10 mars 2010

Jazzy dans le métro

Avec plus de chance, j'aurais pu écrire cet article hier. Ça aurait été parfait pour la journée des droits de la femme(1). Seulement voilà, je ne suis tombé sur cette ténébreuse affaire que cet après-midi.

De quoi s'agit-il ?  D'une femme nue dans un chariot de supermarché(2), agrémentée de la mention "J'accuse". Le tout étant la couverture du dernier album de Damien Saez, que je découvre d'ailleurs à cette occasion. C'est mon côté jeune et con, sans doute.

Prévue pour être affichée dans les couloirs du métro, afin de promouvoir l'album et le concert du chanteur, elle a été censurée. Enfin, non, ce mot n'est pas dans l'air du temps, ce temps hypocrite et bien pensant dans lequel nous vivons. L'image n'a donc pas été censurée, elle a été refusée par les sociétés d'affichage -vous voyez bien que ce n'est pas pareil.


Voici donc l'image, disons carrément le corps, du délit. Fallait-il cacher ce corps ? Nos âmes pudibondes allaient-elles en être troublées ? Notre belle jeunesse allait-elle être pervertie ? Saez serait-il un nouveau Socrate ?

Mais alors, pourquoi cette image a t-elle été refusée par de vertueux publicitaires (nommons-les, ils le méritent : CBS Outdoor, Clear Channel, Decaux et Mediatransport) effarouchés par tant d'impudicité ?  Car elle est, prenez vos pincettes stériles et ouvrez les guillemets avec précaution "dégradante pour l’image de la femme" et "contraire à la recommandation 'Image de la personne humaine'"

Je vous laisse reprendre votre souffle et on repart.

Je vais vous dire comment j'interprète cette image : c'est une dénonciation -violente pour l'ego du publicitaire moyen- de la marchandisation du corps de la femme. Une évocation par l'exemple de la façon dont on utilise le nu, le sexe, l'érotisme pour vendre tout et n'importe quoi. Surtout n'importe quoi d'ailleurs.


Je plains Saez, victime, après Tati, Malraux et Gainsbourg de la bêtise ambiante. D'autant plus que le droit de riposter lui a également été refusé ; sa deuxième affiche n'a pas eu l'heur de plaire non plus. Même si là, on peut comprendre pourquoi.


Je vous invite à lire sa réponse publiée par Rue89 :
Alors que le vulgaire à outrance et les illégalités font rage sur chaque devanture et dans ces mêmes couloirs de métro, alors que nous vendons nos chairs, à tort et à travers, pour n'importe quel inutile qu'il faudra vendre aux enfants, alors que la femme n'a jamais été autant méprisée dans sa qualité d'être humain autre que celle d'être une chatte béante dans laquelle on refourgue tous les artifices du nouveau monde, voilà que les petits capos voient de l'outrage quand le féminisme est à son expression la plus pure.
Autre réplique cinglante piochée sur le site des Inrocks :
Je n’ai pas la sensation que les couloirs de métro m’aient attendu pour dégrader l’image de la femme. Avec le J’Accuse dessus il n'y avait pas de doute possible. Il s'agissait d'utiliser la pub pour lutter contre la pub.
On ne saurait mieux dire. Il y a même des preuves.

Si vous en voulez encore plus, je vous conseille un petit tour du côté du Pire de la pub.

Ce n'est pas très grave en soi. C'est juste révélateur de l'état d'une société.

La nôtre.

***

Le titre va faire plaisir à Olivier, qui aime bien que l'on parle de Raymond Queneau ;)

(1) Et non pas "Journée de la femme" comme on l'entend un peu partout
(2) Eh oui, 'caddie", c'est une marque déposée

7 commentaires:

  1. C'est pas de leur faute, les publicitaires ils sont un peu basiques, le 2e degré c'est un peu trop haut pour eux...
    (les féministes parfois aussi d'ailleurs... mais ça faut pas le dire... ;()

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  2. Pour ma part, je pense qu'ils n'aiment pas qu'on leur mettent le nez dans leur caca...

    J'aime beaucoup la phrase sur les féministes ! ;)

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  3. Excellent article, excellents liens. Il y aurait tellement à dire sur ce sujet ! Ce qui m'étonne le plus, c'est tout de même le manque de réaction des femmes en général par rapport à l'utilisation de leur image faussée sur des milliers de pubs. Bien sûr tout cela s'est fait très progressivement, insensiblement, mais j'aimerais que les publicitaires soient traînés devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme, une bonne fois, puisque le Droit est la Morale de ceux qui n'en ont pas.

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  4. Me parle pas de l'état de notre société, ni de la femme libérée, elle a jamais été aussi libre d'être étalée comme objet sexuel et le pire c'est qu'elle ne s'en rend presque jamais compte, elle pense même que c'est elle qui décide sans s'apercevoir (ou trop rarement)qu'elle est devenue un produit de consommation comme les autres et un produit qui consomme n'importe quoi pour "améliorer" la plastique de sa propre image pour être mieux à même d'être consommée ! Trop fort, non ? Ce qui m'inquiète c'est que les types s'y mettent.

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  5. Oui, je partage ton avis, j'en ai parlé le 8:
    http://pensecris.blogspot.com/2010/03/damien-saez-feministe-censure.html
    Saez accuse.

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  6. Bonjour à tous !

    Merci d'être d'accord avec moi, j'aime beaucoup que l'on soit d'accord avec moi ! :-)

    Ca flatte mon petit nombril.

    Plus sérieusement, je n'aurais pas dit mieux par-rapport au manque de réaction des femmes, la femme utilisée qui se croit libérée, et le texte de Ink, vers lequel je fais un lien direct, pour la peine !

    Sandrine, ce que tu écris me rappelle ce que j'ai pensé en regardant le très controversé documentaire "Le jeu de la mort", l'autre soir sur France 2 : à l'instar de la femme que l'on dit libérée, et dont l'image n'a jamais été aussi dégradée, on se croit très libres, et rebelles à toute forme d'autorité, et nous n'avons jamais été aussi obéissants et soumis...

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