J'aime beaucoup le café. J'en bois le matin, j'en bois à midi, si je m'écoutais je me reléverais la nuit pour en boire. Je signale au passage à M. Nespresso que ma carte bleue a bien été débitée mais que je n'ai toujours pas reçu mon café. Et si d'autres font leurs délices du thé ou du produit de la vigne, certain(e)s succombent aux tentations voluptueuses de la tisane. Chacun trouve son bonheur où il peut. C'est le thème du film d'Eric-Emmanuel Schmidt, Odette Toulemonde. C'est un film sur le bonheur des autres. Ceux qui sont heureux de pas grand chose, ceux qui collectionnent les poupées costumées, ceux qui lisent du Balthazar Balsan et planent au-dessus des toits de Bruxelles parce qu'ils ont appréciés son dernier livre, ceux là aussi ont droit au bonheur, qui n'est pas réservé à une certaine forme d'élite. Elite intellectuelle qui méprise les bonheurs simples et populaires, ou qui se plait à séparer le monde en deux catégories : les gagnants et les perdants.
Odette Toulemonde, petite employée de grand magasin au destin terne et banal, vit avec son fils coiffeur et sa fille grincheuse, habite un modeste appartement dans une banlieue ouvrière plus modeste encore, avec les gosses qui courent dans le couloir, les poubelles à descendre et la mer du nord comme dernier terrain vague. Mais elle lit. Pas les chefs d'oeuvre de la littérature, ni des centaines de livres par an, ni des auteurs recommandés par les critiques les plus en vue ; non, elle lit les livres de Balthazar Balsan, et c'est une des choses qui suffisent à son bonheur. Mais la vrai raison de sa joie de vivre, elle la porte en elle, toujours souriante, chantante, virevoltante, entrainant tout son petit monde avec elle au son de Joséphine Baker.
Le film commence alors qu'elle prend son après-midi de congés pour se rendre à Bruxelles, pour enfin rencontrer en dédicaces et en vrai cet auteur auquel elle voue une admiration sans bornes. Seulement voilà, une fois devant son grand homme, elle est tellement émue qu'elle n'arrive même pas à dire son nom. Elle décide alors de lui écrire, choisit son plus beau papier à lettres (le rose, avec un petit ange au milieu) et lui dit l'importance qu'il a dans sa vie, avec ses mots naïfs mais débordant de sincérité. A l'occasion d'une autre séance de dédicaces, elle lui remet sa lettre. Balsan n'accorde qu'une importance relative à cette inconnue parmi d'autres, la lettre finit dans la poche intérieure de se veste, il la retrouvera par hasard en s'enfuyant de l'hôpital où sa tentative de suicide le mènera. Parce que si il a toutes les apparences du bonheur, il n'est pas heureux. Parce qu'il vient d'être descendu en flammes par le critique le plus important du moment, parce que son fils se fait taper dessus suite à cette émission, parce que sa femme le trompe avec le critique en question. Tombant par hasard sur la lettre d'Odette, il se met à sa recherche, et échoue un soir dans son petit appartement... La suite est assez évidente, aussi ne vous la raconterai-je point.
Dans Little Miss Sunshine aussi, tout le monde poursuit à sa façon son petit bonhomme de bonheur. Et le bonheur, c'est pas évident, surtout lorsque l'on divise le monde en deux catégories : les gagnants et les perdants. C'est la marotte du père d'Olive Hoover, qui applique à longueur de journée à sa famille sa méthode en neuf points pour devenir un gagnant, un vrai, un de ceux qui marchent sur la tête des autres.
Ce qui n'empêche pas les uns et les autres d'avoir des rêves grands et magnifiques. Le père, veut vendre sa méthode -et se heurtera à de cruelles désillusions- le fils a fait voeu de silence jusqu'au jour où il entrera à l'Ecole de l'air -il fait des pompes et lit Nietzche- l'oncle suicidaire rêve d'une Amérique qui comprendrait Proust et le grand-père, épicurien shooté et obsédé, ne demande pas grand chose à la vie. Ou alors juste un magazine porno et un rail de coke de temps en temps. Olive Hoover, 6 ans, ne rêve que de devenir Little miss sunshine, sorte de mini-reine de beauté. Se trouvant sélectionnée pour ce prestigieux concours, toute la famille s'embarque à bord de l'antique combi wolkswagen et se met en route pour la Californie.
J'aime beaucoup les road-movies. C'est toujours l'occasion de toutes les mises au point, les réglements de comptes, et le retour à l'essentiel, en général au bout de la route. Celle que l'on fait sur l'asphalte du Nouveau-Mexique, mais aussi en soi. Et c'est sans compter tous les événements tragiques ou cocasses que les héros ne manquent pas de rencontrer. Comme faire démarrer un van sans embrayage, ou mettre le cadavre de papy dans le coffre sans se faire remarquer. Au bout du compte, au bout de la route, quelques illusions se seront envolées, mais ils se seront mis d'accord sur l'essentiel. Qu'il faut faire ce que l'on aime, les vrais gagnants sont ceux qui ont le courage d'essayer. Qu'un rêve est fait pour être vécu jusqu'au bout, qu'il faut profiter de tous les plaisirs de la vie tant qu'on le peut, parce qu'on a tôt fait de se retrouver résumé au contenu d'une petite boîte. Et que les concours de beauté pour petites filles, c'est encore plus pitoyable qu'un défilé de caniches pomponnés.
Il faut faire ce que l'on aime, et merde au resteLes rêves sont faits pour être vécus, le bonheur est fait de petites choses simples. Et merde au reste.
(Dwayne Hoover, nietzchéen repenti)
Mince , Sammy.....tes dernières phrases me bouleversent ( ça y est vlà que la piscine déborbe..).....elles me rappellent tellement d'autres paroles de quelqu'un de tres proche que j'ai connu et qui n'est plus, et qui clamait sur tous les tons avant de nous tirer sa révérence qu'il fallait vivre ses rêves sans attendre tant qu'on peut le faire .....
RépondreSupprimerSacré Sammy,plus je te lis et plus tu me touches....
Première fois que je viens sur ce blog par le biais d'un autre (merci Dansletgv) mais il fallait que je laisse un commentaire...
RépondreSupprimerTout d'abord pour dire que ces deux films font partis de ceux dont on ressort avec le sourire et puis par ce que je me régale à lire toutes les chroniques et billets...
Autant les road movie ça ne me tente pas du tout (je comprends pas trop l'intérêt du concept... Ou je n'en ai peut-être jamais vu de bon), autant Odette Toulemonde elle me dirait bien comme nénette...
RépondreSupprimerMais tu ne te prononces pas trop finalement, il est bien, celui de Dédette ? :-)
Allez hop, une tisane et au lit ! ^^
(Sauf si tu te pointes :-p)
Merci Tilu, ça me fait très plaisir de lire des réactions comme la tienne... non, je n'écris pas pour faire pleurer les gens ! Mais savoir que certains peuvent se reconnaître un peu dans ce que j'écris, ça me justifie. Un peu.
RépondreSupprimerBienvenue Marie ! D'autant plus que tu viens de chez quelqu'un de bonne compagnie, un bloggeur boute en train s'il en est !
Merci d'avoir pris un peu de temps pour t'égarer sur mes voies sans aiguillages... A bientôt j'espère ?
Célineuuuuu !!! Je ne vois pas pourquoi j'essaierais de te convaincre, tu as déjà décidé que ce n'était pas bien :-p Mais bon, va voir Dédette, ne serait-ce que pour Catherine Frot :-)
Merci Cassy ! Tu m'as presque convaincue de le lire :-) Je dis presque, parce que j'ai une sacrée pile de livre "en retard" là... le cachalot blanc m'a fait perdre pas mal de temps ^^
RépondreSupprimerPar ailleurs, ton avis rejoins ce que nous avons dit sous la chronique de la recette du bonheur : les livres sont toujours mieux que les films... :-)
J'ai fait un billet pour chacun des films sur mon blog en conseillant aux gens d'y aller. Odette Toulemonde qui a été descendue par la critique est un très joli film, original avec une Catherine Frot excellente comme d'habitude. Cette première réalisation de Eric-Emmananuel Schmit est une réussite. Little Miss Sunshine est aussi un bon film drôle et plein de fantaisie mais avec parfois un ton grave.
RépondreSupprimerMerci pour ton passage Dasola, avec toutes mes excuses pour cette réponse tardive !
RépondreSupprimerMoi aussi j'aime beaucoup Catherine Frot, et déplore l'attitude de certains critiques en vogue, descendant systématiquement tout ce qui est un peu trop populaire...