15 juillet 2011

Lectures d'avril-mai-juin

Quelques lectures printanières !

XXI n°14 : Nos meilleurs vieux
Vous n'êtes pas encore abonnés ? Mais il faut que je vous le dise comment ? Ce qui m'a marqué dans ce numéro : un très long texte de Jonathan Littell sur le Sud Soudan, la cavale des bonnes sœurs, le plus américains des maoïstes...




Le scorpion, tome 8 : L'ombre de l'ange
Très bonne série, avec des combats à l'épée, une histoire bien compliquée et pleine de rebondissements, avec de jolies femmes, des méchants très méchants et un héros intrépide. J'espère juste qu'ils ne vont pas nous faire un plan à la XIII, avec une histoire qui n'en finit pas...







Tortillas pour les Daltons
Un grand classique des aventures de Lucky-Luke, le vrai, celui dessiné par Morris et scénarisé par Goscinny, celui qui tirait des coups de revolver et qui avait une clope au bec, pas un brin de paille... Ça n'a pas pris une ride, et c'est vraiment drôle, contrairement au sagouinage de Laurent G., dont le métier n'est pas d'imiter les géants de la bande-dessinée, je le rappelle car il semble l'avoir perdu de vue.







Metronome / Lorànt Deutsch
Que dire qui n'ait pas été dit sur ce best-seller ? Ça se lit bien, on apprend plein de petites choses sympa sur Paris, à travers un parti pris original : chaque chapitre présente un siècle d'histoire de la capitale, en partant du nom d'une station de métro représentative.







Esprit chien / Luc Lang
Restons à Paris avec ce roman méchamment drôle : un type hérite de la maison de ses parents à Neuilly-sur-Seine ; dans le même temps s'installe une voisine trop charmante dans la maison d'à côté, avec son couple de lévriers afghans. Plus ou moins contre son gré (et parce qu'il a envie de coucher avec elle), il va se retrouver embarqué dans une aventure de psychothérapie canine. Tout le gratin de Neuilly sera de la partie Jean Nero (l'acteur), le député-maire-ministre et son épouse Cécilia... Tout cela finira assez mal pour notre héros, car à trop se frotter à un monde qui n'est pas le sien, on y laisse des plumes. Enfin, des poils. C'est loufoque, avec des passages très drôles, et une morale qui va au-delà de la simple farce. Ouaf.



L'énigme des blancs manteaux / Jean-François Parot
Un bon roman policier se déroulant au XVIIIème siècle, qui nous permet de rester à Paris ! J'ai déjà dit tout le bien que j'en pensais dans cette chronique.









Journal d'un défaitiste / Joe Sacco
Tiens, encore une chronique à aller lire ! Décidément, ce billet tourne à l'auto-promotion ! Mais je redis ici tout le profit que vous aurez à lire Joe Sacco.









Dark knight / Frank Miller 
Une excellente aventure d'un Batman vieillissant, qui arrive à sortir des habitudes stéréotypées des "aventures de super-héros" ; je pourrais vous dire d'aller lire ma chronique pour en savoir plus, mais je ne vais pas faire ça quand même ?


Ah ben si.





Les soirées du hameau (2ème partie) / Nicolas Gogol
La suite de ma lecture de février, que je n'avais pas vraiment pris le temps de présenter ; il s'agit des premiers contes écrit par le jeune Gogol, s'inspirant largement du folklore ukrainien. C'est drôle et teinté de fantastique, malgré quelques longueurs, il faut bien le reconnaître.

Vous pouvez découvrir une petite présentation et les œuvres en ligne, sur cette page.





Le cimetière des bateaux sans nom / Arturo Perez-Reverte
Un vrai roman de chasse au trésor, avec un bateau coulé, une femme très belle et très dangereuse, un nain mélancolique dangereux aussi, et un marin sans bateau qui se laisse mener par le bout du nez par la femme ci-avant évoquée. Je suis en train d'écrire un petit quelque chose là dessus.








Et hop, c'est l'été ! (oui, je suis en retard, et alors ?)

29 juin 2011

Chronique des héros pas supers

J'ai envie de vous parler de deux BD que je viens de lire, même si à proprement parler, il ne s'agit pas de "BD", mais plus de "comics", encore que ce terme soit parfois péjorativement connoté.

Même si je ferai un jour un billet pour expliquer pourquoi l'architecte qui a conçu la bibliothèque Champollion de Dijon doit être sévèrement châtié, celle-ci bénéficie, comme la très grande partie des bibliothèques de ce pays, du formidable travail de ses bibliothécaires, magasiniers, et assistants de bibliothèque -car le personnel des bibliothèques est très diversifié, pour ne pas dire super hiérarchisé- jonglant avec les contraintes d'un bâtiment qui pourrait à l'extrême rigueur abriter une galerie d'art contemporain spécialisée dans l'absurde.

Leur dernière bonne idée a été de consacrer un présentoir spécifique aux auteurs de comics, dans lequel j'ai pioché un Joe Sacco et un Frank Miller.

J'ai découvert Joe Sacco dans le numéro 13 de XXI où il signait un reportage sur les dalits, "fermiers aux pieds nus" du Kushinagar, dernière sous-castes des intouchables : ce sont eux que l'on trouve quand on creuse encore un moment, quand on croit avoir atteint le fond de la misère. 


Joe Sacco est un journaliste et dessinateur, surtout connu -j'ai l'air comme ça, mais j'ai tout lu dans XXI- pour ses albums sur la Palestine, Gaza et la Bosnie. C'est un atypique : un aventurier, un globe-trotteur, un dessinateur, un observateur, et parfaitement pourri de talent de surcroît.


Journal d'un défaitiste n'est pas vraiment comparable au reste de son travail : c'est plus personnel, plus disparate et plus ancien. C'est un ensemble de récits mêlant des souvenirs personnels, comme sa tournée avec un groupe de rock en Allemagne ou sa vision de la guerre de Golfe (la première, celle de Bush père), la mise en dessin de l'enfance de sa mère à Malte pendant la Seconde Guerre Mondiale et des récits satiriques, souvent avec des personnages grotesques. L'ensemble présente un dessin à tendance psychédélique, genèse d'un auteur en devenir. On trouve quand même quelques planches plus proches de son style de "dessinateur reporter".

***

Ma deuxième trouvaille est donc le Batman : Dark Knight de Frank Miller. Je connaissais Frank Miller en tant qu'auteur de Sin City et 300, que je n'ai pour l'instant fait que feuilleter en librairie, espérons que ce nouveau secteur de la bibliothèque me permettra dans un avenir proche de les lire en entier.

Illustration extraite de Sin City
Illustration extraite de 300

Dark Knight est donc un autre de ses gros succès, plus fondé à mon sens sur la qualité du scénario que sur le côté percutant des dessins. Jugez plutôt : Batman est une légende. Il a disparu depuis 10 ans, raccrochant la cape et les batarangs. Et Gotham, privé de son justicier (mais que fait la police ?) s'enfonce dans le crime. A la faveur des exactions particulièrement sanglantes et déjantés d'une bande de criminels, l'homme chauve-souris va faire son retour...

Une des premières pages de Dark knight

Mais ce n'est pas aussi simple. D'abord parce que ce retour est aussi une victoire de Batman sur Bruce Wayne ; si l'homme chauve-souris revient, ce n'est pas tant pour faire régner la justice, que pour finir sa guerre personnelle contre le crime, quelles qu'en soient les conséquences. Et puis le monde a changé. Les super héros n'ont plus la cote, et sont surtout perçus comme une menace. L'insertion de petits écrans de télévision où des personnages débattent sur le "pour" et le "contre" de Batman résument très efficacement le problème.

Cet album montre un Batman qui sort des sentiers battus et largement rebattus du genre : il ne cache pas le côté obscur du personnage, qui feint d'ignorer les implications politiques de ses actes pour mieux s'abandonner à ses démons. Les siens sont Harvey Dent et le Joker, qui font un dernier tour de piste, mais sont-ils les seuls ?

L'exact opposé de Batman, Superman, ne sort pas non plus grandi de l'histoire. Au choix offert aux super-héros de disparaitre ou de rallier le gouvernement, il choisit le ralliement. Servir son pays, d'après Clark. La compromission lui répond Wayne.

De fait, c'est bien un Superman aux ordres d'un président  Reagan caricatural qui est mis en scène, jusqu'à l'affrontement final avec Batman, qui se soldera par...

Et si vous le lisiez, hummm ?

16 juin 2011

Pottermore ?

Je viens de découvrir sur Livres Hebdo un site, signé J.K. Rowling, sobrement intitulé Pottermore...


Les deux liens dans l'image mènent vers la page Youtube de l'auteur, où l'on nous dit qu'elle fera une déclaration dans, à l'heure où j'écris cette phrase, 6 jours, 16 heures, 57 minutes et 53 secondes. C'est pas de la magie, c'est un bête compte à rebours. 

Encore un truc marketing un peu agaçant, mais...

... n'êtes vous pas un peu émoustillés par la perspective d'un éventuel retour du sorcier à lunettes ?

10 juin 2011

Le Pancolotron

Je viens de faire cette trouvaille (via ActuaLitté), je ne résiste pas au plaisir de vous la faire partager : le générateur de titre pancoliens, pompeusement baptisé "Cadavre exquis Pancolien" par l'éditeur (car c'est une opération bassement promotionnelle). Mais je m'en tiendrai à pancolotron, c'est plus simple et moins marketing. 

Car les titres des romans de Katherine Pancol -je n'en ai lu aucun, et j'en suis fier- c'est tout un programme. Vous avez sûrement déjà posé le regard sur Les yeux jaunes des crocodiles, La valse lente des tortues et Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi (celui-ci étant le plus beau de tous). Ils ont tous ce petit je-ne-sais-quoi d'indéfinissable, à la fois charmant et agaçant, qui est devenu la véritable marque de fabrique de l'auteur. En sus du contenu même de ses livres que je n'ai toujours pas lus depuis la phrase précédente.


Il y aurait d'ailleurs matière à vagabondage de l'esprit... On aurait donc, d'un côté, des écrivains à titre court, comme Philippe Djian (Ardoise, Frictions, Impuretés, Impardonnable, et autres Incidences), et de l'autre, les écrits longs de titres vains, qui donnent lieu à pastiche, comme ce délicieux exercice de style de Patrick Besson, qui fournit une impressionnante liste d'idées de titres pour le prochain Pancol.
 

Et n'oubliez pas : "Les pélicans du port d'Amsterdam sont grossiers en hiver". Mais "Les lions de la Tour Eiffel sont libres toute l'année". C'est grand et magnifique. On dirait des proverbes bantous.

31 mai 2011

L'énigme des blancs manteaux, chronique de l'assassinat en dentelles

J'ai lu il y a peu L'énigme des blancs manteaux. C'est un bon roman policier à la sauce historique, avec des carrosses, des dentelles et des perruques poudrées. Aussi vais-je vous conseiller de le lire séance tenante.

J'ai vraiment aimé ce livre. D'abord parce que  c'est un livre que l'on m'a prêté. On me l'a mis dans les mains en me disant "tu devrais lire ça". Je ne sais plus si c'est Daniel Pennac dans Comme un roman ou Annie François(1) dans Bouquiner qui explique que dans tous les livres que l'on prête, on prête un peu de soi, et aussi que le bénéficiaire du prêt n'est pas toujours enclin à le rendre, car dans tous livre qu'on lit, on met un peu de soi aussi... Mais je vais bien finir par être obligé de le rendre à son propriétaire légitime.

Ensuite -revenons à nos perruques- parce que l'histoire nous transporte dans le Paris de la fin du règne de Louis XV, où le héros côtoie toutes les couches de la société : noblesse, clergé, catins, juges, docteurs, bourreau, mouches et coupes-jarrets, les péripéties de l'enquête l'entrainant du bouge le plus sordide jusqu'au palais du roi, en passant par le sinistre Châtelet et l'imprenable Bastille (c'est en tout cas ce que l'on croyait à l'époque). Entre les progrès de l'enquête, on parle cuisine, on discute de pratiques médicales, de philosophie, de procédure judiciaire. On s'imprègne de XVIIIème siècle comme un pain mollet plongé dans le cacao se gorge de cette boisson exotique et revigorante.

C'est un roman policier, mais ce n'est pas que cela. C'est  aussi un roman d'apprentissage dont le début m'a fait penser aux premières pages des Trois mousquetaires, les duels en moins : on "monte" à Paris avec le jeune Nicolas Le Floch, enfant trouvé appelé à devenir le représentant extraordinaire du lieutenant général de police dans le cadre d'une affaire qui ne l'est pas moins. Il y a donc enquête et accessoirement meurtre ; du moins c'est ce que l'on est enclin à penser lorsqu'un commissaire disparait et que l'on retrouve un corps en plusieurs morceaux, accompagné des vêtements dudit commissaire. Mais Le Floch n'est pas homme à se laisser abuser par des évidences. Têtu comme son nom l'indique, il ne se laissera pas influencer ni intimider par tous ceux que ses investigations vont déranger.

Le grand Alexandre l'a dit : on peut violer l'Histoire à condition de lui faire de beaux enfants. Jean-François Parot est forcément au courant, lui qui a emmêlé personnages réels et fictionnels, événements historiques et inventés, tous représentatifs d'une époque qui ne sait pas encore qu'elle accouchera d'une révolution.

L'histoire finit bien évidemment par la résolution, classique dans sa mise en scène, de l'énigme par le héros, devant le parterre des personnages convoqués tout exprès, innocentant les bons et confondant les méchants (je ne pense pas dévoiler grand chose en disant qu'à la fin d'un roman policier, on résoud l'énigme avec lequel on l'a débuté !). La chute est peut-être un peu trop parfaite pour être crédible, mais je pinaille.

Je vous laisse la surprise de la découverte de cet excellent roman, et m'en vais dénicher la suite, car ce n'est que le premier tome d'une série de neuf. Oui, comme le pont du même nom, mais je crois que ça n'a pas de rapport.(2)

(1) : Une rapide recherche m'apprend qu'elle est morte, emportée par sa deuxième passion...
(2) : Cette conclusion n'est pas nulle, elle est originale et fera rire dans 200 ans.

25 mai 2011

Journée de la serviette / Towel day

Aujourd'hui, c'est la journée de la serviette, ze towel day, comme disent nos voisins outre-manchots. C'est le jour dans l'année où les routards, les vrais, ceux qui savent faire face à toutes les situations grâce à leur serviette éponge sont mis à l'honneur.
« La serviette est sans doute l'objet le plus vastement utile que puisse posséder le voyageur interstellaire. D'abord par son aspect pratique : vous pouvez vous draper dedans pour traverser les lunes glaciales de Jaglan Bêta ; vous pouvez vous allonger dessus pour bronzer sur les sables marbrés de ces plages irisées de Santraginus V où l'on respire d'entêtants embruns ; vous pouvez vous glisser dessous pour dormir sous les étoiles, si rouges, qui embrasent le monde désert de Kakrafoon ; vous en servir pour créer un mini-radeau sur les eaux lourdes et lentes du fleuve Mite ; une fois enfilée, l'utiliser en combat à mains nues ; vous encapuchonner la tête avec afin de vous protéger des vapeurs toxiques ou bien pour éviter le regard du hanneton glouton de Tron (un animal d'une atterrante stupidité : il est persuadé que si vous ne le voyez pas, il ne vous voit pas non plus - con comme un balai, mais très très très glouton) ; en cas d'urgence, vous pouvez agiter votre serviette pour faire des signaux de détresse et, bien entendu vous pouvez toujours vous essuyer avec si elle vous paraît encore assez propre.

Plus important, la serviette revêt une considérable valeur psychologique : si pour quelque raison, un rampant (= non voyageur) découvre qu'un routard a sur lui une serviette, il en déduira illico que ce dernier possède également brosse à dents, gants de toilette, savonnette, boîte de biscuits, gourde, boussole, carte, pelote de ficelle, crème à moustiques, imperméable, scaphandre spatial, etc. Mieux encore, le rampant sera même heureux de prêter alors au routard l'un ou l'autre des susdits articles (voire une douzaine d'autres) que ledit routard aurait accidentellement pu "oublier"; son raisonnement étant que tout homme ainsi capable de sillonner de long en large la galaxie en vivant à la dure, de zoner en affrontant de terribles épreuves et de s'en tirer sans avoir perdu sa serviette ne peut être assurément qu'un homme digne d'estime. »
Douglas Adams, H2G2 tome 1
Une utilisation oubliée par l'auteur : la serviette peut servir de drapeau
Aujourd'hui, peut-être croiserez-vous quelques hurluberlus arborant une serviette sur l'épaule et un livre électronique portant l'inscription "Don't panic" en guise de page de titre. Vous devrez alors impérativement en déduire que :
  • vous êtes en présence de fans de H2G2 ;
  • il est temps que vous lisiez H2G2, la trilogie en 5 volumes, ou cette chronique y afférant ;
  • ce n'est pas moi (j'ai piscine).
CC Teetante
Et n'oubliez pas que c'est le jour où tout devient possible. Les vogons peuvent arriver sans crier gare (ni autre chose d'ailleurs) et raser la planète pour créer une voie expresse intergalactique. Vous pouvez vous rendre compte (mais comment avez-vous fait pour ne pas le voir pendant tout ce temps ?) que votre meilleur ami est un extra-terrestre. Avec un peu de chance, vous rencontrerez l'amour. Avec un peu moins de chance, un robot dépressif.

Happy towel day ! Et encore merci pour le poisson.

18 mai 2011

Le dégoût

Je suis atterré, dégouté, un petit peu triste, mais au final, pas vraiment étonné par tout ce que je lis et entend depuis 5 jours à propos d'une certaine "affaire" qui déchaine les passions, passionne les éditorialistes et révèle l'état d'esprit de certaines personnes, de gauche ou de droite, connues ou anonymes, de la plupart des deux sexes, mais surtout des hommes il faut bien le dire, sur leur vision de l'homme et de la femme, du degré d'appréciation de la "normalité" des relations que les premiers devraient entretenir avec les secondes, et de la notion de viol, si différente selon que l'on est un homme, blanc, appartenant à ce qu'il faut bien appeler une classe dirigeante, ou une noire, jeune, et femme, dite "de ménage" de surcroît, comme si la fonction pouvait définir l'individu.

Même si je partage l'analyse d'Aliocha selon laquelle, au grand tribunal médiatique, DSK a déjà été condamné, tant la violence des images, l'obsédante répétition de non-informations creuses reprises en boucle jusqu'à la nausée sur tous les canaux médiatiques a d'ores et déjà réduit à néant la réputation d'un homme qui trainera quoi qu'il advienne cette histoire derrière lui ; 

même si je suis le premier à hurler à la présomption d'innocence pour tous les faits divers avec coupable livré clé en main dont certains médias nous abreuvent complaisamment ; 

même si moi aussi, quand j'ai entendu cette nouvelle à la radio samedi matin au réveil, j'ai été obligé d'aller vérifier sur internet si j'avais bien compris ; moi aussi j'ai pensé au complot, j'ai imaginé le scénario incroyable,  le piège digne d'un film hollywoodien, ou plutôt le chantage de bas étage digne de la crapulerie de la pire espèce ; 

même si je suis mal à l'aise en voyant les images d'un homme tombé, qui passe en 48 heures des rangs des puissants de ce monde au statut de suspect menotté exhibé aux photographes, même si je reconnais une certaine compassion pour un individu dont la fin de partie est d'une exemplarité dans le catastrophique qui me fait penser à du Maupassant, voire à Houellebecq au vu des circonstances ; 

même si j'ai compris que nous vivons dans un monde où la réalité a depuis longtemps dépassé la fiction, même si j'ai limité ma philosophie à accepter que le plus improbable est du domaine du possible,

je suis choqué. Je suis choqué de tout ce qu'Olympe a relevé dans un article court mais édifiant (allez cliquer sur les liens qu'elle liste) : une femme qui prétend avoir été victime d'un viol, ou d'une tentative (vous m'excuserez d'être assez peu indulgent pour ce genre de nuance) devra systématiquement faire face au scepticisme, à la remise en cause et pire, à l'attitude goguenarde et machiste qui semble être la règle, du moins en France. Est-ce cela, notre fameuse "exception culturelle" ? 

Si une femme se plaint, elle sera forcément suspectée d'exagération, voire de mensonge. D'avoir provoqué ce qu'il s'est passé, voire d'assouvir une vengeance ou d'exercer un chantage. Je ne nie pas, sans pour autant adhérer aux thèses complotistes, que de telles choses soient possibles. Mais force est de reconnaître que la réalité est bien souvent tragiquement simple. 74 % des viols sont commis par une personne connue de la victime. On estime que seulement 2% des violeurs sont condamnés.

Je suis choqué que certaines personnes, que l'on nomme "intellectuels" par facilité sémantique se livrent à ce genre d'exercice. En mettant en doute le professionnalisme de la femme de ménage, par exemple - et ce n'est que le début. Je suis révolté, j'ai honte de lire que les faits qu'elle relate sont qualifiés de "troussage" par un célèbre journaliste que je ne nommerai pas, car je ne veux pas faire connaissance avec son avocat.

Car ces gens là, on ne viole pas monsieur, on ne viole pas, on trousse. On trousse une soubrette, comme sous l'Ancien Régime, comme dans les pièces de Molière et de Marivaux. C'est un amusement de puissant, un plaisir d'homme au-dessus des lois. Tant pis pour les soubrettes, tout au plus leur concède t-on qu'elles devraient être flattées de cette attention qu'on leur porte.

On serait dégouté à moins.

***

Promis, la prochaine chronique sera plus légère ; du moins je l'espère...

06 mai 2011

La joie et la fureur

Il nous a été donné ces jours-ci d'assister au spectacle de messieurs tout à fait pacifiques, agitant gaillardement des drapeaux comme à Iwo Jiwa. De mères de famille respectables se grimant de masques grotesques. De vieilles dames arborant des tenues excentriques. Avec des perles, un chapeau à plumes et des décorations clinquantes. Encore avaient-elles l'excuse d'être anglaises, ce qui rendait le détail anodin.

Car les anglais sont excentriques, monarchistes et bons enfants. Et buveurs de bière, mais c'est un détail qui n'a rien à faire ici. Quoi qu'il soit raisonnable de penser qu'ils ont vidé quelques pintes en l'honneur de la duchesse de Cambridge et du duc de Carrickfergus.

God save the Queen !

Outre Manche, on s'interroge, par vieil atavisme pas tant républicain que teinté d'anglophobie, sur la raison d'un tel engouement pour les arrières-petits-enfants de Georges VI. Sans doute, d'accord avec Maupassant, nous demandons-nous pourquoi faudrait-il être heureux à date fixe, sur décret du gouvernement. C'est sans doute ce même esprit de rébellion bien gaulois qui fait que nous assistons chaque 14 juillet à l'institutionnel défilé des troupes de la République.

Royal Wedding pearly supporter

Au final, l'événement n'en était un que parce que vendu comme tel par les médias. Mais la liesse populaire était bien réelle. Faut-il, à l'instar de paysanheureux être heureux de voir des gens heureux ? Ou bien, douter du genre humain avec Pensecris, qui ne comprend pas que l'on puisse s'intéresser à un tel spectacle, mais si peu aux injustices du monde ?

La réponse est dans l'énoncé : la crise économique, les catastrophes nucléaires, les tarifs des plombiers, le racisme dans le milieu du football, c'est déprimant, c'est triste, c'est pas beau... Les quelques millions de personnes qui ont suivi l'événement à la télévision ne se désintéressent sans doute pas de toutes les calamités qui s'abattent sur ce pauvre monde ; seulement, à choisir entre le spectacle de la misère et celui de la joie, même si il s'agit d'une joie mise en scène, institutionnelle et devenue un objet de consommation de masse par la grâce des médias, le choix, pour nombre de personnes, a été vite fait.

Un mariage royal, finalement, c'est une nouvelle incarnation du divertissement pascalien... Loin de me faire douter du genre humain, me voilà conforté dans ma vision des choses.

***

Trois jours à peine après cette joie naïve, on a pu voir d'autres images de joie : celle de la foule américaine manifestant son bonheur à l'annonce de la mort d'Oussama Ben Laden. On a alors vu de braves employés de supérettes, de doux agents immobiliers, d'inoffensifs analystes financiers (encore que pour ceux là, on soit moins sûr) agiter des drapeaux, se grimer de masques grotesques et, allez savoir, sans doutes d'honnêtes grand-mères ont-elles arboré des costumes ridicules.

Times Square on the night Osama bin Laden killed, CC Josh Pesavento
Car cette fois c'était sûr, le grand croquemitaine des peurs occidentales était mort. Ces gens, américains, new-yorkais en tête, criaient leur joie, leur soulagement. Alors ils ont levé leurs verres en plastique, scandé U-S-A jusqu'au bout de la nuit, et agité bougies et drapeau, dans une ambiance entre kermesse et concert de rock. Car les américains sont exubérants, patriotes et enfants de la liberté.

God bless America.

Ils étaient libérés d'un souci, d'un fardeau, d'un cauchemar. Mais plus que la fin d'une menace, c'était surtout la disparition d'un symbole et l'assouvissement d'une vengeance qui étaient célébrés. Cette joie là me fait peur. Dix ans de "guerre contre le terrorisme", 300 000 morts -en grande partie des civils, ce qui tend à prouver qu'il s'agit bien d'une guerre- des restrictions à nos libertés dont nous paierons longtemps le prix, et pas beaucoup plus de sécurité au final. La guerre est-elle vraiment finie ? Est-ce qu’on peut remettre du shampooing dans notre bagage cabine ? (dixit Michael Moore)
Non, bien sûr.

Osama Dead - CC Sebastian Niedlich
La mort du terroriste le plus connu depuis Carlos ne changera rien. Depuis 2001, nous vivons sous le règne de la peur. Peur qui nous a fait renoncer à nos valeurs : on surveille, on censure, on torture, on emprisonne sans procès. Cette exécution saluée comme une justice rendue ne vient qu'apporter une touche complémentaire à l'édifice ignominieux construit depuis le 11 septembre 2001, dans le bruit des armes et la fureur de la vengeance.

Je ne vois pas où sont les raisons de se réjouir. Heureusement qu'il nous reste les mariages royaux.

***

Le titre est bien sûr un clin d’œil à un autre William, royal à sa façon.

24 avril 2011

Peut-on imaginer House heureux ?

Camus a dit : "Il faut imaginer Sisyphe heureux". Outre le plaisir de commencer un billet en citant Camus, ça fait tout de suite très sérieux, cette phrase me permet de passer tout de suite à complétement autre chose, et ça aussi, j'aime beaucoup. 

Avez-vous regardé le retour du méchant docteur, ce mardi sur France One ? Il n'est plus tout à fait aussi méchant, je suis presque déçu. Mais je suis sûr que ce n'est qu'une feinte. Car on ne peut raisonnablement pas imaginer House gentil et heureux. Gentil, ça passe encore, nul n'est à l'abri d'un moment d'égarement. Mais heureux, non, ce n'est pas envisageable. Déconner 5 minutes avec Camus sur le mythe de Sisyphe passe encore, mais il y a des limites à tout. Un peu de décence tout de même.

doctor's house
Doctor's house CC donielle

Trêves de plaisanterie, j'ai appris il y a peu que le Docteur House est aussi un Mister Blues :






Il joue, il écrit, et maintenant, il chante ! Autant j'ai toujours été allergique aux comédiens qui se mêlent de pousser la chansonnette (la plupart du temps pour tenter de reconquérir quelques parcelles de notoriété, il faut bien le dire), autant à celui là, je lui pardonne d'office. Et en plus c'est à mon goût.

Mais comme il est dit quelque part que tout finit en déconnade (et non pas en chansons, comme on l'a souvent cru à tort)...






20 avril 2011

Une pensée pour le Japon

Je ne sais pas si cela tient de la capacité naturelle de l'homme à mettre sous une chape de plomb les pensées désagréables, mais je trouve que, décidément, on parle bien peu du Japon, tout juste un mois après une catastrophe qui n'est toujours pas terminée. Oui, je sais, il se passe bien d'autres tragédies dans le monde. Je ferais modestement remarquer que l'on n'en parle pas plus...

Je suis tombé il y a quelques jours sur le blog de Paul Jorion, que je ne connaissais pas, et qui semble causer d'un tas de choses intéressantes, qui ne sont ni très simples, ni très optimistes, mais passons.

J'en viens à mon sujet ; il a posté il y a quelques jours une vidéo amateur du tsunami japonais.

Je n'en dis pas plus, si ce n'est que ça ne dure que 5 minutes, mais que vous n'en ressortirez pas indemnes.

18 avril 2011

Laïcité : ils avaient cru s'y fier

Ce matin, j'avais envie d'écrire moult choses grandes et magnifiques. En fait, non. Ce matin, comme tous les  matins, j'espérais avoir le temps d'écrire lesdites grandes et magnifiques choses. Ce matin j'avais envie d'écrire sur ces quelques avignonnais excités du crucifix. J'avais déjà été interpellé par le sujet la semaine dernière : des fidèles, archevêque compris, s'indignaient de ce que le musée d'art contemporain local donnait à voir, à l'occasion d'une exposition intitulée "Je crois aux miracles" une photo d'un crucifix plongé dans l'urine. Ah la vilaine chose.

Passant de la parole divine aux actes des apôtres, ils sont partis en croisade contre l'image impie, bien décidés à chasser de leur ville le blasphème comme Jésus du temple les marchands : à grand coup de trique dans la tronche, parce que... parce qu'ils ne voyaient décidément pas d'autres solutions. Le jour du Seigneur, ils ont donc dispensé son message d'amour et de tolérance à grands coups de marteau et de pioche, histoire que ça rentre mieux.

Immersion (Piss Christ) de Andres Serrano

Quand j'ai vu cette image, j'ai pensé à Prévert répondant à une provocation de ses potes surréalistes qui avaient accroché un crucifix à la chasse d'eau, qu'il ne fallait pas "salir la merde"... Autant dire que le blasphème pipi-caca-crucifix ne date pas d'hier, et ne doit pas être réduit à un premier degré simpliste, ce qu'a parfaitement compris un chroniqueur d'une revue que l'on peut difficilement qualifier d'antichristianisme primaire, puisqu'il s'agit de Témoignage chrétien.

Pour l'auteur (pour qui les saccageurs d'Avignon sont de "pontifiants zouaves" et des "canailles"), l'image, volontairement infamante, rappelle les outrages subis par le Christ :
De la Croix du Sauveur, on fait trop facilement un pendentif, un motif décoratif, un signe sans signification. Et voilà que par le geste brutal d’Andres Serrano elle est rendue à sa brutalité : la Croix redevenue un scandale – du grec skandalon, l’obstacle.  


Au Musée des Beaux-arts d’Avignon, on s’y arrête. Elle a perdu ses contours vaporeux de symbole pour redevenir le gibet infamant sur lequel a été cloué Jésus, mort entre deux bandits sous les moqueries pour avoir prêché le pardon des offenses, la pitié des vaincus et la délicatesse envers les opprimés.
Voilà un chrétien qui ne s'est pas arrêté au prétendu blasphème, et qui a cherché ce qu'une telle image pouvait bien vouloir dire, avant de cogner comme un sourd en pleine crise de foi. Que savent les petits fracasseurs à la tête de bois des convictions ou de la foi de l'auteur du cliché ? Et si le message qu'il voulait faire passer était bien celui mis en avant par le chroniqueur ?

Piss Christ vandalisé

Non seulement, dixit le directeur du musée, "l'ignorance de ces gens est hallucinante" (ils ont détruit au passage une photo de mains de religieuse qui n'avait a priori rien de blasphématoire), mais ils appartiennent à une mouvance dont le but est "la restauration de la royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ", ce qui est un programme à faire frémir le Vatican.
Alors ?

Faut-il brûler Prévert ? Faut-il brûler Breton et consorts ? Faut-il brûler les artistes ? Faut-il déclarer Témoignage chrétien frappé d'hérésie ?

Ne faut-il pas plutôt se poser des questions sur le sens profond de cet événement ? Qu'avons-nous fait pour en arriver là ? Quelles coupables négligences, quelles passivités a t-il fallu pour permettre cela ? De quoi la destruction du Piss Christ est-elle le nom ?

Quel est ce pays où quelques excités peuvent détruire une œuvre d'art au prétexte que eux ils pensent que "ce n'est pas de l'art" et qu'ils se sentent atteints dans leurs convictions profondes ? Pierre Haski, dans son article sur Rue89, veut voir dans cette affaire une lointaine résurgence du funeste débat sur la laïcité ; il n'a pas tort, car nous avons affaire ici à des groupuscules se sentant autorisés à agir car confortés dans leurs opinions.

Il y a longtemps que j'ai perdu la foi, c'est une vieille histoire entre un Dieu qui n'existe pas et ma conscience.
Je viens de rompre avec Dieu. Je ne l'aime plus.
En amour, on est toujours deux. Un qui s'emmerde et un qui est malheureux.
Depuis quelque temps, Dieu me semblait malheureux. Alors, j'ai rompu.(1)
Mais je ne sache pas que j'aille imposer mon athéisme aux croyants.


PIERRE DESPROGES LETTRE OUVERTE à MONSEIGNEUR... par kirivalse


(1) Pierre Desproges : Rupture - Chroniques de la haine ordinaire 
 

11 avril 2011

Les arts de la table

J'ai des soucis d'argent, mon banquier remet le couvert avec mon découvert. C'est ma faute, je ne suis pas vraiment économe, je suis même un vrai panier percé, et je passe beaucoup de temps dans les casinos, devant les machines à sous vide. Je suis sur le grill, et j'ai décidé de m'adresser à un conseiller fiscal afin de calculer l'assiette de mon impôt, au moins à la louche, histoire d'avoir une fourchette. La situation devient en-effet assez sérieuse : pour tout dire, le Trésor public et moi, c'est à couteaux tirés.(1)

J'attendais beaucoup de cette entrevue car entre-nous, les ennuis financiers, j'en ai soupé. Après les considérations météorologiques d'usage en guise de hors d'œuvre, j'ai sorti mes documents de ma serviette, et nous sommes passés au plat de résistance. Après quelques minutes passées à éplucher mes comptes, il m'a regardé par-dessus son verre (il est très chic et porte le monocle), et m'a dit qu'en trente ans de carrière, il n'avait jamais vu une situation aussi bouillante. 

Trente ans ! me suis-je exclamé malgré moi. Il est bien un peu poivre et sel, mais je ne l'imaginais pas si vieux. Tant mieux, un conseiller qui a de la bouteille, c'est toujours bon à prendre, il ne doit pas être du genre à se prendre les pieds dans la nappe au premier pépin. C'est très sérieux, a t-il poursuivi, avec toutes vos casseroles, je ne serais pas étonné que ça finisse par tourner au vinaigre. Vous avez bien fait de venir me voir, votre gestion a vraiment besoin d'un coup de fouet. Bien sûr, si vous aviez des espérances... Hein ? Qu'est-ce qui est rance ? demandai-je surpris.

Non, des espérances corrigea t-il. Un héritage si vous préférez. Jouons cartes sur table poursuivi t-il : vous n'êtes pas né avec une petite cuillère en or dans la bouche, et à moins de décrocher la timbale, il ne va pas être facile de passer l'éponge sur vos dettes. Vous pourriez aussi cuisiner votre banquier pour qu'il soit moins regardant... et allez-y piano sur les dépenses.

Pour mon banquier, faut pas y compter, il est complètement toqué. Mais pour le reste, vous êtes un chef, je vais suivre votre recette !



(1) Image CC bensutherland

08 avril 2011

Somewhere in France...

 France is a very beautiful country.


What I like about the French is their ability to defend their language, including the smallest details of everyday life.


 Just look at the evidence in pictures...

05 avril 2011

Lectures de mars (et ça repart)


- Far West, journal de la première traversée du continent nord-américain - 1 : La piste de l'Ouest / Meriwether Lewis, William Clark 

Le récit mythique de la première traversée du continent américain. Un journal de bord au jour le jour, avec des rivières, des indiens, des grizzly, des bisons, des indiens et des épines de figuiers de barbarie. Et aussi quelques indiens. J'avoue, l'ingestion est un peu pénible, et j'ai eu un peu de mal à finir. Mais si on est dans le bon état d'esprit, ce journal de bord se lit comme un roman d'aventures : une poignée d'hommes à la découverte d'un vaste territoire totalement inconnu, des espaces immenses découverts pour la première fois, des relations avec les indiens aussi diverses que le sont les multiples tribus rencontrées, mais toujours pacifiques. C'est plus tard que ça se gâtera. Pour tous ceux qui veulent plonger aux sources des mythes de la Conquête ou rêver d'une autre Amérique...



- Le secret de l'espadon : est-ce dû à ma récente chronique sur Blake et Mortimer ? Toujours est-il que je suis tombé sur une édition complète (les 3 tomes en un seul volume), et que je n'ai pas pu résister au plaisir de le relire.



- Joe Bar team : tomes 1, 3 et 7 prêtés par un collègue. Je pense que l'on doit mieux apprécier tout le sel des gags si on est -comme lui- motard soi-même, mais cela reste assez drôle. D'ailleurs, j'ai lu les 3 Tom, et Jerry.

30 mars 2011

Chronique du dérisoire

Dérisoire. C'est le premier mot qui m'est venu à l'esprit en pensant aux efforts déployés par une poignée  de sacrifiés chargés de déverser de l'eau dans une piscine de combustible nucléaire depuis un hélicoptère. Ce qui revient à peu près à remplir une casserole d'eau bouillante en voie d'évaporation avec une petite cuillère.

Dérisoires nos vies, nos espoirs, nos amours, à la merci de la prochaine catastrophe technologique qui nous tombera dessus un de ces jours. Dérisoires nos efforts pour trier les déchets, éteindre la lumière, économiser l'eau : à quoi servent-ils, comparés à de telles catastrophes ?

Avant, je savais confusément -comme tout le monde probablement- que 80% à peu près de l'énergie produite en France était d'origine nucléaire. J'en tirais une vague fierté, parce que c'était mon papa que me l'avait dit, et qu'il avait l'air content de cet état de fait. Et puis le reste du temps, ça ne m'inspirait pas plus que ça. Je m'éclairais, me chauffais, cuisinais, allais sur internet et jouais à Oblivion grâce à l'énergie nucléaire, sans y penser une seule seconde. Si nos gouvernements successifs avaient souhaité, mis en place et entretenu ce système, c'était sûrement pour une très bonne raison et puis, qu'est ce que j'y connaissais, moi ?

80% de l'électricité produite en France est d'origine nucléaire. Aujourd'hui, j'ai peur. (1)

Car la catastrophe est arrivée. D'abord un tremblement de terre - c'est au Japon, ils ont l'habitude, et de toute façon ils sont bien préparés. Et c'est si loin le Japon. Puis sont venues les premières estimations du nombre de morts, dérisoires, qui confortent l'idée que ce n'est qu'un incident banal pour le nippon moyen, et que décidément, elle est belle cette technologie qui permet de faire fi des caprices de la nature. Mais un doute  subsiste tout de même vu la magnitude annoncée.

Ensuite, l'accident nucléaire. Je dis accident parce que je ne suis pas très doué pour les formules creuses. L'événement a été qualifié au fil des heures d'incident, d'accident, de problème, de non-catastrophe, un peu comme une guerre qui ne doit pas dire son nom, l'innommable se produisait devant nos yeux et se parait des atours de la langue de bois officielle. Les déclarations rassurantes succédant aux communiqués lénifiants, on s'est installé dans un ronron médiatique qui n'est pas sans évoquer le bruit de fond d'un ballet d'hélicoptères.

Dérisoires marionnettes politiques décrétant sur quel sujet il est décent de débattre. Dérisoires spécialistes pontifiant au 20 heure. Dérisoires moulins à paroles usés pour avoir trop menti. Diraient-ils la vérité qu'ils ne seraient pas cru.

Dérisoires journaux, dérisoires médias, dérisoires lecteurs vite lassés par cette catastrophe annoncée qui n'en finit pas de venir. En deux semaines à peine, j'ai l'impression navrante que tout le monde est passé à autre chose. Une "opération humanitaire" pilotée par l'OTAN, avec son cortège d'euphémismes. Quelques soucis de politique intérieure pour un président en exercice. Des débats qui n'intéressent personne sur la religion, pour ne pas dire une religion. Des équipes sportives qui gagnent, perdent, font match nul. En un mot, le train-train quotidien.

Dérisoire internet, dérisoire Twitter soi-disant pourvoyeur de révolutions. Savez-vous de quoi on parle sur Twitter ce matin ? De la rumeur autour de la fausse mort de Jackie Chan. Pendant ce temps, à Fukushima, des hommes continuent de se battre contre un ennemi invisible. Ne les oublions pas. Même si ils sont déjà morts.

C'est si peu de choses, une vie humaine. C'est tellement dérisoire.

***

(1) Illustration : Information is beautiful : Radiation dosage chart - Creative Commons Attribution Non commercial - David McCandless

09 mars 2011

Il y a 5 ans : mars 2006 - Chronique des choses qui ne changent pas

Voilà, c'est fait, ce blog a 5 ans, ce qui est un âge canonique pour un média dont la durée de vie n'excède généralement pas quelques mois. Je n'ai pas le courage de chercher des chiffres pour étayer mes dires, aussi devrez-vous me croire sur parole. Mais je pense que votre expérience de lecteur, voire de blogueur, vous fait pressentir que je ne dis pas une trop grosse ânerie. 

Le moment est donc propice à une petite auto-célébration mâtinée d'un peu d'autosatisfaction, et un peu ombrée de déception, celle de n'avoir pas toujours pu écrire toutes les choses grandes et magnifiques que j'avais en tête, et aussi celle d'avoir parfois cédé à la facilité.

Mais haut les cœurs ! Ce blog est une expérience vivante, et en tant que telle connait les aléas de tout ce qui vit, avec des périodes fastes, des moments d'exception, et quelques passages à vide. Il est aussi le reflet de ma vie ces 5 dernières années : plus ma vie est riche, moins j'ai le temps d'en parler...  ;-)

Pour célébrer comme il se doit cet anniversaire d'exception, j'ai pensé faire chaque mois une petite rétrospective de tout ce que j'ai pu raconter il y a 5 ans. Et voir au passage si ce dont je parlais il y a 1/20 de siècle a évolué entre-temps...

***

Il y a 5 ans, sur ce blog...

...je parlais de Hoaxbuster et de tôle emboutie.

5 ans après, les choses n'ont pas vraiment changées. Ce sont toujours -hélas- les mêmes hoax qui tournent en boucle sur Hoaxbuster, et nos rues sont toujours encombrées sinon de chauffards, du moins de mauvais conducteurs. Pas forcément ceux qui roulent bourrés, à 230 km/h, à gauche, sans permis et en tenant le volant avec les pieds.


Lotus


Non, je pense d'abord à tous les auteurs des incivilités du quotidien, les accros de la clope garés en double-file "juste 30 secondes", les trop pressés qui slaloment entre les piétons sur les passages abusivement dénommés "protégés" (quelle ironie), les partisans de la loi de la jungle qui foncent dans le tas à chaque rond-point, la bonne femme qui a failli me rouler dessus, sur un passage protégé justement, "parce qu'il n'y a pas de petit bonhomme" à cet endroit... Et je ne parle pas du crétin solitaire de l'asphalte qui a tout bonnement failli me tuer en jouant à K2000 fais moi peur sur la rocade...(1)

Rien de nouveau sous le soleil donc. Heureusement, Hoaxbuster va bientôt changer de look. Ca fait toujours une consolation.

(1) Image CC yellow book 

08 mars 2011

Juste deux gif

Je crois que ça se passe de commentaires... Par contre, je me demande s'il est normal que ça me fasse rire ?






Pour la petite histoire : le premier .gif tourne depuis un petit bout de temps, ce qui s'explique par son côté indéniablement mignoooon ; je viens de tomber sur le second qui en est manifestement la parodie. Mais le doute reste permis...


02 mars 2011

20 ans déjà !

Serge Gainsbourg, auteur-compositeur-interprète, artiste avide de coups de cœur et mort de crise cardiaque, 2 avril 1928 - 2 mars 1991



























28 février 2011

Lectures de février

- Croisière à l'intérieur des terres / R.L. Stevenson
Lecture dans le prolongement de L'île au trésor, relue il y a peu. Prochain sur ma liste dans la catégorie Stevenson : le pendant de celui-ci, à savoir Voyage avec un âne dans les Cévennes



- Les soirées du hameau (Première partie) / Nicolas Gogol




Images : CC Wikimedia

23 février 2011

Le discours d'un roi

Je ne saurais trop vous conseiller d'aller voir Le discours d'un roi

Il fait partie de ces films qui vous laissent une empreinte plus qu'un souvenir. De ces films dont on garde une émotion, un ressenti, et qui vous obligent à en parler autour de vous, à tenter de convaincre vos collègues, vos amis, Tatie Germaine et la boulangère d'aller les voir.


Quelle est l'histoire ? Elle est en apparence très simple : c'est un homme qui va voir un thérapeute pour son bégaiement. Comme il est Altesse royale (le bègue, pas l'orthophoniste), ça le gêne beaucoup dans son métier. On pourrait rester indifférent (il est bègue, so what ?), sarcastique (comme quoi, les aristos aussi ont leurs problèmes), moqueur (il ferait un bon roi des bègues) et pourtant il n'en est rien.

Dès les premières minutes du film, on est en complète empathie avec le personnage. Sa première apparition donne le ton de la suite : contraint et forcé de faire un discours, le malheureux arbore une tête de condamné amer. Il sait que ça va être un massacre mais il n'a pas le choix. Il gravit des marches escorté de familiers et d'officiels, bourreaux involontaires bourrés de bonnes intentions ; sa femme tente de le réconforter, encore quelques marches à l'air libre ; le micro est là, énorme et fatidique au milieu de la tribune de Wembley.

C'est là que l'on commence à l'aimer, ce prince de Motordu qui n'en peut mais. On est avec lui, on voudrait tant que les mots sortent, on se tortille sur son fauteuil, on souffre pour lui pendant que les flegmatiques et loyaux sujets pouffent devant cet handicapé du verbe.

 
Les années passent et le bégaiement reste. On retrouve Son Altesse Royale aux prises avec des charlatans qui lui font bouffer des cailloux, il finit par vomir les uns et les autres. Jusqu'à la rencontre avec le thérapeute providentiel, aussi peu respectueux de l'étiquette et des conventions que son patient en est prisonnier.

Mister Logue, mais appelez-le Lionel, va devoir percer la carapace de convenances, de protocole, d'éducation rigide qui emprisonne son royal impatient, pour trouver des petits bouts d'homme  en-dessous,  cet homme qu'il refusera d'appeler autrement que Bertie.


Le film ne s'attarde pas outre mesure sur les causes du bégaiement (aussi incredible et shocking que cela paraisse, Bertie a eu une enfance malheureuse), évitant à ma grande satisfaction de sombrer dans le pathos, ni dans une démonstration de la méthode du professeur Shmourf pour transformer les bègues en chanteurs d'opéra. L'enjeu du film est ailleurs, l'émotion aussi. Elle est dans cette évocation des blessures cachées de ces deux hommes que tout oppose ; ils ne sont pas du même monde - à tous les sens du terme. L'un est roturier, l'autre est appelé à devenir roi. L'un est anglais, l'autre est australien. L'un est bègue et va devoir apprendre son rôle de roi. L'autre connait tout Shakespeare, mais ne jouera jamais la tragédie. L'un se rêve en roi Lear, l'autre ne rêve que de pouvoir lire.

Car il s'agit au final d'un ballet à trois entre le roi, l'orthophoniste et la TSF, personnage omniprésent, mais véritable enjeu du film, arme dans la guerre qui s'annonce et qui crée une part non négligeable du ressort dramatique. Car Bertie, sorry, Sa Majesté Georges VI, ne pourra pas échapper au trône après l'abdication de son frère Edouard VIII, et devra incarner la voix de l'Angleterre et de l'Empire face à un Hitler qui ne mâche pas ses mots.


L'ensemble, ce qui ne gâche rien, est relevé par un humour so british et un final mis en musique par Beethoven. Une brochette d'acteurs tous plus excellents les uns que les autres portent le film, Colin Firth en tête. Pour être tout à fait franc, je trouve ce type tout simplement épatant. Capable de jouer dans Bridget Jones comme d'incarner Vermeer dans La jeune fille à la perle, il fait ici un bègue émouvant sans caricature ni affectation, un homme tout simplement, avec ses qualités, ses défauts, son enfance, son histoire, ses contraintes.

Un homme avant tout.