09 septembre 2006

Concert de rentrée à Dijon

La lune luit faiblement au-dessus de l'église Saint-Michel, tout au bout de la perspective tronquée de la rue de la Liberté. Quelques 300 personnes patientent devant l'estrade aux couleurs de France bleu Bourgogne disposée dans l'arc de cercle de la place. Je suis en avance, ayant pour une fois pris le chemin le plus logique, c'est à dire le plus court. Je me promène parmi la foule, fais le tour des installations, observe avec angoisse la structure métallique de la scène -ça tient bien au moins ?- et m'interroge quant à la signification des tentes dressées dans la cour de la mairie, avant de comprendre qu'elles abritent les premiers secours, sécurité civile et autres brancardiers parés à ramasser les blessés, les malaisés et les morts, le cas échéant.

Je dis malaisés si j'ai envie. Non mais sans blagues.

En attendant le début du concert, je me dirige mollement du côté du théatre, où semble régner quelque agitation. Un général d'Empire accueille le public. Ah bon. Qu'est-ce donc que ceci ? Me mêlant à la foule, j'entre dans le hall où une douzaine de sapeurs barbus, ventrus et anachroniques font une haie d'honneur au pied de l'escalier. Abordant sans vergogne une dame qui, ça se voyait à sa tête, sait, je m'enquis de l'événement qui a lieu ici ce soir.


- Elle, étonnée de mon ignorance : ben c'est un concert, avec la garde impériale
- Moi, indifférent : ah bon
- Elle, s'illuminant, visiblement ça a l'air important : ça vous intéresse ?
- Moi : euh... pas vraiment, non
- Elle, sincérement déçue : oh, c'est dommage, vous avez tort
Laissant là les sectateurs de la grande Armée et du boucher d'Iéna, avec les uniformes, les cuivres, la fanfare, les aigles et le petit chapeau, bref le souffle de l'épopée, je sors et repars vers la place de la Libération. La musique militaire, c'est pas mon truc. D'ailleurs, il est doit être l'heure je pense.

La lune se cache derrière l'extrêmité est des façades de la place, l'animateur ouvre la soirée par le speech de circonstance. Nous nous rapprochons instinctivement de la scène. Trois groupes vont se succéder ce soir : L'odeur des gens, Dorothée Daniel et Iltika. La lune joue à cache cache le long des toits, le concert commence.

L'odeur des gens est un groupe très sympa, avec des chansons à texte -je veux dire qu'elles semblent raconter quelque chose- et un accompagnement accoustique : guitares, percussions. Les trois voix s'accordent bien, les mélodies sont entraînantes ; par contre, ne comptez pas trop sur moi pour vous rapporter les paroles... je ne comprend jamais rien en live (musique trop forte...) et encore, par-rapport au groupe suivant, j'ai compris l'idée dominante de la plupart des chansons. L'amour, l'amitié, la route, et une belle chanson sur le Cambodge, martyrisé par les khmers rouges.


La nuit est maintenant complétement tombée, le froid commence à se faire sentir. La lune sort d'une cheminée, les techniciens s'affairent pour débarasser la scène et installer le matériel du groupe suivant. Un piano de concert surgit de nul part, une batterie est montée à l'extrêmité opposée (côté jardin, si vous voulez, mais on est pas au théatre) et l'animateur de France bleu meuble tant bien que mal le vide imposé. Un ban bourguignon est organisé, je vous expliquerai la chose dans une prochaine chronique.

Les gens autour de moi vont et viennent, se reconnaissent, chahutent et crient. La brise de la nuit m'amène des odeurs mêlées de chewing-gum à la fraise, de sueur, de bière, de vin blanc et d'herbes de Provence à fumer. Quelques pusillanimes se limitent tout de même au tabac.

La lune est coupée en deux par une antenne, Dorothée Daniel et ses instrumentistes entrent enfin en scène. Les chansons, qu'elle interprete d'une voix flutée et cristalline, sont accompagnées au piano et au synthétiseur, que viennent souligner la batterie et une contrebasse. La chanteuse est assez jolie, du coup je m'approche un peu plus de la scène pour mieux voir pour mieux entendre.


Elle chante avec aisance, en s'accompagnant de mouvements de la main droite, absorbée dans son texte. Je n'ai pas compris grand chose aux paroles. Il parait que ça parlait d'amour. Ne voyez là aucune ironie... c'est juste sa voix qui est trop haute et la foule trop bavarde. J'achéterai peut-être le CD, parce que j'ai quand même ressenti quelque chose. J'aurais presque envie de dire qu'elle se rapproche de Pauline Croze, si je ne craignais d'être injuste ; en matière musicale, les comparaisons ne sont pas toujours les compliments que l'on voulait faire. Je pense qu'elle fera parler d'elle d'ici peu.

Il fait désormais assez froid. La vinasse coule à flot. Un ado boit du blanc à même le goulot d'une bouteille dont le bouchon a été enfoncé à l'intérieur. Quelle pitié. Un tel manque de goût me fait hausser les sourcils. Il flotte à la surface du liquide comme celui-ci se renverse pour avaler une grande gorgée. De plus, cette attitude démontre un manque d'esprit pratique affligeant : il est toujours utile d'avoir un bouchon sous la main. Un vrai alcoolique bourguignon doit pouvoir faire face à toutes les situations.

L'animateur fait à nouveau ce qu'il peut pour meubler, mais cette fois, l'attente sera un peu plus longue. Je ne sais pas quoi, mais il y a quelque chose qui ne marche pas. La lune elle-même s'est arrêtée dans sa course pour regarder les technos s'agiter en tout sens. Il nous apprend tout de même que nous sommes 7332 sur la place. Rugissement de la foule. Je me demande comment l'on a procédé pour obtenir un chiffre aussi précis. Mystères de la technique. Sans doute un assistant à l'oeil perçant a-t-il compté toutes les têtes de ce troupeau humain piétinant dans la semi-obscurité. Sans doute aura t-il trouvé le recoin où se cachait Hubert Félix-Thiéfaine qui était, parait-il, présent.


Iltika entre enfin en scène. C'est le groupe le plus original de la soirée. Il mélange du rap et des instruments que l'on a pas l'habitude de lui voir associés. Les textes de Sidi s'accompagnent au violon et à la contrebasse, à la guitare et au luth. Sidi est sur son banc, et déroule ses textes autour de celui-ci, où se produisent des rencontres, des rêves, des tranches de vie.
iltika, porte-voix de tranches de vies, de rencontres routinières ou incongrues.
Les histoires de bancs deviennent l'écho de nos existences ...
(extrait du site)
Je suis ravi d'entendre du rap tel que je le conçois : poétique. Pas ce mélange de rebellion simulée et de haine attisée ou certains se complaisent. La mise en scène est peut-être un peu tape à l'oeil, mais donne de belles images. Le photographe en coulisses a dû se régaler. Le violoniste, se tient en recul, au milieu de la fumée artificielle, juste sous le faisceau strié d'un spot ; vêtu de noir des pieds à la tête, qu'orne un chapeau de la même teinte, il semble irréel.

Le vin blanc -mêlé aux herbes de Provence ?- fait des ravages. La petite bande à côté de moi s'agite bruyamment, les skaters décorés de piercings s'envolent sur les mains de la foule, retombant parfois plus ou moins gracieusement.

Cette partie m'a semblée trop courte. C'est vrai que pas mal de temps avait été perdu en péripéties techniques. L'ambiance entre slam et rap, entre le bled et le quartier des Grésilles (je précise pour les moins dijonnais d'entre vous que c'est un peu notre "zone" à nous, même si il ne faut rien dramatiser. Il suffit juste de marcher vite) me plaisait bien.

Bonne participation du public. Non, ce n'est pas juste à cause du froid. Le charisme déclamatoire de Sidi devait aussi y être pour quelque chose. Et j'ai failli tout comprendre. Seuls les cris perçants de mes voisins alcoolisés me l'ont interdit.


Le concert est terminé, je rentre en heurtant du pied bouteilles vides et verres en plastique. La lune a disparu derrière la scène. C'est un détail sans intérêt.

Salaam.

15 commentaires:

  1. Mais ça bouge drôlement à Dijon. Quelle activité culturelle! Au sud, avant fin septembre, pas grand chose à déclarer. Faut dire qu'il fait tellement chaud, même le soir ...
    Bonne reprise!

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  2. Merci !
    Il faut dire que je m'efforce de trouver l'événement, afin d'éviter la croûtonnisation... c'est que ça peut prendre jeune si l'on n'y prend garde.
    Si tout se passe bien, le prochain compte-rendu culturel sera sur les incontournables journées du Patrimoine X) Je ne sais pas ce que je verrais de plus que l'an dernier, mais ça fait toujours de la matière à écrire.

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  3. Quelques lueurs d'espoir, dans la photo finale :
    - certains ont été raisonnables : toutes les cannettes de bière ne sont pas vides
    - un gourmet semble avoir utilisé un gobelet pour déguster la bouteille de Saint-Véran (malheureusement, il est estampillé Kro...)
    - pluralité des goûts : on peut penser que la diversité des bières consommées (2 marques différentes sur un échantillon de 8 bouteilles ) relève d'une réelle volonté de comparer les saveurs
    Une dernière remarque, pour la route : on constate qu'aucune capsule de bière n'a été enfoncée dans la bouteille par un buveur imprévoyant... les vignerons devraient y réfléchir et commencer à adopter les capsules à vis ;-)

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  4. @ christelle : eh oui, il semblerait bien que certains djeuns (et moins djeuns parfois) ne vont aux concerts ni pour ni pour l'ambiance feutrée, ni pour faire dans le raisonnable, et qu'ils ont une vision de l'alcoolisation qui n'a rien à voir avec l'oenologie ;)

    Sinon Sammy, on dirait bien que tu es maudit de la fanfare militaire ! Ou alors Dijon cherche a obtenir le diplôme de la première ville de France pour la musique en uniforme ? Ou alors je sors trop peu pour constater que chez moi aussi les choeurs de la marine ou les cuivres du revival impérial jouent aussi à deux pas de chez moi...
    Pour le sondage, je n'ai pas encore répondu. Très bonne idée marketing le sondage, héhé. Comme il n'y a pas de lien direct vers les papiers et que le mois correspondant n'est pas indiqué, les votants potentiels doivent parcourir des pans entiers du blog pour relire les articles en question. Petit malin ! Ca m'a fait retomber par hasard sur l'article des inventions inutiles. Je crois que je vais voter pour ça dans la catégorie "Autre".

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  5. @ Christelle : et les fabricants de tire-bouchons hein ? Tu as pensé à eux ?
    Très belle analyse de la photo ; je suis forcé d'admettre que voilà des détails qui m'avaient échappés...

    @Eldaura : Mais ces gens là sont partout ! C'est vrai que tu devrais sortir de chez toi plus souvent, afin d'écouter un de ces concerts riches de cuivres etc.

    Ben tiens, j'espère bien doper mes statistiques à coup de sondages. La comm c'est un métier ^^ Petit truc pour t'éviter de tout relire : il y a une fonction "rechercher" sur le post-it ; j'ai testé, ça marche bien.

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  6. tu préfères les choeurs de l'Armée Rouge ?

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  7. Pour info je n'arrive pas à publier de commentaire en utilisant mon identité Blogger... Ce n'est pas la première fois.

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  8. Bonjour "Anonymous", tu aurais au moins pu signer ou mettre l'adresse de ton blog, que j'aille te rendre une petite visite ! ;-)

    Je connais ce problème, ça me l'a fait sur d'autres blog où je voulais laisser un commentaire. Je pense que ça vient d'une incompatibilité entre l'ancienne version et la version beta ; espérons que ça rentrera vite dans l'ordre.

    La solution est toute simple : Rédiges ton commentaire en choisissant "Autre/Other" plutôt que "Blogger" : tu pourras ainsi mettre ton pseudo et l'url de ton site.

    Voili voilou, à bientôt !

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  9. salut c flo d'iltika (basse)
    cimer c cool il est marrant ton blog, bonne continuation...
    Va jeter un oeil à http://frichart.skyblog.com jpense ça peut t'interesser lol
    A bientot (ya mon msn sur le blog...)

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  10. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  11. Salut Flo ! Je suis vraiment flatté que tu ais apprécié mon petit compte-rendu totalement subjectif !

    Je viens d'aller voir le blog de Frich'art, j'ai juste regardé en diagonale pour le moment, parce qu'il 19h30 et j'ai faim :-p

    J'ai eu un peu de mal à trouver ton msn, mais j'y suis finalement arrivé... A un de ces jours donc.

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  12. " Sans doute un assistant à l'oeil perçant a-t-il compté toutes les têtes de ce troupeau humain "
    Mais non, ce n'est pas comme ça qu'ils procèdent, en fait ils comptent les pieds et divisent par deux! C'est pour ça que des fois il y a des erreurs,ça dépend du nombre d'unijambistes!

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  13. Bon sang mais c'est bien sûr ! Tout s'explique ! Ils comptent les pieds sur leurs doigts ! Finalement, ce sont des poètes...

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  14. et les romanées alors on en parle pas?????

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  15. Bonjour ami qui voyage dans le temps !

    Ce texte fait référence au concert de rentrée de 2006, et à donc été écrit il y a presque deux ans. Cela dit, je ne saurais dire quoi que ce soit à propos des Romanée Counteez, nous sommes partis nous coucher avant...

    J'écoute néanmoins leur musique en écrivant cette réponse, et je dois dire que j'aime beaucoup.

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