Mes rapports avec Philippe Delerm sont ambigus. Certains de ses livres m'enchantent quand d'autres, j'en demande pardon par avance à ses fans, me lassent. Si les premiers sont très agréables à lire, les seconds donnent l'impression d'une vague répétition, d'une parodie plus ou moins volontaire, avec des phrases toujours tournées de la même façon, des tics d'écriture récurrents, et quelques adverbes qui tournent en boucle. Ils distillent un léger ennui me conduisant à ne les pas finir. Dans la première catégorie je range La première gorgée de bière, La sieste assassinée, Paris l'instant ou La tranchée d'Arenberg ; dans la seconde, Dickens, barbe à papa et autres nourritures délectables ou Le Bonheur. Tableaux et bavardages, décidément très ennuyeux malgré une bonne idée de départ.
D'autres sont dans un agréable entre-deux, on sent bien qu'il n'est pas à son meilleur, mais comme du Delerm c'est toujours vite lu et que l'on est sûr qu'il y aura de toute façon quelques bons passages, on va tout de même au bout. Ce fut le cas pour Ma grand-mère avait les mêmes, lu d'une traite il y a quelques jours, à l'occasion d'un voyage en train.
Allez savoir pourquoi, quand je vis ce livre pour la première fois, je m'imaginai qu'il traitait des dessous de la grand-mère de l'auteur ; en fait, les dessous dont il est question sont ceux des petites phrases. Petites phrases du quotidien, mais je réalise en écrivant ces quelques lignes qu'elles dissimulent parfois la même tension que les fameuses "petites phrases" qui constituent l'essentiel du débat politique. La politesse convenue des situations stéréotypées dissimulant mal, pour Philippe Delerm, les petits agacements sous-jacents et les vacheries à peine voilées derrière les formules à l'emporte pièce.
Bien sûr, on pourrait surjouer l'amabilité du ton pour compenser la rigueur des propos, vous seriez gentil de m'en enlever un peu s'il vous plait. Mais on le sait. On est coincé. De toute manière, on en serait réduit à jouer le rôle du casse-pieds, et ce serait tellement peu dans la note, l'effervescence bon enfant du marché, la bonhomie de ce rapport humain que vous êtes venu chercher ici.
Extrait de : Y'en a plus, je laisse ?
J'aurais pu multiplier les citations, mais vous comprenez le principe : une phrase que tout le monde a pu dire ou entendre au moins une fois, et le décorticage subséquent, presque psychanalytique, des motivations secrètes du locuteur. Quelques titres de chapitres particulièrement représentatifs : On ne vous fait pas fuir au moins ? Du côté de mon mari ; Par contre, je veux bien un stylo ; On peut le changer.
Et vous ? Y a t-il des phrases toutes faites de la vie de tous les jours qui vous agacent ?
Je m'amuse avec elles le plus souvent, l'expression au jour d'aujourd'hui m'agace et quant un type ou une typesse commence ses phrases par : moi personnellement je pense, là je me mets en mode rêveuse et je n'écoute plus du tout ce qu'on me raconte !
RépondreSupprimerSalut Sandrine,
Supprimerles expressions que tu rapportes -pour agaçantes qu'elles soient- sont à mon sens plus de l'ordre du tic de langage ; celles du livre de Delerm sont plutôt du genre "anodine, mais avec arrière pensée". La seule supplémentaire qui me vienne à l'esprit pour le moment est "Et toi, t'as fais quoi ce week-end ?", où l'interlocuteur cherche, plus ou moins consciemment, à s'assurer que ton week-end a été aussi pourri que le sien...
"Je dis ça comme ça".
RépondreSupprimerOn ne dit jamais ça "simplement" comme ça. C'est juste une manière de s'excuser avant même que l'autre ait réagit d'avoir dit quelque chose de déplaisant.
Bravo ! C'est très bien vu. Je l'ajoute à ma collection.
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