15 décembre 2011

Réunion tirée par les cheveux

C'est une réunion comme tant d'autres. Vous arrivez en retard, mais ce n'est pas grave, la réunion n'a pas commencée. Un collègue "qui s'y connait" est venu d'un bureau voisin pour donner un coup de main à la mise en route du dispositif de visioconférence. D'ailleurs il s'en va déjà, en prodiguant au passage quelques conseils d'utilisation qui ne seront pas écoutés, les trois minutes suivantes s'émaillant de "faites passer le micro", et autres "attendez, je tourne la caméra" auxquels répondent invariablement les "non, non, on vous entend très bien, c'est bon", l'ensemble apportant un souffle de distraction bienvenue dans une ambiance d'emblée morose.

Un responsable se lance dans une longue introduction lénifiante. D'un coup, il vous semble que vous êtes là depuis plusieurs heures. Un bref désespoir vous envahit à la pensée que cela ne fait que commencer. Vous lui trouvez de vagues airs de Rocard, mais un Rocard qui aurait appris l'élocution, ce qui n'enlève cependant rien au pouvoir soporifique de sa voix. Des mots surnagent au milieu de cette mélopée incantatoire : services, décret, périmètre, plan d'actions, principes directeurs...

Vous reportez votre attention défaillante sur l'auditoire, observant leurs attitudes en tentant d'en déduire leur niveau d'attention.  Il y a ceux qui grattent des kilomètres, pour ne pas perdre une miette du pontifiant discours - à moins que ce ne soit pour se donner une contenance. Il y a ceux qui fixent ardemment un point de mur ou de plafond comme si les mots de l'augure en cravate allaient s'y afficher par magie. Il y a enfin ceux qui, menton dans la main et sourcils froncés, prennent l'air concentré et pénétré de celui qui n'y comprend goutte mais ne veut pas que ça se sache. Vous voilà fixé : sur la vingtaine de personnes présentes, quatre ou cinq, tout au plus, participent vraiment à la discussion, les autres se contentant de meubler leur ennui.

Ainsi rassuré sur la marche normale des choses, vous vous mettez à divaguer sur la composition de l'assistance. Les personnes qui la composent, la façon dont elles sont habillées, leurs fautes de goût. Le type aux cheveux longs par exemple. C'est remarquable de s'entêter ainsi dans son erreur. Il a bien du se trouver, un jour, quelqu'un de charitable pour lui dire que ça ne lui allait pas du tout. Vous envisagez deux hypothèses pour justifier son look désastreux : soit il les garde tels parce que il trouve ça beau, soit il refuse de s'en départir au vu du temps qu'il a mis pour obtenir cette longueur. Vous décidez aussitôt de l’appeler Antoine.


Vous vous avisez aussitôt que ça ne va pas beaucoup mieux du côté des femmes. Vous n'aviez jamais vu un tel rassemblement de victimes de cette teinte auburn à la mode depuis quelques années, capable de donner un air vulgaire aux plus jolies filles : pas moins de six des femmes présentes à cette réunion arborent cette teinte, à différents degrés, du léger reflet setter irlandais, jusqu'au roux éclatant à la Bree Van de Kampf ; les 4 autres ont une teinture blonde, avec les racines noires bien visibles. C'est le règne du factice et de la duplicité : personne n'est ce qu'il semble être, tout le monde se camoufle, personne n'écoute.

Heureusement, la chose touche à sa fin. Tout le monde se lève fort satisfait, qui de sa prestation, qui de pouvoir enfin bouger. Le maître de cérémonie est déjà partie depuis un moment, ses responsabilités l'appelant ailleurs. Il vous semble vous souvenir en vous levant à votre tour qu'il était chauve, ce qui n'est pas le moindre des atouts pour couper les cheveux en quatre.

8 commentaires:

  1. Alors pour les cheveux longs y'a quand même la crise qu'on nous sort à toutes les sauces, c'est que c'est cher monsieur le coiffeur :-D
    Et pour les cheveux, je me souviens d'un jour sortant de chez le coiffeur, je me passé la tête sous l'eau (yeap, la laque, c'est point mon truc) et oh vision d'horreur mon léger reflet auburn qui parait-il s'accorderait à merveille avec mon teint et mes yeux c'était transformé en blond pire-oxydé ! Ce que c'est de confier sa capillarité à un professionnel, je te jure ! Je ne suis plus jamais allée chez le coiffeur depuis ! Rancunière ? Non j'ai bonne mémoire, et puis mon porte monnaie avait eu alors une sacrée saignée, le pauvre ! Une fois l'an, je me dis que je ferais bien d'aller chez le coiffeur et je prends rendez-vous chez le dentiste !
    Dis, tu crois que tu aurais vu tout ça en me regardant la tignasse ?
    En fait, tu me parais tout à fait mûr pour l'écriture ;-)

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  2. Merci !

    Mais je dois dire que la réunnionite et la capilliculture sont deux de mes sujets de prédilection, la preuve :
    - Chronique de l'humain assis
    - Chronique des pierres et des ciseaux
    Oui, un peu d'auto-promo ne fait jamais de mal :)
    -

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  3. J'allais dire, ça me rappelle un de tes anciens post.... j'ai bonne mémoire au vu de tes liens.. :))
    et en lisant mon com d'alors, je me dis que je t'ai surement croisé depuis... Dijon est petite et j'y suis régulièrement depuis ... pas longtemps mais souvent dans la rue à shooter la foule... dans ces cas il m'arrive de t'y chercher... :-)) l'homme au chapeau... mais en portes tu encore?? ....

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    1. C'est marrant comme cette histoire de chapeau t'a marquée :)
      Des fois je le porte, des fois non... ça dépend de la saison, de la météo, du reste de ma tenue... avec une parka, je mettrais plus volontiers un bonnet ! Bref, rien n'est simple ! :D

      Et les gens de la foule que tu shootes ne disent rien ?

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    2. ça dépend lesquels.... :-).... en principe ils ne savent pas que c'est eux en particulier que je shoote... J'espère bien qu'un jour ,si c'est toi que j'ai au bout de mon objo tu ne me gronderas pas trop fort... :-S....

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    3. Je suis généralement assez placide, et de toute façon sans doute trop distrait pour me rendre compte qu'on est en train de me photographier ! :p

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  4. Ah, ces réunions soporifiques inutiles, au cours desquelles nous n'avons d'autres choix que rêvasser, se plonger dans ses pensées, ou examiner les autres...

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  5. Ou, et c'est plus souvent le cas, faire un autre travail histoire de n'avoir pas complétement perdu son temps...

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