04 juin 2006

Don Almodovar de la Mancha

Dans la Mancha, les patios sont frais, les façades blanches, les rues pavées et on ne se bat plus contre les moulins à vent depuis longtemps. Ils ont d'ailleurs cédé la place aux éoliennes. Non, dans la Mancha d'Almodovar, on se bat contre les fantômes du passé et leurs conséquences dans le présent. Car les fantômes reviennent parfois, sous la forme de souvenirs, voire de façon plus tangible, et on retrouve alors une mère disparue, qui revient pour régler certaines choses une bonne fois pour toutes.

Volver est une histoire de femmes, une histoire d'amour entre mère et fille, entre soeurs ; les deux personnages masculins du film n'ont pas le beau rôle, et d'ailleurs ils sont morts, soit au début de l'histoire, soit bien avant, dans ce passé enfoui que l'on veut oublier mais qui revient.

Car l'histoire, comme souvent chez Almodovar, commence avec un cadavre fort encombrant. Qu'en faire ? Et que dire aux voisines ? Ah, c'est déjà pénible d'avoir un homme dans les pattes mesdames... alors son cadavre, imaginez...

Pour une fois, le scénario n'est pas tortueux, et l'on a pas besoin de se faire expliquer après le film, ni de le voir deux fois pour comprendre (ceux qui ont vu "La mala educacion" savent de quoi je parle) ; l'histoire est moins violente que celle de la mauvaise éducation, c'est une comédie dramatique, on est balancé du rire aux larmes par un style que le réalisateur qualifie lui-même de "naturalisme suréel", et il n'est pas bien difficile de deviner le fin mot de l'intrigue bien avant la dénouement.

Mais ce n'est pas là que réside la force de ce film. Elle est dans l'interpétation magnifique des femmes au coeur de cette histoire et, si Penélope Cruz domine le film par sa présence magnétique -et son décolleté- les autres, toutes les autres sont essentielles à l'histoire, et produisent un remarquable jeu d'actrices. Le jury cannois ne s'y est pas trompé. Il n'y a pas que la soeur, la fille et la mère, il y aussi les voisines, les amies, la vieille tante un peu fêlée, représentant en quelque sorte les femmes à différents âges de la vie, et toutes unies et complices face à l'adversité d'une histoire qui semble se répéter.

L'explication finale, noeud du pourquoi de la disparition et du retour de la mère, (les mots sont ambigus, c'est normal, je ne peux pas en dire plus, allez voir le film !) est d'une grande pudeur, et d'une émotion très maîtrisée, alors qu'il eut été si facile de tomber, au choix, dans le graveleux ou dans l'inutilement larmoyant.

Pedro Almodovar accorde une grande importance à la musique de ses films, et Volver n'est pas en reste. L'interprétation du tango éponyme, par Estrella Morente, me fait dresser les poils des bras à chaque fois.

Guardo escondida una esperenza humilde
que es toda la fortuna de mi corazon


Petit détail à noter, pour les amateurs de clins d'oeil : Almodovar s'est intégré dans son film, à la manière d'Hitchcock ; on voit son fugitif reflet dans une porte vitrée d'un bus, ainsi que celui de la caméra en train de filmer la scène. Je n'ose croire que cela soit dû au hasard des éclairages. Par contre, si quelqu'un pouvait me confirmer la chose... parce que c'est passé vraiment très
vite.

***

Rendons à César...

6 commentaires:

  1. J'étais pas spécialement partant ne connaissant pas tellement l'oeuvre d'Almodovar, mais tu m'as donné envie ! J'essaierai de voir ça prochainement, après les exams tout du moins...

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  2. Rhalala ! tu m'as devancé ! figures toi que c mon projet de ce soir ! Bien décidée que je suis à allée le voir ! Alors c noté : guetter la porte de bus vitrée et le reflet de ce cher Pedro ! ;)
    POur les autres, Almodovar est un cinéaste avec lequel on ne s'ennuie jamais et avec lequel on n'est jamais au bout de ses surprises !!

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  3. C'est un très très bon almodovar ! ceux qui sont restés sur la violence et la crudité de Talons aiguilles ou de Kika, oubliez vos préjugés !! rien de cela dans ce film et beaucoup d'émotion !!
    à Voir absolument ! le film porte d'autant mieux son titre qu'on y "reviendrait" !!

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  4. pour les non-hispanophones, volver signifie revenir...

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  5. C'est vrai que j'aurais pû préciser quand même... mais je comptais sur toi ;-)

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  6. Merci, tu m'as convaincue d'aller le voir, et je n'ai pas été déçue. Par contre je n'ai pas pensé à chercher le reflet d'almodovar dans la porte de bus vitrée...

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