31 janvier 2008

Le devoir d'oubli

Qui se souvient du bagagiste de Roissy ?
« Rebondissement spectaculaire dans l’affaire du bagagiste de Roissy arrêté le 28 décembre dernier : Abderazak Besseghir clamait son innocence, il avait raison, il a été victime d’un complot, ou plus exactement d’une sombre histoire de vengeance [...] »
France Inter, 10 janvier 2002, journal de 19h, présenté par Serge Martin.

Difficile pourtant de parler de rebondissement, et plus encore de rebondissement spectaculaire ! Du moins d’un point de vue strictement judiciaire, puisque l’instruction est à charge et à décharge. Le « rebondissement » n’existe qu’en raison du traitement médiatique de cette affaire ; et il n’est « spectaculaire » qu’en raison de son traitement... spectaculaire.

Source : Acrimed

Le "bagagiste de Roissy" c'est monsieur Abderazak Besseghir, monsieur, j'insiste, car quelqu'un qui a été à ce point privé de sa dignité a besoin plus que n'importe qui d'autre de se voir traité avec un minimum de considération. Vous souvenez-vous ? C'est déjà tellement loin (pour nous) mais pourtant si récent (pour lui). 28 décembre 2001. Une dénonciation, une arrestation, le début de l'enfer. Des armes, de l'explosif, la qualification de taliban, la machine médiatique qui s'emballe.

Le 11 septembre est encore tout proche, les décombres du World Trade Center fument toujours, et la chasse aux sorcières ne fait que commencer. Tant pis pour les victimes collatérales, les dommages innocents, les bavures, les incidents regrettables... je ne suis pas au courant du dernier terme à la mode censé remplacer "injustice". Tout cela se révélera au final comme une bien triste affaire de famille, un complot comme on croit qu'il n'en existe que dans les films.

En parlant de film... c'est justement là que le bas blesse. Car non content d'être innocent des crimes dont on l'accuse, monsieur Besseghir refuse avec la dernière énergie de prêter son nom et son histoire à toute une foule de gens, journalistes, éditeurs, producteurs, qui se voient déjà rentabiliser son cauchemar sous une forme ou sous une autre. Il a pourtant dit non à tout le monde, ce qui lui vaut d'être harcelé par un pudique trop curieux journaliste en veste de cuir, un éditeur ému avide, rien que des gens biens intentionnés ne rêvant que d'informer le bon peuple. Et tant pis si ce sont peu ou prou les mêmes qui crièrent haro sur le baudet quelques mois plus tôt.

Rue89 publie aujourd'hui une tribune dans laquelle cet homme réclame, pour lui et pour sa famille, le droit à l'oubli. Ce droit que nous savons tous exercer quand ça nous arrange, vous savez, pour toutes ces vilaines choses du journal qui nous empêcheraient de dormir si on s'en souvenait encore après la météo... Prenez le temps de lire son cri de gueule, son coup du coeur, sa supplication. Et juste après, oubliez le !

4 commentaires:

  1. C'est bien malheureux tout ça... Je regardais hier soir une émission sur l'affaire d'Outreau... Un peu le même engrenage et emballement au niveau judiciaire... Terrible pour les innocents accusés à tort et emprisonnés pour rien...quelques vies de fichues au passage...

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  2. Comme une "suite" à Tilu, je "pointe" ton article dans un § actualité qui va te surprendre ou pas ...

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  3. Il parait qu'elle était assez bien faite cette émission Tilu ; je trouve assez dérangeant que ce soit le même journaliste qui d'un côté harcèle un type qui n'en peut mais, et de l'autre fait des émissions de qualité. Il faut croire que personne n'est tout blanc ou tout noir...

    Olivier, je ne suis pas surpris ;-)

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  4. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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