31 août 2012

Philippe Delerm est-il un vieux con ?


Bien sûr que non. Et le fait qu'il s'obstine à ne pas vouloir se servir d'un ordinateur, préférant plutôt user d'une machine à écrire (pour laquelle il a acheté "une vingtaine de rubans d'avance") ne doit pas entrer en ligne de compte.

Mais ce n'est pas moi qui ai intitulé son dernier livre "Je vais passer pour un vieux con, et autres petites phrases qui en disent long". C'est lui tout seul. Il s'en explique à un jeune con, dans un entretien à Actualitté.
"Dire des toutes petites choses est capital, parce que c'est là qu'on révèle véritablement, et en faire la substance d'un recueil ne les grandit pas spécialement, il s'agit juste d'effacer l'hypocrisie en la nommant. On est tous pareils. On n'en parle pas, mais il y a dans ces phrases une sorte d'éternel humain."
A la façon de Ma grand-mère avait les mêmes, dont il pourrait être une suite, il s'agit d'un recueil sur les phrases que l'on prononce un peu trop facilement, en ne leur prêtant pas assez d'attention ; mais si ma grand-mère procédait au décorticage des phrases à double détente de la vie de tous les jours, le vieux con apparaît davantage comme des automatismes dérisoires pour combler le vide de la conversation...

Petit extrait de la table des matières, toujours via Actualitté : « Je vais passer pour un vieux con », « Quand on est dedans, elle est bonne », « Je vais relire Proust », « Les mots sont dérisoires »...

C'est pas tout mais faut que j'y aille ! 

29 août 2012

De la concurrence pour XXI


En feuilletant L'Express (c'est pas ma faute, je suis tombé dessus par hasard), je suis tombé -ça fait deux fois en une phrase, je ne suis décidément pas très stable- sur une publicité pleine page pour une nouvelle revue dénommée Long cours

J'ai été interpellé, comme on dit pour faire tendance, par la grande similarité avec XXI. Intrigué, j'ai consulté l'oracle, qui m'a renvoyé sur le site de cette revue toute neuve. Le beau site tout moderne, avec plein d'interventions de gens très enthousiastes et de coupures de presse, heureusement sans gravité.

Et c'est là que le bât blesse, comme disent les muletiers. Long cours reprend effectivement la même recette que XXI : 4 numéros par an, distribution en librairie ; des récits longs, un reportage en BD, des portfolios, un dossier thématique de trois reportages, des illustrations très graphiques ; petite touche de différenciation : le dossier consacré aux militantes comporte une fiction. Poussons la comparaison plus avant : l'éditorial reprend les arguments de Patrick de Saint-Exupéry présentant XXI : "renouer avec un journalisme hors des sentiers battus", "favoriser le long par-rapport au cours", "à l'heure des [...] réseaux sociaux"...

Mais quand XXI s'était lancé par le bouche à oreille de ses lecteurs, avec un budget réduit et au milieu des sarcasmes du reste de la presse, Long cours se pose d'emblée comme une publication adossée à L'Express (c'est marqué sur le site ; et si ce n'était pas le cas, cette vidéo se suffit à elle-même) et s'offre un gros lancement avec une débauche de moyens (internet, radio, publicité...), tout ça parce que certains se sont dit qu'il y avait un filon à exploiter...

Du coup, je suis un peu partagé entre un certain contentement (XXI fait des émules, ils ont gagné leur pari du  format "long" et "hors-actu") et le scepticisme devant l'aspect un peu trop marketing de l'objet...

Des lecteurs de XXI dans la salle ? 

23 août 2012

Fantaisie


Il parait qu'on ne nage pas dans l'Ain
Deux fois. C'est Héraclite qui dit ça.
Mais on peut visiter trois fois Troyes,
Pour le voir d'un oeil neuf. 

On peut monter les escaliers quatre à quatre, 
Puis partir cinq semaines en baillant.

On peut rouler très vite sur l'A6,
Pour arriver à Sète, 
et manger des z'huit, mais attendez décembre.
(les z'huit ça s'mange les mois où on fait brr)

grapheme-color synesthesia: numbers

08 août 2012

Chronique des absences et des conquêtes : Les déferlantes, roman-vagues

Je viens de lire un roman qui m'a accroché d'un bout à l'autre - malgré un style avec lequel j'ai eu un peu de difficultés durant les premières pages : Les déferlantes, de Claudie Gallay. Ce n'est pas vraiment de l'actualité littéraire, puisque il est sorti en 2008 et qu'il trônait depuis à peu près autant de temps dans notre bibliothèque, mais il s'est présenté un créneau dans mon agenda de lecture, l'été étant souvent la période la plus propice aux "rattrapages"...

Que dire sans dévoiler l'intrigue ? (d'autant plus que Madame Sammy ne l'a pas encore lu...) C'est un roman sur l'absence et la perte : chacun des personnages a perdu, ou recherche quelque chose. La narratrice pousse son chagrin devant elle comme Sisyphe son rocher, d'autres sont en quête de vérité, d'amour, de la paix de l'âme, d'absolu et parfois d'absolution.

Il y a là tout un petit monde, dans le presque huis-clos de cette presqu'île du bout du Cotentin : la narratrice, réfugiée à La Hague pour compter les oiseaux migrateurs, un sculpteur, sa sœur, l'idiot du village, une vieille folle, mais peut-être pas tant que ça, une petite fille au surnom d'oiseau, la patronne du bar, l'ancien gardien du phare, un  vieux monsieur monomaniaque de Prévert. Et puis Lambert, dont l'arrivée ou plutôt le retour dans le village va être la première pièce d'un puzzle qui va s'assembler inexorablement. 

PhareHague
Par Truzguiladh (-) [CC-BY-SA-2.5], via Wikimedia Commons

Il y a les vivants, et il y a les ombres ; ombres de ceux que la mort a pris, ombres de ceux que la mer n'a pas rendu, ombres de ceux qui sont partis un matin pour ne jamais revenir... Fantômes du passé rappelés dans des photos, des jouets, des lieux abandonnés.

La mer est omniprésente, toujours évoquée, parfois personnifiée, jamais prise à la légère. Elle donne à l'histoire son contexte, sa substance, sa respiration. La succession de chapitres courts et moins courts, les avancées dans l'énigme suivis de moments plus contemplatifs sont autant de flux et de reflux. Le dénouement marque la fin de la quête de chacun des protagonistes. Le roman, qui a commencé par une tempête, s'achève ainsi dans une relative sérénité.