05 février 2007

La langue de Molière, chronique de l'inspiration

Le précédent étant mort au champ d'honneur, tombé glorieusement la pointe en avant, je projetais depuis un moment de faire l'acquisition d'un stylo plume. J'ai bien tenté de m'accoutumer aux divers erstaz que les papetiers mettent à notre disposition, mais rien à faire, ça ne va pas. Celui-ci écrit trop gros, celui là trop bleu -c'est rédhibitoire- un tel trop lentement et tel autre a su surtout faire preuve de sa capacité à fuir. J'ai donc fait cette importante acquisition un soir à C*rrefour. Pour tout dire, j'en ai acheté deux, ne pouvant me résigner à choisir entre ces exemplaires au semblable mérite. Quelle folie. Le premier fait six euros, c'est l'exemplaire de luxe, il reste à la maison. Le second n'en coûte que cinq et se satisfait très bien de voir du pays en voyageant dans mes poches.

Celui qui voyage est en plastique bleu et transparent. Moderne, dynamique, original. Son tracé fin est appelé aux choses les plus grandes. Les mémoires, les comptes-rendus. Voire les feuilles de congés. Il transcrit la parole du chef. C'est dire qu'il a su se rendre indispensable. Je prends des notes rapides et aériennes, soulignant d'un trait vif les points à retenir et entourant d'un large cercle les choses à faire tout de suite. Pour les affaires les plus pressantes, le cercle se multiplie en autant d'épaisseurs qu'il y a de retard accumulé. C'est magnifique.

La plume maison, au corps métallique et froid, sert au griffonnage, brouillonage et autres listes de choses à faire. Dois-je l'avouer ? Il a comme un air de souvenir d'enfance. Mon tout premier ressemblait fort à celui-ci, peut-être même était-il plus beau. Il dû lui aussi tristement finir, au terme d'une servitude scolaire de plusieurs années. Car mes histoires avec les stylos plumes sont des amours contrariées. Pourtant, je ne suis pas comme l'impétueux Jean-Baptiste Poquelin en proie à une crise d'inspiration, jetant rageusement sa plume sur le bureau. Il faut dire que c'était une plume d'oie et que le côté archaïque de l'outil faisait aussi sa solidité.

C'est plus ou moins avec cette scène que le film du même nom débute vraiment. Non, il ne s'intitule pas Jean-Baptiste Poquelin, mais Molière, tout simplement. Pourquoi Molière au juste ? Parce que "la langue de Poquelin" ça sonnait mal.



Ce n'est pas "la vie de Molière", ce serait plutôt "un mois dans la vie de Molière" Ou comment, après avoir été jeté en prison pour dettes, il disparait pendant plus d'un mois, au terme duquel il entrainera sa troupe en tournée pendant 13 années à travers le royaume. C'est authentique. Aujourd'hui encore ses biographes ignorent ce qu'il a bien pu bricoler pendant l'intervalle entre la sortie de prison et le départ en tournée. C'est cela que le film imagine, ce qu'il s'est passé, et c'est tout simplement génial. L'histoire, que je ne vous raconterai pas, c'est du Molière, avec des intrigues comme chez Molière : le bourgeois enrichi qui se voudrait gentilhomme, la comtesse méprisante, les servantes et les amours contrariées. Pas avec des stylos et des plumes cette fois. Non, c'est du Molière vous dis-je ! Mais entre de beaux jeunes gens confrontés à l'autorité paternelle.

Ce serait de ces instants décisifs que Molière aurait tiré la matière de toute son oeuvre future. Elle ne serait qu'une forme de transposition de cette aventure. Ou comment l'auteur utilise son vécu pour créer son oeuvre... L'ensemble comporte donc de vrais morceaux de Molière ! On retrouve quelques uns de ses futurs personnages, et quelques phrases lancées dans le feu de l'action deviendront ses répliques les plus célèbres, Le petit chat est mort, Belle marquise mourir vos beaux yeux d'amour me font, Cachez ce sein... et autres Qu'allait-il faire dans cette galère. C'est vraiment très drôle, très fin, on rit tant des clins d'oeil que de l'histoire elle-même, portée par un Romain Duris brillant. Ce type est formidable ; je ne sais pas si vous aviez vu "De battre mon coeur s'est arrêté", où il était déjà très bon, mais je me suis rendu compte que je ne le reconnaissais pas. Autant Luchini fait du Luchini (pardon Céline), mais du bon Luchini quand même ! autant lui devient véritablement Molière. D'ailleurs, il mérite un César rien que pour la scène où il fait le cheval. Je ne vous en dit pas davantage, je vous laisse découvrir...

Pour en savoir plus, vous devez maintenant aller le voir... Et plus vite que ça encore ! Hors d'ici tout à l'heure, et qu'on ne réplique point...

14 commentaires:

  1. "Ou comment l'auteur utilise son vécu pour créer son oeuvre..."
    Il a copié sur toi alors?
    Ah!Non? Il a vécu avant toi?
    Ben alors, c'est que les grands esprits se rencontrent.

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  2. Ah mais maintenant je vais exiger non plus des mails, ms des longues lettres écrites à la plume ^^ (non je déconne hein, les délais de la poste.... :-))

    Sinon j'y suis allée tout à l'heure au ciné pour voir ce film. Arrivées au ciné, on s'est retrouvées noyées dans une marée d'ados... Venus avec leur college... voir "Molière" évidemment ^^
    Enfin on a pas pu partager leur joyeux bordel, le film passait dans une salle non accessible... :-(

    Retour tristoune, mais qui m'a permis de choper un passage sur le net de mon binôme, réfugié dans un cybercafé, oufff tout est bien qui finit bien ^^

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  3. contrairement à ce qu'on pourrait penser, une plume d'oie ,c'est pas trés solide non plus.....la pointe s'use assez vite........le seul avantage c'est que tu peux la retailler .....comme un crayon et ça t'en fait une toute neuve :-).... t'as pas essayé de retailler ton sytlo encre, le vieux , çui qui marchait plus? Peut-être que ça peut le faire......
    " les bons outils aux bons ouvriers"......mais "c'est à l'oeuvre qu'on connait l'ouvrier".....donc même avec un bic de base ........ça devrait être bien.......

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  4. Salut les filles !

    Orion : C'est très exagéré de croire que Molière sera un jour aussi connu que moi :-p

    Céline : Il y a la question des délais, mais il y a surtout le problème d'arriver à me lire... D'un autre côté ça fait durer le plaisir ^^

    Ils sont nazes les cinoches vers chez toi !!! C'est pas si bien que ça Nancy finalement :-( Mouais... je sais, ça doit être partout comme ça...

    Tilu : ben les vieux stylos ont tous plus ou moins finis complétement tordus... ce n'est pas d'un tailleur qu'ils auraient eu besoin, mais d'un redresseur... d'un redresseur de tors en quelque sorte !

    Je ne suis pas contre le bic, mais faut appuyer et ça me fatigue :-p D'un autre côté, ça dépend de ce que tu écris ; c'est dur à expliquer mais certains textes ont peut-être besoin d'être appuyés sur le papier, il y a quelque chose à faire sortir. C'est pas clair mais je me comprends. C'est déjà ça.

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  5. Toujours aussi génial, Sammy. Quelle plume!

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  6. Merci !
    ...je n'ai pas compris le jeu du premier coup ! Vivement le week-end ^^

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  7. le jeu DE MOTS !!! ben décidemment !

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  8. Mais j'y pense (brutalement) et si pendant ce mois Molière avait retrouvé Agatha Christie (elle aussi disparition mystérieuse) ? S'ils avaient, à quelques centaines d'années d'intervalle, été enlevés par des êtres INCONNUS....et....venus d'AILLEURS...(musique). On voudrait nous envahir (par le langage) qu'on ne s'y prendrait pas autrement. Et VOUS, SAMMY ? Votre plume est alerte, votre verbe est haut....Un trou dans votre emploi du temps ? Qui êtes-vous réellement ? Que voulez-vous ? (fin du générique).

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  9. Yeeaahh ! du Sammy en pleine forme !!! ;-)

    BiSe

    PS : j'ai tardé à répondre, parce que c'est tellement bien qu'il n'y a rien à y redire ! lol Sans commentaires !

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  10. L'est un peu naze mon ciné oui, mais sinon il est cool quand même hein.
    Sauf que là je pense qu'il m'en veut. Outre Molière, j'irais bien voir Odette Toulemonde. Ben je suis allée voir le programme pour la semaine qui commence, TOUS les films passent au moins une fois ds une des salles accessibles... Enfin sauf ces deux là bien sûr ^^
    J'oserai même pas demander pour la môme...

    J'aime bien raconter ma vie, pardon.
    Tu crois que je devrais avoir un blog ? ^^

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  11. Ben voilà ! Il me fallait une critique objective pour aller le voir... Merci Sammy

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  12. Mais qui est vraiment Sammy ? Très peu de personnes connaissent la vérité Posuto. A vrai dire, il y a ceux qui l'ont toujours su, et ceux qui l'on découvert après de longues recherches... et que j'ai dû éliminer, bien sûr.
    Noooon, revenez, j'déconnais !

    Bah non Delph, si jamais tu vois le film, tu constateras qu'il y a un tas de trucs que j'ai oublié de dire ! J'y pensais tout à l'heure en plus : Molière dans ce film, c'est comme le Spchountz de Pagnol : il veut jouer des rôles dramatiques et se fait une très heute idée du théatre, alors qu'en fait il est né pour faire rire, mais trouve cela trop bas pour son art. A un moment il dit qu'un théatre qui serait drôle tout en explorant l'âme humaine, ça n'existe pas... Et on lui répond qu'il n'a qu'à l'inventer...

    Tu as raison Céline, il doit avoir un truc contre toi ! Tu sais quoi ? Tu devrais ouvrir un blog pour râler contre ce type d'injustice. Mais il faudrait pouvoir râler avec humour. Tu crois que tu sauras faire ? ;-)

    J'attends ton compte rendu Marsiho ;-)

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  13. Mme PH me disait hier que ce film fait partie de ceux qu'elle désire voir !!! Tient voilà une idée pour cette semaine si nos petites villes le programme encore...

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  14. J'espère pour vous que vous pourrez le voir ! Il en vaut la peine ! :-)

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