11 août 2011

Gravity glue

Mike Grab est un artiste. Il a fait de la pierre son matériau de prédilection, de la beauté sa quête, et de l'éphémère son quotidien. L'homme est probablement philosophe, sans doute zen, et heureusement photographe, pour nous permettre de découvrir ses réalisations (à voir sur son site).


Mais de quoi s'agit-il au juste ? De pierres. De belles pierres rondes ramassées dans les rivières du Colorado, qu'il empile au fil de l'eau et de son imagination. Dis comme cela, ça peut sembler un peu ridicule ; mais avez-vous déjà essayé d'empiler deux pierres rondes et mouillées l'une sur l'autre, en équilibre sur le plus petit bout ? Et trois ? Et quatre ? Et huit ? 




Cet article aurait pu s'intituler "réalisé sans trucage", tellement il semble improbable de parvenir à faire tenir des pierres de cette façon ; mais cette vidéo nous démontre que ce n'est pas le cas. Sa seule colle est la gravité, d'où le nom de son site.

Le résultat est grand et magnifique. Avec un peu d'imagination, vous verrez dans ses empilements des stupas, des cairns, des animaux fantastiques... ou bien rien du tout, et trouverez tout simplement agréable cette invitation à la contemplation et à la méditation : j'empile, donc je suis.

Image via Dailycamera 
Il a commencé "un jour qu'il s’ennuyait" et ne "peut plus cesser de le faire". On le comprend. Rares sont les activités qui procurent un tel sentiment de plénitude : maîtrise de soi, communion avec la nature, poursuite d'un but esthétique. C'est sans doute son secret du bonheur.



01 août 2011

Le cimetière des bateaux sans nom

Le cimetière des bateaux sans nom, dans le roman éponyme de Perez-Reverte, c'est cet endroit un peu lugubre où échouent les bateaux en fin de vie, mangés par la rouille et le sel en attendant d'être complétement désossés par le feu des chalumeaux. Je ne sais pas si ce cimetière marin existe vraiment, mais il est au carrefour du récit. Les personnages tournent autour, passent à côté, en parlent ; certains y meurent. A croire qu'il y a une métaphore à chercher dans cet endroit et dans ce titre.

CC yeowatzup sur Fotopedia 

Une métaphore de quoi ? De la vie sans doute. Des désillusions qu'elle amène plus sûrement. Car comment qualifier autrement une histoire qui offre tous les ingrédients du roman d'aventures, avec des méchants et une chasse au trésor, mais en ajoutant une touche d'amertume au breuvage ? Les marins d'autrefois ont disparus, les aventures n'ont plus rien d'épique et sont justes dangereuses ; les chasses au trésor ne sont pas tout à fait aussi exaltantes que dans les livres. La fontaine de jouvence a un sale arrière goût.

L'aventure sent encore le vieux papier, le métal rouillé et les cartes marines, mais elle prend aussi l'apparence d'un gros revolver tenu par une femme très belle et très dangereuse, ou d'un requin chercheur de trésor, assez dangereux lui aussi, et souvent d'un nain mélancolique, encore plus dangereux.
"Et il n'avait jamais rêvé, sur aucun bateau, dans aucun livre, aucun port, aucune de ses vies antérieures et innocentes, un Achab aussi séduisant qui l'entrainait pour naviguer sur sa tombe."
Et ce n'est pas Coy, le marin échoué, qui dira le contraire. Ses illusions, il les a perdues depuis longtemps. Sans rancœur, sans tristesse, juste avec le temps qui passe. C'est le constat que la plupart des personnages du roman vont être amenés à faire à un moment donné. Constat lucide, désabusé ou dédaigneux, selon leur caractère ou selon le contexte, mais tous sont d'accord sur ce point, le seul qui les réunisse, après la quête d'une épave au trésor. Car il y a un trésor bien sûr, même s'il faut attendre d'être arrivé au milieu du livre pour savoir de quoi il retourne. Une ténébreuse affaire vieille de plus de deux siècles, avec un complot, un combat naval, des navires allant par le fond avec une précieuse cargaison.


L'ensemble forme certes un bon roman, mais j'ai peur que ce ne soit pas suffisant. J'ai eu un peu de mal à rentrer dans l'histoire. Trop long, trop long à démarrer, trop de passages où l'on se demande où l'auteur nous emmène. On est loin des récits haletants et lus d'une traite des aventures du capitaine Alatriste. Cependant, j'ai apprécié la fin amorale, guère surprenante dans la mesure où le lecteur, comme Coy, était prévenu depuis le début...

Décidément les chasses au trésor ne sont plus ce qu'elles étaient.