'année, l'ensemble donne une oeuvre de musique minimaliste, assez envoûtante, hypnotisante, et légèrement écœurante quand on se reprend à penser que chaque point sur la carte est un essai de bombe nucléaire.

Je pourrais disserter sur l'inanité financière de ces 2053 occasions de mieux dépenser l'argent du contribuable, mais mon propos n'est pas là.


En regardant ce film (il dure plus d'un quart d'heure quand même), j'ai eu peur. Je me suis dit qu'un jour... ce ne serait plus un essai, encore une fois. Une fois de trop.

La dernière.

Cette petite mélodie entêtante à des airs de musique de fin du monde.

via Art Space Tokyo : Half a century of nuclear explosions

Cet article est le pendant d'une chronique beaucoup plus longue qui sera publiée sur les Chroniques de Sammy dans quelques jours. Je placerai les liens de l'un vers l'autre dès que le texte sera publié.

Mise à jour du 08/07/2009 :

La chronique annoncée est désormais en ligne : Minuit moins 5 à Longyearbyen