Les ramasseurs de pommes de terre, 1905
Un fauve s'est installé dans le tranquille musée du Luxembourg, qui ronronne paisiblement dans l'écrin du non moins paisible jardin éponyme, à deux pas de sénateurs qui ne se caractérisent pourtant pas pour leur violence. Mais il s'agit ici de violence picturale, et le fauve en question n'exprime ce caractère que dans ses toiles ; encore l'épithète lui fut-elle accolée dédaigneusement à l'époque. En 1905, au Salon d'automne. Son style rejetant l'académisme -on ne lui fera pas tort en parlant d'anarchisme- avait quand même de quoi dérouter le critique pompier de service.
"Ce que je n’aurais pu faire dans la société qu’en jetant une bombe -ce qui m’aurait conduit à l’échafaud- j’ai tenté de le réaliser dans la peinture, en employant de pures couleurs sortant de leur tube. J’ai satisfait ainsi à ma volonté de détruire, de désobéir, afin de recréer un monde sensible, vivant et libéré."Le rêve secret de Vlaminck, son ambition de peintre ? Rien de moins que figer le présent, capturer d'un seul coup de pinceau la lumière, les couleurs, et surtout les émotions du moment avant qu'elles ne s'envolent. Exprimer du réel les sentiments qu'il recèle par l'usage (l'abus ?) de la couleur.
"Je haussais tous les tons, je transposais dans une orchestration de couleurs pures tous les sentiments qui m’étaient perceptibles. J’étais un barbare tendre et plein de violence."
Car chez Maurice de Vlaminck, ce qui compte, c'est la couleur. Surtout dans les oeuvres de la période présentée dans l'exposition (de 1900 à 1915), époque au début de laquelle le vermillon sort directement du tube pour s'étaler sur la toile, créant d'un tableau à l'autre un festival de rouges et des explosions de jaune, entrecoupées des vaguelettes bleues de la Seine après le passage d'un lourd chaland à vapeur.
Tugboat on the Seine, 1906
Car le Vlaminck des premières années ne s'éloigne guère des bords de Seine. Pour des raisons financières essentiellement, à une époque où ses petits camarades partaient se faire les griffes sous le soleil du Midi. Mais également car son caractère le pousse à se singulariser ; bien que sa trésorerie se soit alors améliorée, il ne passera qu'une semaine à Martigues en 1913, à l'invitation de son ami Derain. Il est avant tout individualiste, têtu, original. Profondément sincère.
Serait-il un affreux anarchiste, un peintre maudit tendance nihiliste, sans dieu ni maître, ne respectant ni école ni modèle ? Même pas. Paul Signac aura pu avoir un rôle dans son inspiration, mais sa première référence restera Vincent van Gogh, dont l'influence se fait sentir dans sa façon de travailler la peinture, dans l'amplitude de certaines déformations où la force d'expression de la couleur compte davantage que la géométrie.
"J’aime mieux van Gogh que mon père!"
En 1907, lors de la rétrospective Cézanne, c'est le choc. Il s'assagit un peu. Les couleurs se font moins vives, les formes des choses font leur apparition dans sa peinture ; le fauvisme s'essoufle, il n'aura pas duré 3 ans. Mais déjà Vlaminck s'intéresse aux arts africains et océaniens et ce, avant Picasso ; frôle le cubisme mais sans l'aborder complétement, dans un souci constant de rester proche du réel.
La Première Guerre mondiale finira d'ancrer en lui ses opinions anarchistes et anti-militaristes, et viendra s'ajouter aux autres influences. Les dernières toiles de l'exposition (qui en compte 70) sont plus sombres, plus mélancoliques, avec des paysages moroses et des ciels annonciateurs d'orage. La suite de l'histoire de cette vie intimement liée aux grandes évolutions artistique de la première moitié du XXème siècle nécessitera sans doute une autre exposition.
Le grand fauve ne se chasse pas facilement.
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Vlaminck au Musée du Luxembourg : du 20 février au 20 juillet 2008
Waouh !
RépondreSupprimer"Tu es pastafariste, tu es récupérable.
Tu es athée, tu es récupérable"
...Coucou , j'arrive de chez Olivier SC.
Dans ton ou (votre) com les mots ci-dessus ont fait tilt !
Très beau "un fauve au Luxembourg, chronique illustrée" RAS..."çà me plaît, haut en couleurs, fort en mots" à bientôt.
L'intelligence et la finesse d'un Sammy au meilleur de sa forme au service d'un fauve ! Que voilà une belle journée !
RépondreSupprimerKiki :-)
Très bien et en pleine forme l'ami Sammy !
RépondreSupprimerCette expo est dans "mon planning", mais pas encore trouvé le temps et l'occasion. :-(
Comme toi j'aime bien les félins et autre fauve, alors ... ;-)
Heureusement, ceux-là ne mordent pas ; je parle des fauves ! Superbe !
RépondreSupprimerQuel voyage!
RépondreSupprimerUne très belle chronique qui se lit sans lunettes spéciales !
RépondreSupprimerBeau papier sur la période fauve de Vlaminck.
RépondreSupprimerMais je crains que, malheureusement, après 1914, il n'y ait plus grand chose à voir, et que l'exposition future que vous souhaitez ne soit bien décevante.
En vérité Michèle, le monde a été créé par un un monstre en spaghettis volant, et il lui est agréable de nous voir habillés en pirates. Voilà pourquoi je ne sors jamais de chez moi sans ma panoplie de Jack Sparrow. Je contribue ainsi à faire cesser le réchauffement climatique. C'est une vérité scientifique, prouvée par les plus hautes autorités. Ou pas. Et si c'est une connerie, elle n'est pas pire que celles proférées par SS B XVI, le scientologue Tom C., divers barbus, Madame Soleil et autres sourciers, joueurs de boules de cristal & Co.
RépondreSupprimerEn un mot : devenez pastafaristes !
Et mangez des pâtes.
Ou alors abandonnez-vous à la contemplation de belles choses, ça aide à oublier le reste. Ce n'est pas dame Kiki de Posuto qui me contredira.
Florence, j'ai d'autres projets de chroniques dans le même style, j'espère qu'elles contribueront à alimenter ton planning, car ce ne sont que des choses grandes et magnifiques !
Olivier, merci de ton passage ; je vais pour une fois emprunter ton costume et me lancer dans le lien récursif ;-) En signalant tout d'abord l'excellent et cultivé blog de Chantal Serrière, que nombre d'entre vous connaissent déjà -merci de votre passage.
Chantal qui a eu la gentillesse de me citer dans cet autre blog, celui de Lunettes rouges, auteur lui aussi d'un article sur Vkaminck, où vous apprendrez d'autres choses que j'ai passé sous silence, doublées d'une analyse plus au fait des choses de l'art que moi. Merci à toi aussi pour ton passage, et pour cette information corroborée par ton billet.
Dominique, de quelles lunettes parles-tu ? Je ne vous pas où est l'allusion, si jamais il y en a une ; il faut dire qu'on est lundi matin...
Ouf, je crois que j'ai répondu à tout le monde, et même un petit peu plus...
J'aime bien la chute !
RépondreSupprimerJ'aime bien la chute !
RépondreSupprimerEh oui Maurice, les grands fauves retombent toujours sur leurs pattes... et plutôt deux fois qu'une !
RépondreSupprimerJe découvre ce blog. Bravo pour ce superbe billet. J'aime beaucoup les Fauves et j'en ai parlé à maintes reprises sur mon musée virtuel (actuellement en jachère)(http://francoisquinqua.skynetblogs.be
RépondreSupprimerMerci pour ce passage fort sympathique ! Il faudra que je fasse un tour plus approfondi chez toi, parce que mon rapide passage ne m'a permis de trouver "tes" fauves !
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