La République des livres fait partie de ces quelques blogs de très haute volée, de ceux tenus par un professionnel du sujet sur lequel il s'exprime. Il m'est déjà arrivé de citer ici ou là des extraits de billets de Pierre Assouline, mais si je devais le faire à chaque fois que je lis quelque chose que je trouve particulièrement pertinent, je passerai mon temps à faire ça.
Hier sortait un livre du même, intitulé Brèves de blog, le nouvel âge de la conversation, qui est un florilège des commentaires publiés après quatre ans d'existence de la "RDL", comme ils disent. A raison d'environ 200 commentaires par article, il a dû passer quelques heures passionnantes pour en sélectionner seulement 600... Au delà du fait que les rares fois où je me suis attardé du côté de ce magma, j'ai trouvé ça plutôt ennuyeux et bien souvent hors-sujet, rasoir, pédant... ce qui m'a intéressé dans le billet où il présente ce livre, c'est une réflexion sur l'anonymat et la perception du message écrit, bien différente de l'oralité :
Hier sortait un livre du même, intitulé Brèves de blog, le nouvel âge de la conversation, qui est un florilège des commentaires publiés après quatre ans d'existence de la "RDL", comme ils disent. A raison d'environ 200 commentaires par article, il a dû passer quelques heures passionnantes pour en sélectionner seulement 600... Au delà du fait que les rares fois où je me suis attardé du côté de ce magma, j'ai trouvé ça plutôt ennuyeux et bien souvent hors-sujet, rasoir, pédant... ce qui m'a intéressé dans le billet où il présente ce livre, c'est une réflexion sur l'anonymat et la perception du message écrit, bien différente de l'oralité :
L’anonymat libère parfois une humeur bridée, parfois des forces sombres. Il dilue la peur. De grands bavards du virtuel se révèlent être muets dans le réel. L’anonymat nous autorise à explorer des pans de notre personnalité comme nous n’aurions jamais osé le faire sous notre propre nom (…) Beaucoup rejettent l’idée de leur lâcheté supposée. Ils récusent le fait que le pseudonyme soit un moyen d’échapper à l’identité puisqu’ils le tiennent pour une autre identité que celle de la vraie vie, une identité numérique reconnaissable seulement sur la Toile. En ce sens, elle ne relèverait donc pas de l’anonymat. Ils sont au fond plus proches des hétéronymes chers à Fernando Pessoa : eux aussi portent un ou plusieurs « autres noms » destinés à révéler différentes facettes de leur personnalité. Il faut les accueillir comme autant de noms de guerre. (…) Le fait est que l’internet désinhibe comme aucun média de masse avant lui. L’usage des faux noms et des fausses adresses y est pour beaucoup. L’interlocuteur n’ayant pas de visage, de regard ni de gestes, il est privé de l’éloquence du corps ; il ne peut être jugé sur son apparence ; le grain de sa voix nous étant inconnu, on ne peut rien tirer de cet écho d’ordinaire si expressif. Tout passe par l’écriture ; encore celle-ci s’avance-t-elle dépourvue de ce qui renseigne tant en elle, la graphie. (…) Le recours au pseudonyme déforme le débat d’idées, que l’absence d’intonation fausse un peu plus. Pas d’identité réelle, pas de voix, pas de corps, pas de visage. Qui me parle et exige ma réponse ? L’homme invisible. Dans ce terrain mouvant, le dérapage est programmé. Alors le pseudonyme a tôt fait de transformer le commentaire en dénonciation, et le message en lettre anonyme décachetée.
On pourrait trouver dommage que Pierre Assouline ne publie pas une anthologie de ses "écrits de blogs", qui serait, j'en suis sûr, d'une lecture fort agréable, mais là n'est pas le propos. Je me suis rassuré à lire le dernier paragraphe de son (long) billet, qui me confirme que je ne suis pas dans l'erreur et qu'il n'est pas dupe :
Que reste-t-il une fois évacué tout ce qui pollue la conversation, la bêtise à front de taureau, le parasitage délibéré, les dérapages trop bien contrôlés, les lieux communs, les répétitions, le hors sujet intempestif, la diffamation et la calomnie, le racisme et l’antisémitisme, la délation, les appels au meurtre ?… Ce que j’ai retrouvé au-dessus du tamis après des mois d’un orpaillage systématique et acharné est constitué d’un improbable alliage comme seules les sociétés virtuelles en produisent, concentré d’intelligence, d’esprit, d’humour, de culture et d’audace parfois mâtiné de méchanceté, de haine, de perversité pas toujours littéraires. (…) Est-ce pour autant une conversation de bonne compagnie ? En tout cas, elle est devenue la nôtre.
Pédants, pompeux, redondants, voire vulgaires…les commentaires de cette république m’ont fait prendre la fuite. Je préfère me réfugier dans « Histoire des Littératures » sous la direction de Raymond Queneau. (Pléiade). Ils (les livres) sont sous ma main et les tables analytiques…vous donnent quelques bonnes orientations.
RépondreSupprimerJe dois dire que voilà un choix qui ne pourrait que satisfaire mon goût pour le luxe ; mais je suppose que les tomes de l'encyclopédie de la Pléiade doivent être introuvables maintenant ?
RépondreSupprimerCela dit, il ne faut pas être trop dur avec Assouline : on peut parfaitement lire son blog sans même avoir besoin de jeter un coup d'œil aux commentaires...
Curieuse façon de voir les blogueurs et les commentaires dis donc ! pour avoir rencontré quelques blogueurs en vrai de vrai qui étaient plus vrais que nature et bien je trouve ça bizarre, à la limite je me demande de quoi il est en train de parler... Dis monsieur Sammy de chez moi, par le biais de ton blog et de tes commentaires, tu me fais l'effet d'être un monsieur vraiment sympathique... dans la vraie vie t'es pas serial killer ? Hein ?
RépondreSupprimerEt c'est signé une blogueuse pas anonyme !
PS : l'histoire des littérature est encore trouvable... Je pense qu'il n'y a que les albums qui ont un tirage limité...
RépondreSupprimerUne vrai reliure, un papier magnifique, des signets des notes, des signets... Des livres neufs comme ça on en fabrique plus à part ceux-là.
PS qui n'a rien à voir : un nouveau Ponti sort le 14 novembre. Catalogue de parents à l'usage des enfants qui veulent en changer : tout un programme non ? et en plus, c'est du Ponti ! Je crois que le jour où il me surprendra vraiment c'est en faisant un truc médiocre, mais ça n'arrivera pas, non, Ponti ne me surprendra jamais ! C'est fou d'écrire ça à propos d'un gars qui a autant d'imagination et de talent !
OUps j'ai le clavier qui bégaye ;-)
RépondreSupprimerEn effet...je n'ai parlé que des commentaires !
RépondreSupprimerPour les livres...c'est que je les reçois...autrement mon statut smigard, ne me permet que de les effeuiller à la Fnac. Ou sur le web et là Passou a son rôle.
J'ai trouvé très intéressante les extraits de la préface que PA (comme disent les habitués) a donné de son livre sur son propre blog. Il est vrai que ses billets sont toujours intéressants, ont du style et appuyés sur des infos de première main.
RépondreSupprimerLe problème des commentaires qu'ils entraînent de la part d'une sorte de club qui s'est constitué et "fait salon" (ou cuisine) chez lui, c'est que si on les lit on perd assez vite le sujet d'origine car chacun est là - à défaut souvent, mais on en trouve, d'ouvrir son propre blog - pour se mettre en valeur grâce à ce support bien fréquenté (N° 1 du classement des blogs littéraires sur Wiki).
Quand il y a 300 commentaires ou plus, qui les lit encore ? On comprend que PA ne réponde que rarement et, au contenu assez malodorant de certains, on se demande même s'il a le temps de les parcourir.
Il n'en reste pas moins qu'on peut piocher dans ces opinions diverses au hasard et trouver des perles.
Evidemment, l'anonymat permet toutes les audaces (comme les lettres du même nom, ce que PA remarque fort justement). Il m'est arrivé d'écrire quelques remarques sur le blog d'Assouline, mais sous mon nom, et n'étant pas "Montaigne à cheval" ou autre Zorro des commentaires, je n'ai pas galopé vers la "gloire" rendue par l'auteur du livre qui vient de sortir (sous forme papier...) à ses contributeurs permanents et masqués !
Il y a, dans l’acte de bloguer, et sur Internet en général…un encouragement vivace à l’anonymat.
RépondreSupprimerL’anonymat se pratique à l’aube, à l’heure ou la ville sort péniblement de sa torpeur, ou bien alors tard le soir, quand les enfants sont couchés, que les couples s’enfoncent profond dans les canapés, devant la télé.
Le blogueur anonyme se débarrasse alors de son identité de la journée, il délaisse son manteau social sur le dos de la chaise. Il se sert un café ou un thé. Il s’installe sur son petit bureau cosi, coincé entre la plante artificielle et la lampe Ikea. Enfin installé, le voici prêt à entamer son petit plaisir solitaire dans de secrètes activités cérébrales.
Patiemment, savamment, un sourire courtisan au coin des lèvres, il pratique des associations d’idées tortueuses, il fait sa petite fête à l’imagination. Il se délecte des délices de la pensée, libre dans une petite solitude feutrée, comme une récompense de fin de journée.
Le blogueur anonyme est satisfait, il entretient son petit mystère et partage avec un public d’autres anonymes gagnés d’avance, son goût pour la dissidence bourgeoise et la subversion un peu frustrée. Il prend son temps, choisi ses termes, entreprend sa rédaction patiente, méditant ses adjectifs et son verbe, n’omettant jamais de consulter son petit dictionnaire des synonymes toujours posé à côté de lui.
Le blogueur anonyme, il se recrute dans toutes les couches de la société, de l’homme de lettres au petit comptable, du boulanger à l’ingénieur en aéronautique.
Internet lui offre cela, la possibilité d’entretenir l’anonymat non plus dans sa notion d’être perdu dans la masse, mais plutôt dans celle d’endosser une seconde peau telle une vocation jusqu’ici injustement méconnue.
Et quels mystères en vérité ? On serait bien ennuyé de parvenir à les percer. Savoir que derrière celui qui se cache, derrière cette bête de sexe, ce petit génie satyrique, ce défenseur de la veuve sans l’orphelin, ce critique acerbe de la politique, ce jongleur des mots, ce poète inconnu, il n’y a pas bien grand-chose à cacher. Rien de condamnable, rien de ridicule, rien de singulier, rien même de bien honteux. On serait bien avancé de le voir là, remplir sa machine à laver, chercher ses clés de voitures, gronder les gosses qui mettent encore des miettes sur le canapé, pester contre le voisin qui passe la tondeuse le dimanche. A vrai dire, son secret ne vaut même pas le coup. Comme toutes ces questions qu’on se pose à propos de ce vieil ami d’adolescence qu’on à perdu, qu’on imagine parti vivre en Inde, et puis qu’on retrouve à Roubaix, et qui nous raconte le cancer de Roseline, la petite dernière qu’a raté son bac, Mireille et son accouchement difficile et puis Jean Paul qui est encore au chômage. Voilà tout ce qu'on peut trouver finalement derrière tout ça. Mais enfin, ils y tiennent quand même les blogueurs à leur anonymat, ça leur laisse des possibilités, exister dans les pensées des autres, dans les rêves des autres, dans leurs rêves à eux…
Fishturn (Blogueur anonyme)
Je pense que j'achèterai ce bouquin qui témoigne d'une démarche vraiment intéressante même si, au fond, je n'arrive pas à me dégager du sentiment que c'est une rentrée d'(argent assez (trop ?) facile pour Assouline dont le blog est par ailleurs excellent.
RépondreSupprimerMais bon, intéressante et novatrice démarche qui mérite largement que l'on y jette un coup d'oeil (au moins).
L'anonymat est la première étape de la prise de parole sur un blog, mais je pense que quand l'anonyme est vrai, lorsque ce qu'il écrit (et ça se sent tout de suite) vient vraiment de lui sans artifice ni faux semblant, on arrive à savoir vraiment qui il est, même si on ne connait pas son nom.... J'ai rencontré pour l'instant dans la vraie vie 5 blogueurs de ma blogobulle, je n'ai jamais était ni surprise, ni déroutée, ni déçue par les personnes que j'ai croisées, au contraire, cette rencontre a renforcé l'idée d'eux que j'avais avant, et chacun était profondément le même en vrai qu'en blog,à chaque fois ça a été un petit bonheur... L'anonymat permet de diluer la peur ,oui, la peur de s'exprimer... mais il ne masque pas l'interieur des gens....
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerBonjour.
RépondreSupprimerParler d'une quelconque qualité littéraire des notes de PA est d'un grotesque à faire hurler de rire n'importe quel amoureux (sérieux) de la littérature voyons...
Sur son dernier "livre", bien évidemment ridicule, suivre le lien...
"Florilège de commentaires" ... Tiens, c'est drôle, c'était ton idée il n'y a pas si longtemps !
RépondreSupprimerben, je suis une des commentatrices retenues par Assouline dans brèves de blog, et en fait, je voudrais quand même souligner que les dits-commentateurs... n'ont rien demandé... voilà.
RépondreSupprimerBonjour à tous ! Je ne pensais pas que cette petite brève susciterait autant de commentaires ! Je voulais juste mettre en avant ce qui m'avait "parlé" dans le billet de Pierre Assouline, à savoir la notion d'anonymat relatif que procure le pseudonyme, et la liberté qu'il peut offrir à certains, pour le pire, mais aussi pour le meilleur.
RépondreSupprimerJe note déjà qu'il y a des fans d'Assouline, ou au moins des lecteurs, ainsi Sylvaine ou Dominique Hasselmann, et d'autres qui ne l'aime pas beaucoup (doux euphémisme), comme Stalker. J'ai mieux compris pourquoi en faisant un petit tour sur ton blog ; cela dit, je me "contente" d'Assouline, qui me convient tout à fait : la littérature n'est pas mon métier. Pour ce qui est de l'aspect éminemment alimentaire du livre dont il est ici question, je ne suis pas loin d'être d'accord... même si il faut bien vivre.
Fishturn, j'aime beaucoup ton commentaire ; ça t'est venu d'un coup ? Toi et Tilu avez bien mis en relief cet anonymat dont je parlais plus haut : il permet bien souvent de prendre la parole quand on oserait pas autrement. Ce qui n'empêche pas d'être sincère, les anonymes ne sont pas tous des menteurs ni des trolls. Et je suis vraiment sympathique dans la vraie vie, oui Sandrine !
Ton clin d'oeil (une blogueuse pas anonyme) me fait d'ailleurs penser à ce que j'ai pu lire ici ou là, sur l'anonymat des blogueurs ; ça mériterait un sujet à part entière.
Pour le Ponti et l'encyclopédie de la Pléiade, je crois que ce sont deux belles idées d'emprunt à la bibliothèque ! (euh... j'ai le droit d'emprunter des livres normalement dévolus à l'usage des plus petits ?) Tout comme le livre d'Assouline Pierre : je ne vois pas, pour ma part, l'intérêt de l'acheter. Cela dit, j'y jetterai volontiers un coup d'oeil pour savoir à quoi ressemble le gratin des commentaires... Je l'ai déjà dit, je les trouve pompeux et pas vraiment pertinent, Dominique a parfaitement raison en disant que c'est une sorte de petit salon pour habitués.
Ce qui n'empêche pas que je soit content que l'un des co-auteurs du livre soit là (eh oui, réfléchissez un peu : ce livre, c'est vous qui l'avez écrit, patiemment, devant vos écrans). Madame Anonyme, merci d'être passée par ici ! Je me doute bien que les commentateurs retenus non rien demandés, par contre j'aimerais bien savoir ce que ça fait quand on retrouve une prose internetienne vieille de parfois plusieurs mois dans un livre ? D'autant plus quand on a rien demandé...
Allez, le mot de la fin (pour le moment ?) sera pour Florence : Il m'a piqué mon idée !!! Tu viendras témoigner pour le procès ? :-D