09 juillet 2007

Chronique pluvieuse et intriguée de l'art contemporain, pour ne pas dire moderne

Il fait gris, la pluie tombe en rafales désordonnées, nous sommes approximativement en été. Il faisait exactement le même temps lorsque nous avons découvert le musée Pompidou, ce qui était tout à fait indiqué pour les visites. Favorise t-il également la création artistique ? Je soupçonne les artistes d'être capables de créer par tous les temps. Encore la pluie de juillet n'est elle pas si désagréable. Sortez, levez la tête, souriez, et laissez-la vous caresser le visage. Vous pourrez constater que c'est une vraie pluie estivale, presque tiède, tout à fait bienvenue, rafraîchissante et pour tout dire divertissante - oui, je sais, on a les consolations qu'on peut. En fait, ce qui compte, c'est le concept d'été, l'idée de soleil, l'envie de vacances.


Il en va de même dans l'art contemporain -pour ne pas dire moderne- où c'est le concept qui prime. L'idée qui préside à la création qui fait tout l'intérêt de l'objet exposé. L'artiste contemporain, voire franchement moderne, doit sentir le vent conceptuel souffler dans son atelier (c'est plus facile en laissant les fenêtres ouvertes) et les idées audacieuses tomber en pluie fines sur son travail. Qu'importent l'apparence finale, le choix des matériaux ou du support, l'essentiel est d'avoir l'Idée. Et de s'y tenir. Comme celle de cette installation constituée d'une planchette de bois et de tessons de bouteilles, où les morceaux étaient agrémentés d'étiquettes descriptives du style (la chose était en anglais) "on dirait que c'est le désert", "ce serait un char", l'ensemble devant s'appeler Bataille dans le désert ou quelque chose d'approchant. L'idée étant de simuler un jeu d'enfant (encore qu'il soit dangereux de les laisser jouer avec des morceaux de verre, mais les gens éduquent leurs enfants comme ils veulent), ou bien de rentabiliser deux bouteilles cassées.


Le Centre Pompidou regorge de concepts de cet ordre, tous plus grands et magnifiques les uns que les autres. Des provocations de Duchamp jusqu'aux travaux sur la couleur de vieux messieurs très dignes, qui en sont venus (au bout de vingt ans de recherches) à ne plus peindre que des toiles carrées entièrement blanches, en passant par des choses indéfinissables faites d'objets divers agglomérés entre eux, de chaînes, de guenilles usées et d'une manivelle pour faire bouger l'ensemble avec un bruit strident. Mais il est interdit de toucher. Ou bien encore des mobiles constitués de câbles électriques, de projecteurs et de néons qui ne dépareraient pas au-dessus du bar d'une boîte de nuit. Tout cela pend du plafond, on manque de rentrer dedans à un détour de couloir, ça brille, ça tourne en grinçant, un marchand d'épouvantails n'en voudrait pas. Ce qui n'empêche pas d'éprouver un sentiment d'intérêt curieux devant la chose. C'est déjà pas mal, et c'est sûrement fait pour ça.

On peut aussi s'interroger des heures devant un tas de cailloux ornés d'une plaque d'égout en équilibre, des kilomètres des gants de vaisselle rouges attachés les uns aux autres, une mariée qui semble prête à épouser l'étrange Mr. Jack de Tim Burton, et toute une foule d'inventions du même acabit, délirant assemblage de bric, de broc, et de fonds de grenier. Mais on peut aussi admirer quelques oeuvres majeures,dont la beauté simple et épurée fait oublier avec bonheur les délires qu'une prochaine génération de conservateurs entassera dans les réserves en méprisant avec hauteur ses prédécesseurs si peu avisés. Le mauvais goût est toujours le fait des anciens.


Vers 19h, la fatigue commençait à se faire sentir. J'ai faim, j'ai mal aux pieds, je suis saturé de formes et de couleurs, je ne jette plus qu'un vague regard sur des tableaux, des sculptures et des installations qui ne m'évoquent plus grand chose. Et j'arrive dans la salle consacrée à Henri Matisse. Et c'est le drame. La prise de conscience de ne pas être grand chose devant tant de talent. Comment fait-il pour ainsi suggérer avec si peu ? J'ai ressenti à peu près la même chose devant certains dessins de Picasso que nous verrons deux jours plus tard à Montmartre, à l'espace Dali (qui leur consacrait une exposition temporaire) Pas des Picasso cubistes, du genre de ceux qu'il a fait en collaboration avec Braque. Il y en a quelques uns à Beaubourg, et j'avoue que je n'y comprend rien, c'est un fouillis de formes géométriques entassées, et ça s'appelle tantôt "guitare sur une table" tantôt "paysage de dunes" ou bien encore "joueurs de flûte sur la plage" et on se demande si par hasard quelqu'un n'aurait pas inversé les étiquettes. Non, je parle des dessins où il arrive à suggérer, en seulement quelques traits, des danseurs, un taureau, un paysage. De ceux que l'on admire pendant de longues minutes en se demandant "Mais comment ça tient ?"


Un peu comme cette oeuvre majeure de Brancusi. Ce n'est pas "juste une tête", c'est l'aboutissement d'un vrai travail pour obtenir une forme aussi parfaite. C'est lisse, ça n'accroche pas le regard, qui glisse sur cette courbe dorée en un mouvement sans fin. C'est sensuel. C'est beau. C'est une goutte non pas de bronze, mais de vie.


Dubuffet aussi, fixe la vie à sa manière. Avec du goudron et des graviers. C'est expressif à l'extrême, criant de vérité. Et l'affiche de l'exposition d'époque, présentée dans une vitrine non loin des tableaux, prévenait les spectateurs et les "victimes" ainsi portraitisées : ils sont " Plus beaux qu'ils ne le croient". Et ça me plait tellement que j'en avais fait une sorte de bande-annonce pour ces trois chroniques parisiennes.


Il serait plaisant de terminer sur cette image, mais il faut encore que je dise un mot sur l'espace Dali évoqué plus haut. Dali crée de toutes les façons possibles, par tous les temps et dans une folie joyeuse et torturée. En peignant avec ses moustaches. En balançant des choses par sa fenêtre de Montmartre puis en descendant voir ce que ça donne. En traduisant en tableaux ses rêves les plus horriblement érotiques et ses fantasmes les plus érotiquement horrifiques (à lire avec l'accent). En illustrant de ses visions quelques grandes oeuvres de la littérature mondiale (Don Quichotte...) En se proclamant roi des surréalistes. En conjurant par l'art la peur de la mort.


Ainsi en va t-il de ses fameuses montres molles. Apparaissant dans un tableau des années 30, intitulé Persistance de la mémoire elles se déclinent dans les années 70 en trois sculptures autour de ce thème du temps "mou", manière de signifier que tout le monde ne le perçoit pas de la même manière, qu'il ne s'écoule pas pour tout le monde de la même façon, et que notre naïve ambition de vouloir le "fixer" en le subdivisant en heures, en minutes, en inutiles secondes, est bien dérisoire. L'idée de départ était assez pessimiste (toute vie se termine par la mort) mais la troisième sculpture, arrive à quelque chose de plus optimiste sur le cycle de la vie, la mort précédant la renaissance, ne serait-ce que sous la forme de l'inexorable décomposition finale en humus fertile d'où sortiront de jolies fleurs... Je ne me souviens pas très bien, mais c'est l'idée dominante.

Dali était peut-être bien un peu fou, (les artistes le sont toujours un peu), mais il était également génial, visionnaire, moderne. Pour ne pas dire contemporain.

12 commentaires:

  1. It's so nice for me to have found this blog of yours, it's so interesting. I sure hope and wish that you take courage enough to pay me a visit in my PALAVROSSAVRVS REX!, and plus get some surprise. My blog is also so cool! Don't think for a minute that my invitation is spam and I'm a spammer. I'm only searching for a public that may like or love what I write.

    Feel free off course to comment as you wish and remember: don't take it wrong, don't think that this visitation I make is a matter of more audiences for my own blogg. No. It's a matter of making universal, realy universal, all this question of bloggs, all the essential causes that bring us all together by visiting and loving one another.

    You must not feel obliged to come and visit me. An invitation is not an intimation. Also know that if you click on one of my ads I'm promised to earn 8 cents for that: I would feel happy if you did click it, but once again you're totaly free to do what ever you want. That's the whole beauty of it all.

    I think it's to UNITE MANKIND that we became bloggers! Don't see language as an obstacle but as a challenge (though you can use the translater BabelFish at the bottom of my page!) and think for a minute if I and the rest of the world are not expecting something like a broad cumplicity. Remenber that pictures talk also. Open your heart and come along!!!!!

    RépondreSupprimer
  2. Cher Sammy, l'Art Moderne et Conceptuel attire le Commentaire Moderne et Conceptuel ! ;-)
    Ce qui compte, c'est le Détournement de Concept ...

    A part ça, heureuse que tu apprécies Brancusi :-)

    RépondreSupprimer
  3. Approximativment en été, j'adore ton humour ! Oui beaubourg c'est bien, mais il faut doser la visite !

    RépondreSupprimer
  4. Je voulais parler bien sûr du premier commentaire ;-)

    RépondreSupprimer
  5. Ouiii! Sammy est de retour !!!
    Je me rends compte, à la lecture de cette chronique, que mon mari et un grand créateur contemporain conceptuel...vu le nombre de fois où il casse des verres dans la cuisine,le nombre de chaînes, de guenilles usées ,de câbles électriques qui pendent du plafond de son atelier... vous pensez que je pourrais monter une expo (et accessoirement en retirer quelques sous, ben oui quoi!)?
    Ceci dit, en scrutant la tête de Brancusi de très près, on peut vois deux reflets de chaque côté du flash : Sammy et Chérie de Sammy ?

    RépondreSupprimer
  6. Merci Sammy pour ce périple exalté et exaltant au musée. On essaie trop souvent de rationaliser les sensations que l'on ressent face à une oeuvre d'art, visuel ou musical, fut-elle imparfaite, plutôt que de se laisser envahir par l'émotion brute qu'elle suscite en nous. Tu as compris qu'ici, l'essentiel, c'est de laisser parler le coeur.

    RépondreSupprimer
  7. ??????
    Les bras m'en tombent...

    RépondreSupprimer
  8. C'est comme si on s'était promené avec toi ! Grande et Magnifique promenade. J'approuve tous tes propos. Sauf la pluie tiède de juillet, où là, faut pas pousser quand même.
    Kiki :-)

    RépondreSupprimer
  9. Tiens, c'est une bonne idée les tessons de bouteille pour les enfants des voisins. Ils ont déjà tellement adoré quand je leur ai passé Kill Bill en DVD ;-)

    Non, sinon, la rage m'emporte de ne pas avoir remarqué tout de suite le retour de Sammy sur le paysage blogovisuel. Bravo, pour le ton humoristique et très vivant de cette chronique!

    RépondreSupprimer
  10. Mais oui Florence, c'est ça l'explication au commentaire qui précède, et que je ne comprend toujours pas, même un mois et demi après...

    Fauvette, avec le recul, je constate que la suite de la saison m'a malheureusement donné raison... rendez-vous en mai 2008 pour le retour du soleil ? :-D

    Orion, tu ne devrais pas scruter ton écran d'aussi près, c'est mauvais pour les n'oeils ;-)

    Pour ton mari, qui sait ? Peut-être deviendra t-il aussi célèbre que Carlos Regazzoni !

    Oui Ondine, c'est un peu ça : juste raconter ce que j'ai ressenti, l'objectivité est facultative en générale...

    Tes bras ont-ils repoussés Marsiho ? ;-)

    Alors madame Kiki de Posuto, es-tu toujours du même avis à propos de la pluis tiède de juillet ? Je pesiste à la préférer à la pluie froide de septembre ! :-D

    Attention à ne pas trop enrager tout de même Gavrix, je suis là de façon assez irrégulière, et je ne sais pas si tes stocks de vaccins antirabique tiendront aussi longtemps ! ;-)

    RépondreSupprimer
  11. Nice post thank you David

    RépondreSupprimer

Le formulaire qui apparaitra suite à votre commentaire est destiné à vérifier que vous êtes bien un être humain. Si vous avez quelque chose à dire, allez-y ! Si vous êtes un robot, bonne chance pour le test =)