18 mai 2006

Moqueries sur un plateau : à mots couverts

Moquons nous à nouveau de nos contemporains.
Retour à la cantine...

Après avoir rapidement abordé les généralités les plus communes en matière de restauration collective (et encore, je suis sûr d'en avoir oublié), je me dois de dépeindre à grands traits quelques spécimens remarquables, des "habitués" sans lesquels je mangerais peut-être plus vite, et encore c'est pas sûr, mais ce serait quand même moins drôle. Parmi eux, des collègues, d'illustres inconnus ou d'autres tout aussi peu connus, que la fréquentation quasi journalière (dans la plus parfaite indifférence polie, cela va de soi) ou le comportement déroutant ont rendus familiers...

Il y a celui-ci, qui fait la queue avec sa sacoche à la main. Ou sur le plateau. Ou à nouveau à main. Ou sur le rail à côté du plateau. Puis à nouveau dans le plateau. Ah non, maintenant avec l'assiette, il n'y a pas assez de place. Alors il la prend encore à la main, et finit le circuit avec cet encombrant accessoire au bout des doigts. Bon, où est le problème ? Vous allez me trouver décidement bien inutilement moqueur et médisant. Le hic, c'est que c'est une sacoche à bandoulière, faite pour être portée sur l'épaule, ce qui est indéniablement plus pratique. Eh bien non, il a décidé il y a 35 ans qu'il tiendrait sa sacoche à la main, ce n'est pas à l'aube de la retraite qu'il va changer d'avis...

Il y a celui là, qui ingurgite plutôt qu'il ne mange, littérairement on dirait bâffrer, empiffrer, goinfrer, mais nous sommes entre nous, on va dire bouffer. Il bouffe. Comme une petite bête qui craindrait qu'on vienne lui reprendre sa pitance. Sans lever la tête ni parler. Non. Il faut d'abord satisfaire l'urgence. Quand il a fini, il nous regarde, l'air repu et béat, d'une tête que l'on imaginerait bien sur un moine d'un Robin Hood de série B. Voilà, c'est ça, ce type, c'est Frère Tuck...

Un frère Tuck qui a quand même la grande qualité d'être aussi mécréant que moi, ne l'accablons donc pas inutilement.

Le problème c'est qu'il aimerait bien me voir suivre son rythme. Or je prend mon temps. Je discute. Je m'arrête, je regarde les gens. Et pour couronner le tout, je mange lentement. Un jour, vous ne lirez plus ces chroniques. Ne cherchez pas : il m'aura assassiné...

Vient ensuite le vieil enfant gâté ; le sale môme de 45 ans, qui ne peut rien manger sans extraire de son assiette une montagne de déchets. Avec lui, bien peu de choses sont comestibles du coup... Les noyaux des olives, les os du lapin, personne ne lui reprochera de ne pas les avaler... Je comprend également que l'on ne mange pas la peau du poisson, surtout si elle n'est pas très cuite et juste tiède, c'est dégueulasse. Qu'il trouve encore des choses à retrancher sur un blanc de poulet ou sur une escalope de dinde me parait un peu plus incertain par contre... surtout quand il s'agit de perdre autant de "comestible" que de prétendus déchets...

Et que tout ceci soit fait avec milles manières, du bout de la fourchette et à la pointe du couteau, me paraitrait certainement beaucoup plus délicat si il n'en faisait pas un petit amoncellement absurde à même le plateau... Non que je sois particulièrement délicat, ou sourcilleux quant à la nourriture gaspillée, mais il ajoute la vulgarité au gâchis, un jour il faudra que je le lui dise.

Et puis il y a le roi. Le plus beau. Notre chouchou. Si par hasard nous ne l'avons pas vu, nous ne pourrons manquer de l'entendre. Costume pastel, cravate, la trentaine ébouriffée, il parle fort, dit généralement n'importe quoi et nous impose son rire de pompe aspirante à chaque fin de phrase, soit qu'il s'estime très satisfait de ce qu'il vient de dire, soit qu'il n'ait jamais rien entendu d'aussi drôle que les réparties polies de ses collègues.

Représentez-vous une sorte de grand niais au regard vide, aux longs bras et aux attitudes ampoulées ; le spectacle est permanent, la représentation est en cours. Prenez place, mangez et buvez, le chihuahua de ces dames va vous faire son numéro. Ne vous gênez pas pour le regarder. Trop occupé à s'offrir à son public (un gros chauve, un vieux beau prétentieux et une jeune femme très polie ma foi, très patiente...), il ne vous verra pas l'observer.

Que cache t-il derrière cette attitude de moulin à vent ? Quel vide veut-il combler ? Je trouve que ce piteux clown a le regard triste parfois...

3 commentaires:

  1. Tu aimes à observer les gens, leurs petits détails compulsifs qui les rend presque trop humains, tout comme moi. Si tu prenais le bus, je suis sur que tu pourrais faire de même... :p

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  2. qui les rendent (j'ai pas pu m'en empêcher)

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  3. Oui, j'ai bien ri en constatant ton obssession pour les bus et la faune urbaine qu'on peut y observer... on observe ce qu'on a sous la main je crois.

    Mais le sens du détail est un vrai état d'esprit chez moi... hummm, je devrais peut-être l'écrire ça...

    Je ne comprend pas le "qui les rendent" ; il doit s'agir d'une faute, mais j'ai beau relire le texte, je ne la trouve pas... tant il est vrai que l'on voit toujours mieux celles des autres que les siennes ;-)

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